Martine avait évoqué son expérience d’association haricots – poirier et j’ai trouvé intéressant de lui proposer un article sur mon blog afin de susciter les discussions et échanges que méritent cette expériences qui me parle bien. Je la laisse à présent décrire l’expérience qu’elle a réalisé et vous propose d’en faire autant pour voir si ses observations se répètent ailleurs.
Mon tout jeune potager-verger familial est principalement destiné à assurer notre autonomie en légumes et fruits. Sur 400 m² (200 pour le potager, 200 pour le verger), je produis le nécessaire pour l’alimentation en fruits et légumes du foyer. Ce potager me sert aussi de lieu d’expérimentation, de mise en pratique des techniques agro-écologiques et des principes de la permaculture que j’enseigne.
Ce jardin, je l’ai créé il y a 4 ans à la suite de la construction de notre nouvelle maison sur une prairie qui n’a jamais été labourée (selon les dires de l’ancien propriétaire qui habitait là depuis 1920). C’était le pâturage attenant à la ferme que nous avons restaurée puis vendue pour financer la nouvelle construction… Bref ! Le genre de jardin pavillonnaire d’une commune rurale en voie d’urbanisation. Le terrain présente une belle terre limoneuse, profonde, suffisamment drainante mais pas trop. Plus facile à travailler qu’un sol argileux mais dont la structure (complexe limono-humique) est plus fragile.
Les idées force qui m’inspirent son aménagement sont :
- Mouvement : aménagement progressif et perpétuellement réévalué
- Densité : étagement des végétaux ; penser volume autant que plan
- Diversité : association de plantes, multiplication des espèces et variétés
- Elégance : beauté naturelle de la composition paysagère. Le(la) jardinier(ière) doit être fier(e) de montrer son jardin nourricier !
Autre source d’inspiration : les contraintes. Le temps de travail disponible, les exigences des plantes, les conditions pédoclimatiques, l’espace limité… obligent à faire preuve de créativité. Et, si créer c’est prendre le risque d’un échec, c’est aussi source de découverte.
Pour illustrer cette réflexion, voici l’histoire du poirier, de la guêpe et du haricot.
Un poirier demi-tige « rousselet d’août » de 6 ans se trouvait sur le parcours du tractopelle qui s’apprêtait à creuser les fondations de la maison. Je décidais dans l’urgence de le replanter hors de portée du terrible engin. Malheureusement, je n’avais pas anticipé l’épandage de la terre issue des fouilles. Le collet de mon poirier se trouva enterré de 30 cm ; il risquait de s’affranchir. La vigueur du greffon produirait alors un arbre dont les dimensions deviendraient vite incompatibles avec les celles du futur petit potager. Je creusais donc une sorte de bassin sous la couronne de l’arbre pour en dégager le point de greffe. L’aspect n’était pas des plus esthétiques. Comment faire de ce problème une solution? J’ai opté pour celle-ci :
- le bassin formé permit d’arroser copieusement le poirier dont la transplantation était risquée (arbre trop âgé).
- Je remplis le bassin de foin pour éviter l’érosion, garder l’humidité et masquer la dépression.
- Inspirée par les principes « un élément = plusieurs fonctions » et « utiliser tout le volume disponible », j’utilisai le poirier comme support de culture de haricots à grains. Les bords du bassin accueillirent un semis de haricots d’Espagne (Phaseolus coccineus) et 8 courtes rames posées sur les charpentières de l’arbre.
- Les haricots profitèrent de l’humidité relative de la terre du bassin ; l’ombre du feuillage des haricots conserva l’humidité.
- La floraison généreuse et colorée des haricots composèrent un ensemble esthétique
Mais je n’avais pas anticipé le plus intéressant des résultats…
- je récoltai 5 kg de jolies poires fin juillet totalement indemnes de carpocapse (le fameux « ver de la pomme » qui aime tout autant la poire).
- Pas une guêpe n’attaqua les poires.
- Ni pucerons, ni chenilles sur le poirier et les haricots.
- Meilleure récolte de haricots sur poirier que sur rames classiques.
Tentative d’explications :
- J’ai observé que les fleurs ouvertes des haricots de l’espèce Phaseolus coccineus attiraient plus d’insectes butineurs que le haricot « ordinaire » : Phaseolus vulgaris. Les guêpes polistes qui avaient élu domicile dans ma serre (5 nids) les fréquentèrent beaucoup. Bien que carnassières (elles chassent chenilles et pucerons), elles ont aussi besoin de sucre en été comme carburant de leur extraordinaire activité. Est-ce la prédation des guêpes sur les insectes qui a protégé le poirier et les poires?
- Est-ce le haricot qui a renforcé les défenses du poirier ? NB : un autre poirier « Favorite Morel », tardif celui-là (poires cueillies en octobre, mures en décembre), et qui n’a pas été complanté avec des haricots a été atteint par le carpocapse et la tavelure.
- Le nectar des haricots P. coccineus est-il plus appétant que le jus de poire ? NB : j’ai installé des vieilles cuvettes toujours pleines d’eau à proximité des nids de guêpes car elles s’attaquent aux fruits aussi pour boire ; pas seulement pour le sucre…
- L’ombre légère du poirier et le micro-climat induit a-t’il été favorable aux haricots ? Ceux-ci ont été plus productifs que les haricots sur rames classiques : les fleurs des haricots sur poirier ont moins avorté que ceux sur rames en cet été caniculaire 2015.
- L’humidité relative du sol a profité aux deux espèces complantées : haricot et poirier.
C’est la deuxième année que je mets en place cette expérience. Il faudra la réitérer pour confirmer les résultats et reproduire le schéma sur le poirier tardif « Favorite Morel ». Mais je soumets le sujet volontiers et dès à présent à votre expérience, vos connaissances, vos observations… ou vos autres hypothèses !
Martine DELHOMMEAU
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Bonjour,
Oui très intéressant, mais pourquoi ne pas mettre un pied de courgette au pied pour en garder naturellement l’humidité?
Bonjour Tony, Si vous observez bien la photo de gauche montrant le poirier en fleur, vous y reconnaîtrez les feuilles d’une cucurbitacée. J’ai récolté au pied du poirier mon plus gros potiron de l’année. Je l’ai d »ailleurs découvert assez tard tant la végétation était dense. Je cultive toujours potirons et courges en périphérie du potager. Cela présente toutes sortes d’avantages… Mais c’est un autre sujet!
Oui, c’est intéressant, cela devrait aussi marcher avec des pommiers. Les pois fixent l’azote de l’air et donc doivent nourrir un peu les fruitiers (ce que ne feraient pas les courgettes). J’aurais pensé que les pois pouvaient étouffer les fruitiers, mais si cela fonctionne, pourquoi ne pas tenter l’expérience.
Bonjour Bellamy, Les pois (pisum sativa), même à rames, ne feront que 2m. de haut maxi. Les haricots montent beaucoup plus haut : 3m., 3.50m. J’insiste aussi sur le fait que j’ai cultivé des variétés de l’espèce Phaseolus coccineus (haricot d’Espagne, soisson, …). Les pois sont printaniers; les haricots estivaux. Le choix de l’espèce a surement une incidence. Mais pourquoi pas essayer la culture de pois à rames autour des fruitiers? Mais ce serait une autre expérience…
je vais tenter avec le pecher
Bonjour,
Intéressante cette expérience, j’ai bien envie d’essayer sur mes pommiers. Il sont couverts de pommes, mais malgré le piège à hormones elles sont toutes verreuses, j’étais à deux doigts de faire un traitement l’année prochaine. Je vais patienter une année supplémentaire, je ne sais plus quoi tenter…
Article très intéressant.
Une démarche qui me plait bien :
– analyse du problème
– choix d’une possible solution
– observation du dispositif
– constat des résultats
– conclusion et si nécessaire modification puis retour au cycle
Sans oublier le partage et l’échange.
Je mets tout ça dans un coin de ma tête.
Cela servira très vite, je le sens !
Superbe idée, appliquée depuis longtemps dans certaines régions comme les Abruzzes, j’y ai vu des tomates poussant contre des arbres fruitiers, je l’ai moi-même expérimenté l’an passé avec un plant de tomates contre un poirier (Précoce de Trévoux). Ca a fonctionné, même sous nos climats du Nord (Charleroi). L’avantage des Haricots, comme le mentionne Bellamy, c’est l’apport d’azote organique, fixé par les bactéries Rhizobium dans les nodules formés par les racines des Fabacées (anciennement Légumineuses). Très chouette ces cultures intégrées : gain de place et de mise en œuvre ! Je vais essayer l’an prochain avec mes 2 pommiers présents dans le potager. Merci pour ce partage !
Merci pour ces infos qui éveillent la curiosité ….
Je vais essayer à la prochaine saison et partager cette culture avec nos amis jardiniers de Belle Ile .
Bonsoir,
Très intéressant en effet. J’avais lu pour le poirier qu’il s’entendait très bien avec l’asperge, mais pas encore pu essayer.
Cette expérience repose sur un raisonnement intelligent :
» Si tu ne peux résoudre ton problème fais en une solution » ou encore
» Au lieu de combattre ta difficulté fais en un avantage «
Bonjour,
Comment avez-vous récolté les plants enroulés autour des branches? Ça me semble fastidieux.
Merci!
bonjour Marie, je présume que vous me poser la question de récolter les haricots. Dans ce cas précis, j’ai cultivé du haricot d’Espagne dont on récolte les gousses sèches. Les tiges restent dans l’arbre et sont détruites ensuite par le gel. Elles finissent par totalement disparaître au printemps. J’attends octobre pour le faire, en une seule fois et à l’escabeau. Cette association vise à économiser l’espace et renforcer la santé des trois espèces (haricot, poirier, potiron) par leurs affinités ou compatibilités. Je récolte les potirons qui sont au sol en même temps. Je pratique cette association depuis 2015 dans mon jeune verger pour produire mes semences de haricots et mes courges d’hiver.