Suite au dernier article de Christophe Gatineau sur la piéride du chou, et aux commentaires qu’il a suscité, j’ai contacté, sur le conseil de Bertrand Carlier, Antoine du blog guêpes et frelon. il nous fait ici une petite présentation du monde des guêpes, nos amies mal aimées :
On nous dit souvent que l’abeille c’est la gentille, l’image de Maya faisant son miel alors que la guêpe n’apporte que des ennuis… et si les guêpes étaient plus intéressantes qu’elles n’y paraissent ? Si nous prenions le temps ici, tout de suite, de rassembler quelques informations sur leur utilité en culture ? Au pays des guêpes, il y a les solitaires menant leur petite vie et les sociales construisant de vastes colonies. Toutes ont un rôle à jouer au sein de la biodiversité…
Les guêpes solitaires
L’intérêt des guêpes solitaires est déjà bien connu et les premiers manuscrits montrant leur utilisation datent de 1900. A l’époque, les larves de guêpes identifiées comme utiles étaient collectées dans les champs puis déposées dans les cultures. Plusieurs micro-espèces (genres Aphidius et Aphenilus) désormais élevées in-vitro s’attaquent avec une grande spécificité aux pucerons permettant une activité de destruction millimétrée. Leur utilisation dans l’horticulture s’est perfectionnée à partir des années 50 et ne cesse de progresser avec les enjeux environnementaux actuels.

Mais de nombreux autres représentants de guêpes parasitoïdes (familles des Braconidae, Ichneumonidae…) se sont spécialisés dans le parasitisme des chenilles de papillons divers, tenthrèdes et coléoptères phytophages.

Ces guêpes solitaires ont chacune une action limitée mais la diversité des espèces dans un écosystème donné permet de maintenir efficacement les populations de parasites à des seuils acceptables. Le recul actuel de leurs populations est provoqué par l’utilisation intensive (ou même locale !) de pesticides et la disparition des zones de jachère (herbes hautes, haies sauvages…) Ainsi afin de favoriser leur présence au jardin il est important de maintenir des zones préservées et d’abolir l’utilisation de produits chimiques auxquels ces insectes sont très sensibles.
Les guêpes sociales
Les guêpes sociales ont un rôle moins connu mais beaucoup plus efficace dans leur zone d’intervention. En revanche, elles souffrent de leur mauvaise réputation souvent injustifiée d’autant plus que toutes les espèces ne sont pas « égales » en termes d’agressivité. L’homme reste de loin le principal facteur de destruction des nids et des populations.
– Les polistes

L’une des familles les plus représentées et les plus utiles au jardin est celle des polistes. Ces guêpes sont reconnaissables à leur silhouette très allongée se terminant par 2 longues pattes arrière souvent visibles lors du vol. Elles construisent de petits nids sans enveloppe dépassant rarement 10cm de diamètre pour 30 à 50 individus actifs (mais souvent moins !). Les polistes sont de redoutables prédateurs dont l’alimentation des larves est essentiellement constituée de petites chenilles capturées par les adultes (pouvant représenter 80% des captures). Contrairement à la guêpe solitaire qui n’est que de passage dans un périmètre et reste isolée rendant son action limitée, la guêpe sociale installe son nid pour une saison et doit nourrir sa progéniture dans ce secteur. Elle chassera donc en continu, générations d’ouvrières après génération d’ouvrières éliminant beaucoup plus efficacement les parasites d’où l’intérêt de ne pas détruire son nid. Les polistes peuvent également chasser les grosses espèces de pucerons, les mouches et moustiques ainsi que les araignées mais leur proies restent de petite taille. Ces guêpes ont également un rôle dans la pollinisation de certaines espèces végétales comme le fenouil et de nombreuses ombellifères.

Pour favoriser le développement des polistes au jardin :
Conserver des recoins exposés en pleins soleil, abrités du vent et de l’humidité (dessous de tôle, de zinguerie, de tuile). Il est également possible de construire des nichoirs adaptés (On peut en faire avec de simples boîtes métalliques). Laisser à l’extérieur et au soleil quelques planches de contreplaqué grisées par le temps fournira le matériel nécessaire à la construction du nid ce qui, à défaut d’abriter un nid, pourra aider les colonies alentours. Au cœur de l’été, un point d’eau (une bassine suffit !) est souvent très apprécié par les polistes qui ont d’énormes besoins en eau pour réguler la température de leur nid contrairement aux autres espèces.
– Les guêpes communes (genre Vespula)

*
Ces guêpes sont les plus connues : celles qui construisent souvent des nids souterrains très populeux (plusieurs centaines d’individus). Plus grande population équivalent à plus grand rayon d’action, ces guêpes participent très activement à la contention des populations de parasites. Elles s’attaquent sans spécificité à toutes sortes d’insectes phytophage parfois plus gros qu’elles : grosses chenilles, sauterelles et criquets… En Août, un nid mature peut atteindre près de 10 entrées/sorties chaque seconde rapportant ainsi plusieurs dizaines de grammes d’insectes par jour pour alimenter le couvain (voir LIEN 4). Ces guêpes participent également à l’élimination des charognes et limitent ainsi le risque de contamination microbiologique aidant au passage le travail d’autres insectes nécrophages.
Pour favoriser le développement des guêpes communes au jardin :
Maintenir les fossés et talus herbeux. Favoriser la présence de conifères à aiguilles qui représentent une importante source de nourriture pour les hyménoptères sociaux. Ne pas détruire les nids alentours car leur principal prédateur reste l’homme !
– Le frelon européen (Vespa crabro)

Qui dit plus grosse espèce dit plus grosses proies et en plus grande quantité (estimée jusqu’à 200g/jour pour une colonie mature). Voici le chasseur par excellence qui peut dans certain écosystème être un super-prédateur (haut de la pyramide alimentaire). Le grand public est souvent effrayé par ce gros insecte inoffensif mais la cohabitation est très souvent moins compliquée que celles des guêpes (voir la cohabitation avec cette espèce dans mon grenier ou dans une salle de bain). Comparé aux guêpes, le frelon est un peu moins intéressant pour les cultures car il consomme essentiellement des mouches et taons mais il régule également à son tour les populations de guêpes ! Son régime alimentaire compte néanmoins une part non négligeable de phytophages (chenilles et sauterelles essentiellement) et xylophages (peu exploités par les autres espèces). Les mâles participent activement à la pollinisation du lierre en septembre et de quelques autres espèces végétales. Ainsi selon la taille de population liée à l’espèce voire même à la taille de l’espèce elle-même, le champ d’action sera plus ou moins étendu et les proies capturées seront différentes. D’où l’intérêt évident de conserver un équilibre entre les différentes espèces et de ne pas les détruire au risque de voir les populations de parasites exploser…
Pour favoriser le développement du frelon européen au jardin :
Conserver les souches et arbres creux, principaux sites de nidification de ce frelon. Les vieux greniers sont également très souvent utilisés et la hauteur des nids dans ces endroits évite tous problèmes. Des nichoirs à frelons peuvent être utilisés avec certaines règles. Laisser les fruits pourris au sol sous les arbres.
Découvertes récentes
Une publication scientifique récente (Cavalieri, 2013) montre que nous n’avons pas encore tout découvert sur leur rôle ! La levure de boulangerie Saccharomyces cerevisiae est utilisée pour la fermentation alcoolique par l’homme depuis 9000 ans. Dans la nature elle participe à la fermentation des fruits divers et indirectement à la fertilisation des sols. Cependant malgré la grande connaissance de ce micro-organisme, il n’a jamais été démontré l’existence d’un cycle permettant sa dissémination en dehors de l’environnement humain ni comment il pouvait survivre durant l’hiver en l’absence de sucres nécessaires à son développement (raisin). Cette étude montre le rôle des guêpes sociales (le frelon européen Vespa crabro et les guêpes Polistes) se nourrissant sur le raisin, habitat naturel de cette levure, en tant que vecteur de dissémination, d’évolution des populations et réservoir naturel permettant sa survie durant toutes les saisons. Il est expérimentalement montré dans ce travail que les guêpes fondatrices (reines) peuvent abriter la levure dans leur système digestif lors du repos hivernal puis les transmettre à la génération suivante. Des études génétiques sur des guêpes de différentes régions ont permis de montrer que la diversité des levures isolées reflète la variabilité géographique des souches isolées à partir de raisin, vins ou pain dans les régions données.
Par Antoine RIVIERE
Biologiste, Animateur et Webmaster de la communauté « Guêpes et Frelons » sur Internet
http://guepes_frelons.e-monsite.com/ & http://guepes-frelons.forumgratuit.org