Il y a un peu plus d’un an, Denis m’avait questionné en commentaire de l’article « le jardin bio de Jacques » sur l’application de BRF en suivant la « technique sylvagraire », celle développée par les Québecois et vulgarisée aujourd’hui en France par Jacky Dupéty. Malgré mon scepticisme sur cette approche, il a choisi de la suivre. Il a récemment laissé un commentaire sur la page d’accueil pour me faire part de ses déboires. J’en ai profité pour lui demander un article sur son expérience pour mieux comprendre ce qui s’est passé et vous le partager. Voici son témoignage :
Petit historique rapide du terrain :
C’est une parcelle qui a servi pendant une vingtaine d’années de parc à canards, donc toujours en prairie naturelle (je précise que sur ces parcs il y avait toujours de l’herbe, les canards disposaient de beaucoup d’espace) puis depuis une dizaine d’années, il n’y a plus eu de canards, ce sont des chevaux qui pâturaient.
Le sol
Il s’agit d’un sol de Ségala aveyronnais léger, souple, brun clair, se desséchant facilement après une averse, facile à travailler mais peu profond (20 à 25 cm même moins par endroits) avec quelques pierres de schiste çà et là.
L’épandage du BRF
Courant novembre 2011, avec le tracteur j’ai passé en croisé le cultivateur pour casser la prairie .J’ai obtenu un sol bien aéré et souple. Le sol était bien séché pour le travailler. Ensuite j’ai épandu manuellement du maërl et repassé le cultivateur pour le mélanger un peu à la terre. Fin décembre (c’était entre Noël et le 31 décembre), j’ai épandu le BRF sur une couche irrégulière épaisse en moyenne d’environ 5 cm. J’ai voulu mettre assez d’épaisseur pour éviter que l’herbe de la prairie ne repousse à travers le BRF (peut-être une erreur ?).
En ce qui concerne l’origine du BRF, il s’agit de branches de noisetiers pour l’essentiel ; mais aussi des frênes, chênes ou quelques autres essences (sureau, houx, hêtres ….).
J’ai laissé en place sans y toucher jusqu’en mars où j’ai repassé en croisé un vibroculteur (autre appareil à dents) pour mélanger le BRF au sol.
Mon souci était de le faire pendant une période sèche (et je me souviens que les conditions ce jour-là étaient particulièrement favorables) car je voulais éviter de tasser le sol avec le tracteur
Après, ça se gâte !!
Fin avril – début mai j’ai voulu procéder aux semis et plantations et là, grosse surprise j’ai découvert sous le BRF un sol tassé, complètement asphyxié, qui sentait même la vase !
Lorsque j’en soulevais une largeur avec la grelinette, cela faisait un seul bloc !
J’ai choisi de décompacter ce sol avec la grelinette, pour éviter le motoculteur afin de sauver les quelques vers de terre présents. Ce travail a été effectué uniquement sur la largeur de la grelinette et sur les rangs prévus pour semer ou planter.
Quelques remarques :
L’hiver, le printemps et l’été ont été particulièrement secs cette année. Par exemple, il n’y a pas eu de sortie de champignons sur le BRF ; ils sortent là maintenant depuis la fin octobre. J’ai d’ailleurs arrosé tout cet été !
Le 5 août gros orage de grêle qui a fait pas mal de dégâts.
Il y a eu aussi une bonne population de rats qui ont croqué une bonne part des patates et maintenant se sont attaquées aux carottes !!
Lorsque j’ai découvert ce problème de sol asphyxié, j’ai pensé dans un premier temps à un tassement par le tracteur au moment des différentes opérations.
Mais en bordure de parcelle le BRF n’a pas été arrêté de façon bien rectiligne, selon les godets cela faisait des sortes de « langues » .Lorsque je passais la grelinette, dès que j’attaquais une partie sans BRF je retrouvais un sol normal, alors qu’il avait été tassé de la même façon par le tracteur. C’est pour cela que j’en ai conclu qu’il s’agissait d’un effet que l’on pouvait attribuer totalement au BRF.
Cet automne, j’ai mis un couvert végétal (mélange de seigle, vesce, phacélie) sur une partie du jardin après les récoltes de pommes de terre et haricots. Celui-ci a été semé le 23 octobre après avoir passé le cultivateur. Sur l’autre partie du jardin, il y a des cultures (framboisiers, fraisiers, navets, mâches, choux, carottes …) et je laisse les herbes qui poussent naturellement pour que les racines améliorent la structure du sol (du moins j’espère !)

Je ne me contenterai bien sûr pas du facile : « je l’avais bien dit que cette technique ne fonctionnait pas ! ». Non, ce n’est pas si simple. A première vue, on est dans des conditions assez favorables pour un amendement avec du BRF : sol léger, aéré, bonnes conditions d’interventions.
Le premier souci que je perçois est sans doute l’épaisseur sans doute quelque peu excessive, mais ce n’est certainement pas le seul facteur.
Ensuite, je pense que l’opération d’incorporation a été en effet néfaste, voici une hypothèse quant à ce qui a pu se passer :
1) Suite à cette opération et à l’immobilisation d’azote qui a probablement suivi, la végétation s’est très peu développée ;
2) Les pluies printanières, fussent-elles rares, ont battu le sol ainsi dénudé et sensible à la battance de par sa nature, et sa surface s’est encroûté, limitant la diffusion de l’oxygène alors que ce gaz était fortement consommé les nombreux micro-organismes occupés à décomposer l’énorme quantité de BRF et les résidus de la prairie mis à leur disposition ;
3) Des conditions plus ou moins anaérobies se sont ainsi mise en place, expliquant cette odeur de vase et les piètres résultats des cultures implantées sur la parcelle. Cela a peut-être aussi provoqué une acidification du sol.
Pendant ce temps la parcelle témoin n’a pas été perturbée, ni par un travail arrivant à un moment gênant le développement de la végétation, ni par un apport de matière organique ligneuse difficile à digérer pour le sol, du coup celle-ci était bien plus belle.
Je pense que le fait d’avoir implanté un couvert hivernal est une bonne solution : la présence en continue de racines dans le sol va permettre de l’aérer en permanence et d’injecter des composés organiques qui nourrissent en continu les micro-organismes. A présent, et tant que le BRF n’a pas été bien digéré, il me semble indispensable que ce sol porte toujours des plantes vivantes : cultures ou couverts végétaux.

Et vous que pensez vous de cette expérience ? Auriez vous d’autres interprétations quant aux raisons de ces déboires suite à l’épandage et l’incorporation de ce BRF ? Avez d’autres conseils à donner à Denis ?