fermer la fenetre

Recevez la lettre d'informations de Jardinons Sol Vivant !

En soumettant ce formulaire, j'accepte que mes informations soient utilisées uniquement dans le cadre de ma demande et de la relation commerciale éthique et personnalisée qui peut en découler.

Je n’ai pas l’habitude de tenir un discours de militant politique, mais l’actualité nous rattrape et une loi votée le 28 novembre dernier par le parlement français m’amène à écrire le texte qui suit.

Qui se doute que la loi sur les semences récemment voté aggravera le risque d’insécurité ? Cette loi est-elle en conformité avec les principes de durabilité que tout le monde est en droit de voir appliquer ? Il est fortement permis d’en douter !

Que s’est-il passé exactement le 28 novembre ?

Tout simplement le vote d’une loi qui oblige les agriculteurs français à se mettre en conformité d’un règlement européen datant de 1993. Celui-ci stipule que tout agriculteur qui réutilise une partie de sa récolte pour la ressemer, c’est-à-dire qui utilise de la « semence de ferme », devra payer une redevance, fixée pour le moment à 3€/ha et destinée à financer la recherche (comprendre : les multinationales de la semence). Plus précisément, cette redevance, dite « contribution volontaire obligatoire » (sic !) s’applique pour 21 espèces en plus du blé tendre (espèce pour laquelle elle était obligatoire depuis 2001), pour peu que la semence utilisée aie été sélectionnée depuis moins de 25 ans. Plus grave encore, en dehors de ces espèces, l’utilisation des semences de fermes est purement et simplement interdite (cas du soja et de la totalité des légumes), cette interdiction s’applique également pour les couverts végétaux, mettant ainsi en péril le développement de techniques extrêmement prometteuses mais encore mal maîtrisées. Cela risque de plus de retarder les objectifs de la directive nitrates qui demande une couverture des sols à 100% en période d’interculture. Le meilleur moyen de réussir cet objectif crucial pour la société ne consiste t-il pas à ce que l’agriculteur, dans sa phase d’apprentissage, ressème au moindre coût et en toute simplicité sa propre semence ?

Sur tout cela on ne peut rien, c’est voté et il faudra désormais s’y conformer ou être hors la loi ! Et inutile d’espérer quoi que ce soit d’une éventuelle alternance politique car l’opposition, pourtant forte de sa récente conquête du sénat n’a même pas été capable de faire contester un amendement du projet. Cela  aurait permit de renvoyer le texte dans cette dernière assemblée qui aurait alors pu le rejeter ! La seule solution est donc d’alerter au maximum l’opinion publique  dans toute sa diversité en expliquant au mieux le thème de la semence qui nous concerne tous, même ceux qui vivent toute l’année au milieu du béton des villes et ne mettent jamais les mains dans la terre ! Il s’agit là ni plus ni moins que de l’enjeu de notre sécurité alimentaire !

La sécurité alimentaire des peuples dépend des semences de fermes

Pour bien comprendre cela, je vous invite à vous pencher sur les différents types de semences qu’utilisent les agriculteurs :

–         Les semences de population sont des mélanges de plusieurs lignées. Elles sont la réserve de biodiversité des gènes. La culture des populations permet d’identifier des lignées performantes dans un milieu et un climat donné.

–         Les lignées sont des plantes d’une même espèce qui présentent un ensemble de caractères homogènes et stabilisés. Elles sont issues des populations, et sélectionnées pour répondre à une problématique précise. Il est possible d’améliorer la rusticité ou la sensibilité d’une plante aux maladies.  Une lignée se reproduit à l’infini par reproduction autogame. Une variété est une lignée sélectionnée à laquelle on a simplement donné un nom.Il est possible de facilement reproduire ces semences, elles peuvent être améliorées si l’on continue leur sélection.

–         Les hybrides F1 sont issus du croisement de deux lignées, ce sont en quelque sorte des « métis » végétaux, la grande différence entre eux et les lignées provient de l’homogénéité exceptionnelle de la 1ere génération hybride F1 qui bénéficie de surcroit de l’effet hétérosis qui améliore, selon les types de plantes, la production et la rusticité. Cependant, le semis des semences issues d’hybrides (2e génération  F2) exprime à nouveau l’hétérogénéité des lignées parentes, moins performantes (perte de l’effet d’hétérosis, lois de Mendel), supprimant l’intérêt de la  réutilisation des semences par l’agriculteur.

–         Enfin les OGM (Organismes Génétiquement Modifiés) sont des plantes auxquelles on « colle » un gène au génome afin d’apporter une réponse rapide face à une problématique donnée. Les plantes OGM de première génération intègrent, dans la majorité des cas, un gène de résistance à un herbicide ou un ravageur.

Les deux premiers types de semences (populations et lignées) existent depuis les débuts de l’agriculture et peuvent être reproduits sans difficultés par les agriculteurs. Ils doivent cependant maintenir la qualité des semences et les améliorer constamment. Ce travail de maintient et de développement de la diversité génétique se réalise aussi bien par l’industrie semencière que par les agriculteurs. Ces semences permettent, dans tous les cas, de répondre rapidement à un besoin alimentaire. Elles garantissent la compétitivité, la réactivité et la performance économique de l’agriculteur en même temps que la sécurité alimentaire pour la société. En effet, en cas de pénurie de semences, la mise en culture est immédiate et les résultats garantis.

Les deux autres types (hybrides F1 et OGM) sont issus du travail de développement de l’industrie semencière depuis 100 ans environ. Ces semences permettent d’améliorer la production globale. Elles améliorent aussi l’offre de diversité génétique. Leur obtention nécessite un long travail de sélection, difficile et parfois aléatoire, que rémunère le prix. Leur production doit être renouvelée tous les ans. Ce travail spécifique de production de semence peut être aléatoire car soumis au climat. Les semences de mauvaises qualités, non conformes, ne peuvent alors plus être commercialisées. Un risque de pénurie existe bel et bien. Même si ces semences s’avèrent très performantes, notamment les hybrides, elles sont soumises aux stratégies commerciales des firmes. Elles ne peuvent donc pas constituer l’essentiel de la stratégie de développement autour de la sécurité alimentaire.

Il y a là une problématique non évoquée et non résolue par la loi.

Comment avoir une stratégie d’agriculture durable qui garantisse l’approvisionnement et la sécurité alimentaire des peuples ?

Le regard porté sur les différentes semences montre qu’il serait suicidaire pour une société de s’en remettre aux seules ingénieries commerciales de brevetage du vivant. Les technologies sont actuellement déjà rémunérées par les règles commerciales. Une stratégie d’agriculture durable implique que l’agriculteur puisse avoir accès sans restriction à son patrimoine génétique traditionnel, c’est-à-dire aux semences de populations et de lignées. Cet accès au semis sans restriction doit être un véritable service public compte tenu du service rendu au public par les agriculteurs. La sécurité alimentaire impose un accès sans conditions à ces semences.  Ces semences hébergent le meilleur potentiel de réactivité !

Quelle est la réalité d’un système commercial en cas de problème majeur, une crise économique, une catastrophe ou un conflit ? Que se passerai-t-il si les multinationales détenant le monopole de la semence venaient à faire faillite ? Il est aisé de comprendre que la technologie n’est sans doute pas apte à répondre au souci élémentaire de réactivité et de sécurité.

Imposer le paiement de taxes sur ces semences semble être un bien mauvais choix. Ce système de mutualisation ne permet en aucune sorte de garantir la sélection de semences de qualité par les obtenteurs. Un simple regard sur les pratiques de sélection ayant entrainé une perte de rusticité des semences pour accroitre la dépendance des agriculteurs à la phytopharmacie durant les 20 dernières années montrerait aisément les dérives et les complicités passées.

Comment continuer ?

S’il semble acquit qu’une taxe ne résoudra pas le problème que pose le devoir de durabilité, il faut bien organiser la préservation et la sélection des semences de population et de lignées.

Il faudra inventer un nouveau modèle de sélection et de production. La régionalisation et l’adaptation des semences aux différentes situations, semble être la meilleure solution. La sélection locale permet l’adaptation locale et, en même temps, une très forte diversité compte tenu des nombreux territoires existants. Cette réserve et cette diversité génétique profiteront aussi bien aux agriculteurs qu’aux semenciers. Ceux-ci n’auront qu’à piocher dans le fond génétique développé afin de proposer de nouvelles solutions technologiques encore plus performantes aux clients visés. La durabilité est une question de responsabilité.  Ainsi, il semble logique que les semenciers, principaux bénéficiaires des lignées pour leur technologie, en financent aussi le développement. Mais cette proposition comporte en contre partie que les innovations puissent se développer en toute sérénité conformément aux règles sanitaires édictées.

La société doit mener ce débat. Il en va de sa sécurité alimentaire !

Vous pouvez reproduire ce texte à volonté pour faire connaître ce problème autour de vous, en espérant que l’opinion publique amène ce débat au devant de la scène politique

24 Responses to La loi sur les semences de ferme: une menace sur notre sécurité alimentaire!

  1. raymond taffein dit :

    les croqueurs de carottes,,semences paysannesvous invitent a signer leur petition sur:semonslabiodiversite.com

  2. michèle dit :

    J’ai reçu la pétition et bien sûr je l’ai signée aussitôt.
    Elle a aussi circulé sur le forum de la « gazette des jardins ».

  3. sabine dit :

    je fais circuler ! c’est consternant , affligeant

    merci d’avoir pris la peine d’écrire cet article !

    on va se battre !!!!

  4. fanfan dit :

    je fais circuler .j’ai signé la pétition aussi il y a un petit moment

  5. Michèle L. dit :

    tout ceci est vraiment inquiétant; où va notre liberté? comment pourra-t-on conserver et planter des variétés anciennes de légumes et de fruits dans l’avenir? tout ce qui ne colle pas aux normes des semenciers sera-t-il détruit? il faut dire haut et fort ce que l’on en pense

  6. Francis dit :

    Bonjour à tous,
    suivons les croqueurs de carottes, je vous invite à wous connecter sur le site AVAAZ pour proposer une action, ne laissons pas la dictature des semenciers nous imposer leur loi. L’union fait la force (et l’oignon aussi !)

  7. Leterme dit :

    Ton texte est très clair Gille
    je vais voir comment le faire passer auprès des membres de notre association.
    Cette précipitation à voter ce texte est effectivement édifiant sur la mauvaise information de nos politiques.
    je te remercie de nous donner les éléments de compréhension du problème.
    Evelyne Leterme – directrice du Conservatoire végétal d’Aquitaine

  8. cottet pierre dit :

    après le purin d’ortie c’est au tour des graines . quelle époque merveilleuse.je suis indigné.

  9. alain17 dit :

    Mon ami agriculteur m’a dit :
    Nous sommes tous au courant et si nous ne jouons pas le jeu, c’est notre revenu qui s’effondre et la faillite assurée avec la vente de notre héritage. Alors ?.

  10. Subra Jacques dit :

    Silence assourdissant des syndicats agricoles et particulierement la F N S E A!!! ou alors n’ai-je pas entendu?

  11. Simon dit :

    Bonjour. Grâce à cette loi scélérate qui dévoile l’avidité sans borne des pouvoirs de l’argent,de plus en plus de gens découvriront les bienfaits d’une agriculture authetique.Il faut continuer à informer et à éduquer sans perdre la sérénité. Aucune loi ne peut avoir le dessus sur des convictions bien ancrée.

  12. Peggy dit :

    Le devoir de désobéissance civile semble plus que jamais devoir s’imposer avec l’appuis d’une forte mobilisation des agriculteurs et de la population.
    Quand une loi est servile, et qu’elle aliène la liberté des peuples à disposer de leurs propres ressources de base (eau, semences), elle n’a plus aucune légitimité dans une prétendue démocratie républicaine… De notre détermination dépendra notre faculté à changer la donne au niveau de la loi. Les agriculteurs doivent plus que jamais informer les populations de leur lieu géographique et mener la mobilisation…

  13. Claude dit :

    Je suis d’accord cette loi cherche à transformer tout en monnaie.
    Plus rien ne sera gratuit.
    Mais je pense que ce nombre de restrictions grandissant des libertés des citoyens va finir par faire des révoltés et des hors la loi.
    Bientôt ce ne sera que la solution sage qui restera.

  14. Eliane Papillon Le Noc dit :

    J’ai envoye un message avec l’URL de ce site sur:
    http://www.france.attac.org/
    http://www.fondationpierrerabhi.org/

    Ils peuvent peut-être vous soutenir si ce n’est deja le cas ?

    Eliane.

  15. guy dit :

    bonjour,
    aussitot su par les mdeias, j ai pris 1 adhesion

  16. guy dit :

    bonjour,
    Aussitot appris par les medias, j ai pris 1 adhesion à Kokopelli.
    tres bel article,Gilles.
    @+

  17. Jean-Luc dit :

    bonjour,

    Je vous conseille la lecture des débats de la séance du 28 novembre à l’assemblée où vous lirez que l’opposition s’est battue pour que ce texte soit rejeté.
    voici le lien: http://www.assemblee-nationale.fr/13/cri/2011-2012/20120067.asp#P46_1310

  18. DOUSSIN dit :

    D’accord avec ton article, à une exception près, justement politique : dans le cas d’une éventuelle alternance, tout dépend du poids de G.E.L.V. dans la balance.
    Donc des raisons d’espérer…

  19. Gandon dit :

    Faire connaître, signer et faire signer, autant qu’on peut. C’est une guerre.

  20. Loic dit :

    Demain ca sera une taxe sur le droit d’avoir un potager !

  21. Bonjour,
    Effectivement voici un article qui indique qu’aux Etats-Unis, Monsanteau a proposé en février 2009 une loi pour interdire les potagers des particuliers.
    http://goo.gl/leVPD
    C’est encore mieux qu’une taxe !

  22. lakoi dit :

    j’ai apprécié l’aspect technique de cet article mais je voudrais y apporter 2 précisions
    1-agriculteur, j’ai vu arriver les maïs hybrides il y a plus de 50 ans et depuis nous n’avons jamais manqué de semences.En céréales à paille,les risques de pénurie sont faibles :il y a très peu d’hybrides,donc on pourrait ressemer la récolte précédente sans problème .
    2- ce qui pose problème pour ressemer une récolte ,c’est son caractère hybride.Une plante génétiquement modifiée peut se ressemer,si elle n’est pas hybride,comme le soja
    En ce qui concerne la nouvelle réglementation, elle n’empêche pas de ressemer sa propre récolte,il faudra vraisemblablement payer une taxe.Si on ressème une variété inscrite dans les 3 ou 4 dernières années,on bénéficie du progrès génétique et il est normal d’être soumis à une cotisation.Ce n’est pas normal si la variété a plus de 10ans.

    • Gilles Domenech dit :

      Joseph, pour le soja, qui n’est pas dans la liste des 21 espèces, l’utilisation de de

    • Gilles Domenech dit :

      Joseph, pour le soja, qui n’est pas dans la liste des 21 espèces, l’utilisation de semences de ferme est interdite.
      À mon sens, surtout dans l’instabilité du contexte économique actuel, le risque de pénurie, suite par exemple à la faillite d’une grosse entreprise semencière, est réel si celles-ci ont le monopole des semences!

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *