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Un peu de théorie

Les légumineuses par Cloé Paul-Victor (partie 1/2)

J’ai rencontré Cloé, du blog le labo insolite, en septembre dernier à l’occasion d’une formation dans l’Hérault, organisée par Marchés Paysans 34 et Humus Sapiens Pays d’Oc, et dans laquelle nous intervenions tous deux, moi sur la vie des sols et elle sur les légumineuses, justement. Suite à cela je lui ai proposé de vous partager ces connaissance de biologiste sur ce thème avec une série de deux articles dont voici le premier !

Fleur de Luzerne commune.
Fleur de Luzerne commune, une des légumineuses fourragères les plus cultivées !

Un peu d’histoire

Les légumineuses étaient connues depuis longtemps pour leur capacité à restaurer la fertilité d’un sol surtout après une culture mais personne n’avait encore compris le mécanisme de fixation d’azote.

A la fin du 17e siècle déjà, le médecin et naturaliste italien Malpighi avait observé les nodules mais il pensait que c’était des galles (dues en général à des espèces particulières de pucerons).

Il a fallu attendre la fin du 19e siècle pour des découvertes majeures. En effet, deux chimistes allemands Hermann Hellriegel et Hermann Wilfarth découvrirent en 1888 que les nodules sur les racines de légumineuse étaient le siège de la fixation d’azote. L’organisme responsable de ces nodules n’était pas encore bien identifié. Ce fut le botaniste et microbiologiste hollandais Martinus Beijerinck qui isola et cultiva pour la première fois les bactéries des nodules en 1888 également.

Ensuite, au 20e siècle, de plus en plus de genres de bactéries furent identifiées et étudiées    ce qui a donné lieu aujourd’hui à tout un univers de recherche sur lesquels beaucoup de scientifiques travaillent.

Qu’est ce qu’une légumineuse ?

On entend souvent le terme « légumineuse » mais on ne sait pas toujours ce qu’il signifie exactement. Ce terme désigne la famille de plantes Fabacées ou « Fabaceae » en latin.

Cette grande famille comprend à l’heure actuelle 946 genres et plus de 24 000 espèces de plantes allant des formes herbacées à des arbres et même des lianes. On les retrouve dans une grande variété de climats depuis les zones froides jusqu’aux climats tropicaux.

Certaines ont un intérêt alimentaire : soja, lentille, fèves, haricots et pois chiche. D’autres sont utilisées comme fourrage : luzerne et trèfles. Enfin certaines sont utilisées en ornementation : mimosa, glycine…

La fameuse lentille verte du Puy cultivée en Haute Loire.
La fameuse lentille verte du Puy cultivée en Haute Loire.

Elles représentent 25 % de la production mondiale de culture avec 247 millions de tonnes de grains de légumineuses produits par an.

Cette famille de plantes est particulièrement connue pour ses propriétés de fixer l’azote atmosphérique grâce à des nodules racinaires issus d’une symbiose avec une bactérie du sol. Cette symbiose est la plus importante association symbiotique en termes de fixation d’azote avec environ 200 millions de tonnes d’azote produits par an à travers le globe.

Justement qui sont ces bactéries ? Comment fonctionne cette symbiose ?

Des bactéries bien pratiques !

figure 1
Synthèse du principe des nodules

Certaines bactéries sont capables de fixer l’azote atmosphérique. La plupart de ces bactéries vivent librement dans le sol mais certaines forment une association symbiotique avec les plantes. C’est le cas entre les légumineuses (ou Fabacée) et les bactéries de la famille des Rhizobiaceae (rhiza = racine ; bios = vie) dont les genres les plus rencontrés sont Rhizobium, Mesorhizobium, Ensifer, et Bradyrhizobium. Ces bactéries sont capables de métaboliser l’azote atmosphérique (N2) et de le convertir en composés azotés assimilables par la plante (ammoniac NH3) améliorant ainsi sa croissance. En échange la bactérie bénéficie des composés carbonés (nutriments sous forme de sucres : malate) produits par la plante via la photosynthèse et d’un « hébergement ». C’est ce que l’on appelle une relation mutualiste, c’est à dire une relation entre deux espèces dans laquelle les deux organismes tirent profit, appelée également interaction à bénéfices réciproques.

A noter que la symbiose entre les plantes légumineuses et les bactéries Rhizobiaceae n’est pas obligatoire. Les plantes de légumineuses germent et se développent sans Rhizobiaceae et peuvent continuer leur cycle de vie sans aucune association. De même que les bactéries Rhizobiaceae se trouvent dans le sol sous forme libre. C’est surtout en conditions où l’azote vient à manquer que les organismes cherchent à mettre en place une symbiose en activant des signaux spécifiques.

Quels sont les avantages de ces apports azotés produits par les bactéries ?  

L’atmosphère terrestre est composée de 78 % environ de diazote (N2) c’est à dire d’azote sous forme gazeuse. Les plantes ne sont pas en capacité d’utiliser cette forme d’azote alors que l’azote est un nutriment très important. Il rentre en effet dans la composition de tous les acides aminés et les acides nucléiques. L’azote représente ainsi un facteur limitant pour la croissance et le développement des plantes. Le fait que les légumineuses puissent mettre en place cette symbiose leur permet d’acquérir un avantage certain sur les autres espèces végétales.

La disponibilité de l’azote dans les sols étant limitée, l’agriculture moderne s’est tournée vers les fertilisants industriels azotés afin de compenser ce manque.

L’apport des composés azotés sous forme de fertilisants comme les nitrates représentent un coût significatif pour l’agriculteur et ont un impact sur l’environnement. En effet la production de ces fertilisants demande une grande quantité d’énergie fossile non renouvelable et est responsable de rejet de gaz à effet de serre.

La production de composés azotés par les bactéries pour permettre d’augmenter la croissance des plantes légumineuses prend donc tout son sens dans le contexte d’une agriculture durable et respectueuse de l’environnement. De plus, les composés azotés produits par cette symbiose bénéficient non seulement à la plante qui héberge la bactérie mais ils ont aussi un effet positif sur les cultures suivantes. C’est pour cette raison que les Légumineuses font partie des fameux engrais verts !

Quelles bactéries avec quelles plantes ?

Les mécanismes par lesquels les bactéries et les légumineuses choisissent leurs partenaires ne sont pas encore complètement compris à l’heure actuelle. Il existe toute une variété de bactéries Rhizobiaceae et c’est un véritable univers que l’on découvre lorsque l’on commence à s’intéresser à ces bactéries (plus d’une centaine d’espèces identifiées à ce jour). Toutes les bactéries de cette famille ne sont pas compatibles avec toutes les espèces de légumineuses. Cette association légumineuses-bactéries est très spécifiques car chaque souche de bactérie est compatible avec un nombre bien précis de plantes hôtes.

La plupart des légumineuses peuvent être associées à différentes espèces de bactéries même si l’efficacité ne sera pas la même en terme de résultat pour la plante (gain par la fixation d’azote). Certaines associations sont plus « rentables » que d’autres car certaines bactéries fixent plus efficacement que d’autres.

Mais certaines sont beaucoup plus restrictives dans leurs rôles d’hôtes. C’est le cas pour les vesces (genre Vicia), pour les trèfles (genre Trifolium) et surtout pour les plantes du genre Cicer dont la plus connue est le pois chiche (Cicer arietinum).

Floraison du trèfle incarnat.
Floraison du trèfle incarnat.

Cela pose bien sûr quelques difficultés à une légumineuse si elle est introduite dans un nouveau milieu qui n’est pas celui d’origine. Les bactéries normalement présentes dans le sol ne sont ainsi pas disponibles (car absentes) et la plante ne bénéficie pas du tout du gain habituel de fixation d’azote lui permettant une meilleure croissance. Cette situation n’est pourtant pas définitive.

En milieu naturel, suite à l’introduction de légumineuses dans nouvel environnement, certaines bactéries indigènes sont capables d’évoluer et d’acquérir les « outils » nécessaires  pour mettre en place une nouvelle symbiose. Cette plasticité, ou potentiel d’adaptation est dû à l’organisation particulière de leur génome. Cela ne veut pas dire pour autant que l’efficacité de la symbiose en terme de fixation d’azote est au rendez-vous. Seulement que l’association plante-bactérie a pu se mettre en place.

En contexte agricole, il est courant d’utiliser les bactéries pour inoculer des semences (application sur les graines ou directement dans le sol) afin de mettre en place le plus tôt possible la symbiose la plus efficace en termes de rendement. Il faut bien sûr disposer de la bonne variété de bactéries qui s’associent avec la culture mise en place et que les conditions climatiques et pédologiques conviennent aux bactéries inoculées. En général, ces bactéries sont sélectionnées pour être compétitives face aux bactéries indigènes déjà présentes dans le sol. Elles ont tendance à dominer et dans certains cas elles prédominent toujours après 5 voire 15 ans suite à l’inoculation. Elles peuvent rester des années dans le sol même en l’absence de leurs plantes hôtes en se nourrissant de la matière organique en décomposition dans le sol (saprophyte).

Ainsi lors d’utilisation d’espèces de légumineuses, par exemple en tant qu’engrais verts, il est préférable de favoriser des espèces adaptées à votre terrain (climat, type de sol…) au risque de ne pas avoir les bactéries correspondantes et donc pas de symbiose naturelle optimale.

Quand la plante décide de sanctionner son locataire !

Comme dans toute coopération, il arrive que le contrat ne soit pas toujours respecté. Il y a à la fois des coûts et des bénéfices pour la plante hôte ainsi que pour les bactéries. Parfois, la bactérie installée ne fournit pas sa part (pas de fixation d’azote). Comment cette coopération bactérie-légumineuses a-t-elle pu se maintenir au cours de l’évolution si le bénéfice n’est pas mutuel ? Les bactéries « tricheuses » produiraient ainsi des nodules non fixateurs, ce qui ne donnerait aucun avantage à la légumineuse hôte tout en ayant un coût pour la plante. Car le bénéfice majeur est tout de même d’acquérir un avantage pour les légumineuses au niveau compétitif avec les autres espèces végétales.

Dans un cas de « flagrant délit de triche », la plante peut mettre en place un système de sanction. C’est ce qui a été observé dans le cas du soja et de sa bactérie au cours d’une expérimentation. Le soja pénalise ainsi la bactérie qui échoue à fixer l’azote dans les nodules racinaires. Les conséquences pour la bactérie sont au niveau de son succès reproductif qui diminuait alors de moitié. Un des mécanismes de sanction serait la diminution d’apport d’oxygène à la bactérie. On ferme les robinets !

Récapitulatif 

Pour une pratique favorable au bon développement des légumineuses et de leurs bactéries :

> Favoriser des espèces de légumineuses adaptées à votre terrain (climat, type de sol…) au risque de ne pas avoir les bactéries correspondantes et donc pas de symbiose naturelle optimale.

> Attention à la composition d’une terre apportée de l’extérieur. Peut-être ne contient-elle pas les bactéries correspondantes ou tout simplement elle est pauvre en bactéries du sol.

> La mise en place des nodules est sensible au stress environnementaux: acidité du sol, salinité, températures extrêmes, sécheresse extrême. Attention au travail du sol et à l’apport d’engrais chimiques qui entraînent une perturbation pour les bactéries donc moins d’efficacité pour la fixation).

> Attention au travail du sol mais cette fois en ce qui concerne les couches du sol. Si le travail est trop important et profond, cela perturbera les couches de sol contenant les bactéries qui ne seront alors plus en contact avec les légumineuses à mettre en place. La microfaune sera modifiée et ne contiendra plus les bactéries nécessaires (ni les autres micro-organismes bien utiles également !).

> Si votre terre est saturée en apports azotés (assimilables par la plante) ; les symbioses auront du mal à se mettre en place car la plante n’aura aucun intérêt à établir un partenariat avec les bactéries si elle possède déjà ce qu’il lui faut.

>Planter plusieurs espèces de légumineuses pour une meilleure chance de nodulation car cela permet d’augmenter les chances que les bactéries du sol correspondent à votre espèce végétale. Et non une monoculture de légumineuses qui pourrait alors avoir du mal à se développer si la bactérie ne correspond pas.

> Observez votre terrain. Il vous dira si certaines légumineuses poussent naturellement mieux et donc vous orientera sur les espèces à planter pour optimiser les bactéries déjà présentes dans le sol.

> Si vous voyez qu’une plante légumineuse se développe bien dans votre terrain, vous pouvez prendre un peu de terre au pied de celle-ci pour ensemencer une autre plantation du même type. Par exemple, j’ai sur mon terrain une coronille qui se développe bien et je souhaite en planter une autre. Je vais prendre un peu de terre de la première et en mettre avec la nouvelle plantation pour aider la mise en place d’une symbiose.

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actualité

Aidons le papillon étoilé à prendre son envol

Je crois bien que ça ne m’étais encore jamais arrivé de faire un article ici pour soutenir une demande de financement participatif. Si je le fais pour ce projet de ferme autonome en non travail du sol en Ariège, c’est parce que Bénédicte, la future agricultrice du Papillon étoilé, m’a fait l’honneur de proposer mon livre jardiner sur sol vivant comme cadeau pour certains montants de dons !

Je vous invite à découvrir ce projet ici : Le papillon étoilé et sur sa page facebook.

Et pour le financement participatif sur la plate forme Blue Bees, c’est ici : https://bluebees.fr/fr/project/334-papillon-etoile

Merci pour votre participation !

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Découvrez 3 recettes de jus pour cet été ! Par Marie

En cette saison où vous avez probablement certains légumes en grande quantité, Marie du blog extracteursdejus.net, nous propose des recettes pour les transformer en jus ! N’hésitez pas à partager les vôtres en commentaire !

3 recettes de jus à base de fruits et légumes de saison

Si vous avez des surplus dans votre jardin ou que vous désirez simplement consommer plus
de fruits et de légumes de manière conviviale, alors l’idée de faire des jus de fruits et de légumes à l’aide d’un extracteur à jus peut s’avérer bien sympathique. En effet, avec les fruits et légumes de saison, vous avez chaque mois la possibilité de vous concocter de merveilleux jus qui seront très
facilement assimilables et excellents pour votre santé ! Cela peut aussi constituer un excellent
moyen de varier votre alimentation ! Voici 3 petites recettes sympathiques avec les fruits et
légumes du mois de juillet et du mois d’août.

Recette 1 : jus de betterave et de citron

La betterave est un légume très riche en calcium, minéraux ainsi qu’en vitamine A et C.
Excellente pour la circulation sanguine, la betterave possède aussi une quantité de
caroténoïdes non négligeable. Le citron quant à lui est un agrume excellent pour faire circuler
la lymphe et constitue une grande source de vitamines C.
Pour réaliser ce jus, prévoir 4 betteraves (attention à bien les laver avec une brosse pour
enlever la terre) et 1 gros citron. Nous vous déconseillons de mettre la peau du citron dans
votre extracteur, car le goût risquerait d’être un peu trop fort, sachant que la betterave possède
déjà un goût en jus qui est assez concentré. N’hésitez pas à diluer cela avec de l’eau si besoin.

Recette 2 : jus de concombre et de pastèque

Le concombre est un légume très faible en calorie qui contient une grande quantité de
vitamines A, B et E. Excellent pour la peau, il est aussi une très riche source de magnésium.
La pastèque quant à elle peut être classée comme étant un intermédiaire entre le fruit et le
légume. Très grande source de vitamine C, la pastèque est un fruit très rafraîchissant et qui
permet de générer beaucoup de jus.
Pour réaliser ce jus, prévoyez une demi-pastèque et 2 concombres. Si ces derniers sont bio, il
est inutile de les éplucher. Si par contre ils ne le sont pas, nous vous conseillons de le faire
afin de limiter la présence de pesticides dans votre jus. Sachez que vous pouvez même mettre
la peau de la pastèque dans l’extracteur, cela donnera un goût fruité à votre jus !

Recette 3 : jus de melon et de courgette

Très intéressant pour limiter le risque de maladies cardiovasculaires, le melon est riche en vitamine C ainsi qu’en provitamines A et possède un très haut taux de potassium et de magnésium. Très peu calorique, la courgette est quant à elle très riche en potassium et a ainsi des effets très intéressants sur le système cardio-vasculaire, mais elle est également antioxydante et protège donc contre le mauvais cholestérol.
Pour la réalisation de ce jus, prenez une belle courgette, lavez-la, coupez-la en morceau et passez-la à l’extracteur. Pour la quantité de melon, un demi-melon fera l’affaire pour vous concocter ce délicieux jus !

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Projet d’ouvrage chez Terran : « Jardiner en terrain difficile »

Couverture livre Terran

Mon précédent livre, jardiner sur sol vivant est dans les rayons depuis déjà plus de 2 ans (le temps passe vraiment vite !!!) et j’ai un nouveau contrat d’édition, cette fois avec les éditions de Terran et le thème est « jardiner en terrain difficile ». Pour ce faire, comme je l’avais fait lors de mon précédent ouvrage, je vais vous mettre à contribution.

Donc si vous considérez jardiner en « terrain difficile », je vous invite à vous mettre en relation avec moi en me disant où se trouve votre jardin, quelles sont vos conditions de sol, de climat, les difficultés que vous rencontrez et bien sûr les solutions (même imparfaites) que vous mettez en œuvre pour contourner ces difficultés. Cela peut se faire par mail (terre.en.seve(AT)gmail.com) ou en commentaire de l’article.

Pour le moment, je ne défini volontairement pas plus ce que j’entends par conditions difficiles (même si j’ai bien sûr des idées précises sur la question) afin de laisser venir à moi un maximum de témoignages.

Quelques critères toutefois :

  • que ce soit un jardin cultivé depuis plusieurs années pour qu’on ait un minimum de recul (disons 5 ans minimum) ;
  • que vous ayez des photos à fournir, idéalement prises sur plusieurs années, pour illustrer un éventuel mini-reportage sur votre jardin dans mon livre.

Voilà, c’est à vous à présent !

 

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Valorisation de biodéchets en compostage de surface en maraîchage à Lagorce (07)

L’année dernière, j’ai rencontré Fabien Puzenat, de l’association Vigi-Nature en Ardèche méridionale. Après lecture de mon livre, jardiner sur sol vivant, il a été interpellé par ma préconisation d’utilisation les biodéchets (déchets de cuisine) directement en compostage de surface plutôt qu’après compostage en tas ou conteneur.

De là est née l’idée de monter un projet de collecte de ces biodéchets dans le charmant village de Lagorce et de les valoriser directement par épandage immédiat complété d’un léger mulch de BRF. Le but est de suivre les effet sur le sol et les cultures de ce type d’apport en conditions réelles de culture.

La semaine dernière, lundi 5 juin, France 3 est venu faire un reportage sur cette expérience, le voici :

Bien sûr, je vous tiendrai au courant des résultats de cette expérience qui, je le souhaite, fera des émules !

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Un peu de théorie

Et si les vers de terre révolutionnaient notre approche de la fertilisation ?

Je publie ici un article que j’ai écris pour le blog de Christophe Gatineau le jardin vivant, dans le cadre d’une série d’articles consacrée aux vers de terre. Voici le lien vers l’article sur le blog de Christophe, le vers de terre nous le dit, écoutons-le, avec un très beau préambule à mon article proprement dit.

Il est bien connu que pour que les plantes poussent bien, il faut qu’elles aient à disposition des éléments minéraux qu’elles puisent dans le sol. Parmi ces éléments, le plus important en terme quantitatif est l’azote, le fameux « N » du trio « NPK » (Azote, Phospore, Potassium). Dans cet article nous allons nous cantonner à l’azote et découvrir comment les vers de terre viennent perturber notre compréhension de la nutrition azotée des plantes.

Pour ce faire, je vais me baser sur une expérience menée par Marcel Bouché et qui est décrite dans son livre « des vers de terre et des hommes » (Actes Sud 2014) aux pages 200 à 203. Pour ceux qui préfèrent les vidéos, je vous invite à visionner par exemple la conférence qu’il a fait aux Rencontres Maraîchage sur Sol Vivant 2015 à Baerenthal en Moselle.

En résumé, il a utilisé les vers de terre pour suivre l’azote dans le sol. Pour ce faire, il a nourrit des vers de terre avec de l’azote 15 qui est un isotope non radioactif de l’azote très rare dans la nature – le chiffre 15 signifie que cet azote possède 7 protons et 8 neutrons dans son noyau, soit 15 nucléons, contrairement à l’azote 14 beaucoup plus commun qui lui ne possède que 7 neutrons et donc 14 nucléons au total. Cet azote 15 a donc remplacé l’azote 14 qui était présent dans les vers de terre initialement. Pour ceux qui voudraient rechercher la publication scientifique d’origine, voici le lien sur science direct.

Puis il a réintroduit ces vers de terre dans une vieille prairie et a suivi l’évolution de cet azote 15 dans les vers de terre, le sol et les plantes.

Les résultats sont résumés par ce schéma (schéma simplifié établi d’après celui de Bouché 2014, des vers de terre et des hommes, p. 201)

Evolution de la teneur en azote 15 dans les vers de terre, le sol et la végétation suite à la réintrioduction des vers de terre dans la prairie. D'après Bouché, 2014.
Evolution de la teneur en azote 15 dans les vers de terre, le sol et la végétation suite à la réintroduction des vers de terre dans la prairie. D’après Bouché, 2014.

Qu’y observe-t-on ?

Tout d’abord, et cela est prévisible, une baisse rapide de la teneur en azote 15 dans les vers de terre, ce qui est logique puisqu’ils perdent l’azote 15 qu’ils contiennent à travers leurs urines, mucus… et le remplacent par de l’azote 14 venant de leur nourriture.

Une partie de cet azote part logiquement dans le sol et les turricules, mais curieusement au-delà de 20 jours, il n’y a plus trace de cet azote dans le sol… Mais alors où est-il donc ?

Eh bien dans les plantes tout simplement ! Et notamment dans les racines d’où il est progressivement transféré dans les parties aériennes.

Cela veut donc dire qu’en à peine plus d’un mois, la quasi-totalité de l’azote contenu dans les vers de terre se retrouve dans les plantes ! Et ce quasiment sans être passé dans le sol, ni même les turricules ! Comme s’il y avait un transfert direct ou presque depuis les vers de terre vers les plantes.

Pas de pertes

Et on remarque ici un autre fait amusant : au début de l’expérience, la teneur en azote 15 décroît, ce qui avait dans un premier temps été attribué à une volatilisation, comme cela s’observe très communément suite à une fertilisation azoté classique. Or ici, contre toute attente, à partir du 14ème jour, la teneur totale remonte et au bout de 40 jours, la quasi-totalité de l’azote 15 initial se retrouve dans la végétation, indiquant qu’il n’y a eu aucune perte d’azote au cours de l’expérience ! L’interprétation est que c’est de l’azote qui avait été libéré par les vers de terre en profondeur, au-delà des 50 cm étudiés par l’expérience, puis de là remontés par les végétaux via leur système racinaire. Cette remontée devient perceptible sur les courbes à partir du 14ème jour

Qu’est ce que tout cela suggère-t-il ?

Les agronomes ont l’habitude de considérer que pour qu’une plante puisse se nourrir en azote, il faut que cet azote soit sous forme minérale dissoute (nitrates…) dans l’eau du sol. Or on voit ici, que l’azote contenu dans les vers de terre est presqu’entièrement utilisé par les plantes en 40 jours seulement. Cela signifie-t-il que pour avoir des cultures abondantes, il suffit d’avoir plein de vers de terre en bonne santé dans sa terre ? Cela implique-t-il que la seule action nécessaire pour la fertilisation est de prendre soin des vers de terre en réduisant le travail du sol et en leur fournissant de la matière cellulosique à manger ? Affirmer cela de façon abrupte semble un peu rapide mais c’est bien la direction qui est suggérée ici.

Bien sûr l’expérience présentée ici a été faite sur prairie et rien ne dit que les résultats seraient identiques dans un champ de céréales ou dans un potager, mais cette piste vaut d’être suivie, ce d’autant plus qu’elle va dans le même sens que les observations faites par les praticiens qui cultivent « sol vivant » au potager, en maraîchage ou en grandes cultures.

En tous cas, il est clair que les vers de terre n’ont pas fini de nous étonner !

Affaire à suivre !

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Cultiver avec les ronces – partage d’une vidéo du site de permaforêt

Suite à l’article de Pierre Besse que j’ai posté en août sur la mise en culture d’un roncier, un de mes lecteurs m’a indiqué un article de Natacha Leroux du site permaforêt.

dans cet article, il s’y trouve notamment cette vidéo tout à fait remarquable où Natacha nous apprend comment conduire les ronces pour à la fois favoriser la production de mûres et contenir la végétation de cette plante afin d’installer d’autres cultures à son pied (fruitiers, légumes…). voici le lien :

Et bien sûr, revoici l’url de l’article qui est très complémentaire de la vidéo : http://permaforet.blogspot.fr/2014/09/cultiver-avec-les-ronces.html. Vous y découvrirez plein d’info sur l’écologie de a ronce, ses propriétés, sa phytosociologie…

Je reconnais que cela me donne très envie de mettre cela en application dans ma petite parcelle boisée (en partie en friche avec des ronces) en Lozère !

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Cultiver des asperges en sol vivant par Eric Costan

Mon jardin se trouve dans les Côtes d’Armor près de Dinan un peu au dessus de la Rance. À vingt kms de la mer le climat est plutôt doux et frais. Le sol est constitué d’au moins deux mètres de limon en surface et je n’ai pas trouvé l’argile ni la roche qui est un granit un peu ferreux en creusant.
Mon potager à six ans dont trois en sol vivant.  Disons que je composte à même les surfaces de cultures et que je tente de maintenir une population de bestioles de tout types autour.
Je n’arrose qu’au repiquage et pour les semis. Il me reste beaucoup de choses à comprendre et à utiliser plus les engrais verts. J’ai notamment beaucoup de soucis avec les semis sur place. Quand aux limaces….

Les griffes d’asperges sont disponibles en février dans le commerce. On les cultive pour récolter des blanches, violettes ou des vertes et chaque variétés est destinée à un stade de cueillette. Je suppose que les vertes sont des variétés choisies pour un meilleur goût à ce stade de récolte, car toutes verdissent également à la lumière. Le goût me semble pourtant identique. J’avais  pris différentes variétés soldées en fin de saison.

Il faut ouvrir une tranchée d’un fer de bêche et poser les racines avec une petite motte de terre ou un caillou sous le centre. (Il est possible planter une griffe par ci par là, mais comme on oublie où, on plante dessus ensuite) La terre est reposée grossièrement puis chacun choisit son mode de fertilisation pour la reprise.

Les Plants se développent sans interventions pendant quelques années (on peut grignoter un peu quand même! ) Les griffes du commerce sont déjà âgées et peuvent donc être consommées progressivement  deux printemps plus tard.
Je conseille de ne plus recouvrir le sol après un bon gros paillage fait jusqu’à l’automne afin que tout se dégrade. J’emploie des tontes, des foins, des broyats, puis les feuilles mortes. Il reste après les pluies un mulch de cinq à dix centimètres. On peut optimiser ce mulch en cherchant dans les livres les besoins spécifiques de l’Asparagus, mais cela fonctionne bien ainsi et il ne faut plus qu’il reste d’épaisseur au sol en avril (chez moi à Dinan). Le sol doit être comme nu à la sortie des turions.

Sortie des turions au milieu des pissenlits en avril.
Sortie des turions au milieu des pissenlits en avril.
Toujours en avril, les turions un peu plus développés.
Toujours en avril, les turions un peu plus développés.

Il reste des débris, les pissenlits sont là ainsi que quelques graminées, que l’on peut éliminer, mais qu’importe. Lorsque la végétation de mai se fait trop présente, on arrache un peu les premiers liserons mais on laisse les racines des autres plantes adventices qui seront étouffées plus tard et donc seront bénéfiques. Toute cette verdure peut être reposée juste à côté mais pas sur les cultures. Ainsi on repère les sorties qui sont très fragiles, mais c’est surtout le fait de ne pas laisser  les moisissures en contact avec les pousses. Non pour une contamination mais afin de ne pas gâter le goût.

Asperge émergeant d'un mulch de foin : blanche mais au goût terreux.
Asperge émergeant d’un mulch de foin : blanche mais au goût terreux.

J’ai fait l’essai avec dix / vingt centimètres de foins ou de tontes et les pousses restituent un goût terreux. Dommage car elles sortent bien blanches et très tendres du mulch. Peu être est-ce différent une année sans pluie.
Il faudrait peut être essayer avec de la paille, mais la lumière passe.
Les pousses sont donc vertes.
Les belles récoltes se font après une pluie, mais parfois un ou quelques turions se présentent. Croquez les crus  car ils se déploieront  en branches avant le reste de la récolte.
En juin j’ai peur de trop fatiguer la plante et je stoppe la récolte.

C’est alors le moment de disposer un peu de compost pour réactiver très vite le sol et de pailler avec tout ce qui nous tombe sous la main. Les consoudes repoussent à ce moment et j’en couvre allègrement la surface.
Ainsi le sol n’a pas été perturbé et la plante peut stocker ce qu’elle veut quand elle en a besoin.

Je ne connais pas de ravageurs. Un insecte noir pond sur les têtes qui vont se ramifier, mais les dégâts sont minimes.

Pour la cuisson j’ai bricolé une passoire en métal destinée à les maintenir debout dans la casserole pour que les têtes soient  au-dessus de l’eau dans la vapeur.
Les casseroles à asperges sont étroites et hautes. Dès que la pointe du couteau passe à travers la base elles sont cuite. Les plus grosses sont retournées tête en bas une minutes dans l’eau.
Il faut les cueillir au dernier moment bien sûr comme pour beaucoup de légumes afin de garantir un maximum de goût . Comme il n’y a pas de buttage, chaque pousse recoupée pour la cuisson fait dix quinze centimètres maxi.

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Mettre en culture un roncier sans retourner la terre par Pierre Besse


L’article qui suit est issu d’une conversation du groupe de discussion « maraîchage sol vivant ». comme elle répond à des questions récurrentes concernant la mise en culture de prairies ou de friches, il m’a semblé intéressant de vous le partager. Je trouve que c’est un excellent complément à mon article « commencer un potager sol vivant sur un terrain enherbé à l’aide d’un simple mulch »

Pour lire l’ensemble de la discussion, c’est ici.

Je laisse la parole à Pierre Besse, maraîcher au sud de Toulouse et qui a près de 20 ans d’expérience du maraîchage sol vivant !

A mon avis il ne faut certainement pas compter sur une couche de paille, même très épaisse, pour régler son compte à la ronce, ni à aucune plante vivace d’ailleurs. Les chiendents, chardons, liserons, potentilles, etc., traversent allègrement des paillages très épais, et se retrouvent alors tout seuls pour profiter de la lumière et de l’humidité. Si on n’est pas là pour les arracher à mesure, le premier arrivé colonise le terrain en peu de temps.
Avec une bonne couche de paille, il est peut-être possible de calmer la ronce, le temps de faire démarrer une culture vigoureuse et étouffante (tomate tuteurée en hauteur, courge puissante, etc.). S’il s’agit de la ronce tomenteuse (ronce herbacée à tiges rampantes et petites épines), il est peut-être envisageable de mener une telle culture, sans espérer pour autant affaiblir la ronce, qui occupera le terrain à la fin de la culture. S’il s’agit de la ronce commune – grosses tiges dressées et grosses épines -, c’est nettement plus problématique.

Ce qui est tout à fait possible par contre, c’est de cultiver des légumes par-dessus un roncier sans le détruire, juste en le couvrant avec une bâche plastique après avoir fauché à ras (et évacué la ronce fauchée s’il s’agit de la ronce commune, parce que les épines feraient des trous dans la bâche). Si on veut éliminer la ronce pour de bon, il faudra laisser la bâche en place plus d’un an, et peut-être deux ou trois. On peut refaire une culture chaque année en réutilisant les mêmes trous de plantation. La ronce aura tendance à ressortir par les trous de plantation, il faudra l’éliminer systématiquement, aussi pour cette technique il faut préférer des cultures à grand espacement (cucurbitacées, solanacées, à la rigueur choux…).
Avec cette technique on peut supprimer aussi le prunellier et des arbres coupés à ras, sans dessoucher ni arracher.

Et bien sûr il faut une bâche assez solide : pas de film mince type « une saison » (20 microns), mais au moins de la bâche d’ensilage. Les vieux plastiques de serre vont très bien, ils sont très solides et peuvent fonctionner très longtemps. Mais comme ils sont transparents, il faut pouvoir soit les doubler par dessous avec une bâche noire, soit  les couvrir intégralement avec de la biomasse (gazon broyé, bois broyé, foin, paille…) pour les opacifier.

Concernant la fertilité du sol, si la bâche est posée sur une prairie permanente âgée ou sur une vieille friche, en principe on peut faire plusieurs années de culture sans se poser de questions, tant qu’on ne touche pas le sol. Sinon on peut faire un apport de compost ou de biomasse avant de bâcher.
Et penser à poser la bâche sur un sol bien humide, quitte à arroser exprès si le sol est sec.

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Première mission au Togo : qu’y ai-je observé ?


Cela fait bientôt un mois que je suis rentré de ma première mission au Togo et je n’avais pas encore pris le temps de faire un petit topo de ce qui j’y ai observé et qui pourrait bien intéressé tous ceux d’entre vous qui habitent en zone tropicale ou se sentent concerné par ce qui s’y passe !

Tout d’abord merci à tous ceux qui ont contribué via un don sur la plateforme helloasso à ce projet !

Ma première misse s’est déroulé du 4 au 14 mai et était une prise de contact avec l’équipe sur place, avec les partenaire et bien sûr avec les agriculteurs de la zone concernée.

Présentation du canton de Dawlotu et de son agriculture

Voici la situation du village de Tutu chef lieu de la zone d’étude, le canton de Dawlotu (vous pouvez cliquer sur la carte, zoomer, dézoomer vous déplacer…) :

La ville la plus proche est Adéta, à quelques kilomètre plus au Nord. C’est une région peuplée majoritairement de cultivateurs de l’ethnie Ewé. On y trouve aussi des cultivateurs Kabiè originaires du Nord (régio de Kara) et des éleveurs Peul semi nomades. La cohabitation entre éleveurs Peuls et cultivateurs Ewés et Kabiès pose souvent des problèmes.

J’ai visité une vingtaine d’agriculteurs pour découvrir les plantes qu’ils cultivent, leurs pratiques, leurs sols, leurs difficultés et leurs besoins.

Petit entretien-questionnaire avec un agriculteur d'Agoxoe avant de visiter sa parcelle.
Petit entretien-questionnaire avec un agriculteur d’Agoxoe avant de visiter sa parcelle.

Suite à ces visites, j’ai élaboré cette carte des parcelles visitées (cliquer sur la carte pour qu’elle soit plus lisible) :

 

Carte du canton de Dawlotu avec positionnement des parcelles visitées. Carte réalisée avec ABC-Map.
Carte du canton de Dawlotu avec positionnement des parcelles visitées. Carte réalisée avec ABC-Map.

La principale cultures menée dans les bas-fonds est le riz, généralement cultivé entre juillet et décembre et parfois toute l’année dans les périmètres irrigués autour de Tutu.

Périmètre de riziculture irrigué mis en place dans les années 70 aux abords immédiats de Tutu
Périmètre de riziculture irrigué mis en place dans les années 70 aux abords immédiats de Tutu

Sur les zones les plus sèches, sont cultivés couramment le maïs (généralement sur billons), l’igname (sur buttes), le haricot, le gombo, l’arachide, le manioc, le mil et le coton.

Association d'une culture d'ignames sur buttes avec des gombos.
Association d’une culture d’ignames sur buttes avec des gombos.
Association de maïs, haricots et ademe (plante locale utilisée pour cuisiner des sauces typiques de la cuisine togolaise.
Association de maïs, haricots et ademe (plante locale utilisée pour cuisiner des sauces typiques de la cuisine togolaise.
Culture de maïs dans un bas-fond.
Culture de maïs dans un bas-fond.

Le palmier à huile est très présent dans les exploitations, aussi bien dans les bas-fonds que sur les côteaux, souvent asocié à d’autres cultures en sous étage.

La culture du cacao se pratique sous forme d’agroforêts dans les bas-fonds aux abords de Tutu essentiellement.

Agroforêt dans laquelle cacaoyers et palmiers à huile sont cultuvés sous un e canopée de grands arbres de brousse (Kapokers, Terminalia, Albizia...)
Agroforêt dans laquelle cacaoyers et palmiers à huile sont cultuvés sous une canopée de grands arbres de brousse (Kapokiers, Terminalia, Albizia…)

Le maraîchage consiste surtout en la culture de piments verts, d’aubergines, de tomates, et d’herbes pour cuisiner les sauces typiques de la cuisine togolaise (ademe et gboma). Cette année 2016, du fait du manque de pluies en début de saison humide, peu de maraîchage a été mis en place.

Périmètres maraîchers associant aubergines et piments avec du bananier et des haies de manioc.
Périmètres maraîchers associant aubergines et piments avec du bananier et des haies de manioc.

Autour des habitations, on trouve souvent des jardins de cases comportant de nombreux arbres fruitiers : bananiers, papayers, agrumes… sous lesquels sont parfois cultivés des taros.

Culture de taro sous des arbres fruitiers dans un jardin de case à Tutu
Culture de taro sous des arbres fruitiers dans un jardin de case à Tutu.

Les champs sont majoritairement des monocultures avec quelques rares arbres de brousse (karités, rôniers…). Toutefois, il n’est pas rare de voir des agriculteurs qui mélangent plusieurs espèces sur la même parcelle, parfois sous forme d’agroforesterie, dans ce dernier cas, c’est souvent le palmier à huile qui est complanté avec  des cultures annuelles.

Cultures d'ignames et gombos sous des palmiers à huile
Cultures d’ignames et gombos sous des palmiers à huile

Les champs sont généralement préparés par le feu de brousse puis cultivés avec de nombreux intrants, en particulier des herbicides et des engrais minéraux (urée et NPK).

Notons toutefois que des initiatives locales ont permis de mettre en place un certain nombre de pratiques innovantes comme le système de riziculture intensive ou l’utilisation de biofertilisants.

Des sondages de sol ont effectués chez tous les agriculteurs interrogés pour avoir une idée des sols  cultivés et des contraintes éventuelles posées par ces sols. La plupart d’entre eux ont une texture limono-sableuse (parfois plus sablo-limoneuse, parfois un peu argileuse) de profondeur très variable. Les sols sont soit des sols peu évolués sur alluvions sableuses, soit des sols ferrugineux tropicaux.

Analyse d'un profil cultural chez un agriculteur du village d'Agoxoe.
Analyse d’un profil cultural chez un agriculteur du village d’Agoxoe.

Les difficultés constatées

Les principales difficultés exprimées par les agriculteurs sont :

Le manque d’eau.

La difficulté d’accès aux engrais, difficultés qui risque de s’aggraver avec la hausse spectaculaire des prix des engrais cette année.

Le manque de main d’œuvre pour les travaux des champs.

Mes observations me permettent de compléter cette liste avec les problèmes suivants :

Une forte dépendance à la chimie (herbicides et engrais notamment) avec un défaut d’information concernant la dangerosité des pesticides (protections insuffisantes des utilisateurs lors des épandages, traitements en bord de cours d’eau…) ;

Une absence de gestion de la matière organique: celle-ci est détruite par les feux de brousse et les pratiques culturales (travail du sol, fertilisation…) et n’est pas ou peu remplacée. Il n’y a pas de valorisation des effluents d’élevage car ces derniers sont souvent minuscules (quelques bêtes maximum par ferme – chèvres, volailles, parfois moutons), pas d’amendement des parcelles avec des amendements végétaux, pas de compostage. Le seul cas où j’ai observé une gestion de la matière organique est dans une culture d’arachide précédent un riz irrigué : toutes les fanes d’arachide sont épandues sur le sol avant la mise en place de la culture de riz.

Culture d'arachide précédant un riz. Les fanes d'arachide sont incorporée au sol avant la mise en place du riz.
Récolte d’une culture d’arachide précédant un riz. Les fanes d’arachide sont ensuite incorporée au sol avant la mise en place du riz. C’est un rares cas que j’ai observé d’amendement organique du sol.
petit élevage de chèvres nourries avec du mil dans une cour de ferme.
petit élevage de chèvres nourries avec du mil dans une cour de ferme.

Une perte des pratiques traditionnelles, qui utilisaient beaucoup les associations de cultures, au profit de monocultures. Ces associations traditionnelles sont perçues comme étant moins productives par la plupart des agriculteurs.

Sur les plateaux les sols sont souvent relativement superficiels (parfois à peine 20 cm de limon avant d’arriver sur des horizons caillouteux et souvent compacts) ;

Dans les bas-fonds, on observe parfois une compaction de l’horizon hydromorphe ;

Globalement peu d’activité biologique dans les sols. Seuls quelques turricules de vers de terre sont observables ça et là.

Turricule de vers de terre sur un sol à la surface encroûtée par la battance.
Turricule de vers de terre sur un sol à la surface encroûtée par la battance.

Et enfin de grosses difficultés de cohabitation entre les agriculteurs Ewé et Kabiè d’une part et les éleveurs Peuls d’autre part. La divagation des troupeaux entraînant parfois la destruction des cultures et empêchant généralement la mise en place de culture ou de couverts végétaux en saison sèche.

Troupeau de magnifiques vache appartenant ) des peuls. La divagation de ces troupeaux pose de gros problèmes de cohabitation entre éleveurs et cultivateurs.
Troupeau de magnifiques vaches appartenant à des peuls. La divagation de ces troupeaux pose de gros problèmes de cohabitation entre éleveurs et cultivateurs.

Les pratiques à mettre en oeuvre

Pour la suite du projet, j’envisage de proposer aux agriculteurs plusieurs axes techniques à développer :

L’utilisation de l’urine

Afin de remplacer les engrais chimiques, je vais leur proposer l’urine. Contrairement à mes craintes, l’utilisation d’urine humaine comme fertilisant semble tout à fait acceptable pour les agriculteurs de cette région. J’ai même rencontré un agriculteur d’Adéta qui utilise l’urine en engrais foliaire (je suis d’ailleurs quelque peu surpris par cette manière de procéder).

Le rapport du Stockholm Environment Institute de 2011 nous sera d’une aide précieuse.

Améliorer la gestion de la matière organique

Les effluents d’élevage n’étant pas (ou très peu) disponibles, le couvert arboré à préserver, les résidus de cultures broutés par les troupeaux divagant, le choix pour apporter des matières organiques est limité. La ressource la plus prometteuse me semble être des graminées sauvages à croissance rapide dès le début de la saison de pluies (Panicum…). En plus un tel amendement très riche en cellulose serait un met de choix pour nos amis les vers de terre qui font globalement défaut dans les champs…

Au premier plan touffe de Panicum qui pourrait être régulièrement fauchée pour servir d'amendement organique.
Au premier plan, touffe de Panicum qui pourrait être régulièrement fauchée pour servir d’amendement organique.

Planter des haies pour protéger les parcelles des troupeaux

La mise en place de haies denses pour protéger les parcelles des troupeaux permettrait de lettre en culture certaines parcelles beaucoup plus tôt en tout début de saison des pluies (vers février-mars). En plus de cela, la haie diversifierait les productions des agriculteurs (fruits, bois de feu, fourrage…) et présente des avantages agro-environnementaux très intéressants (effet brise-vent, stimulation de la faune auxiliaire, apport de matière organique via les feuilles et les racines…).

De telles haies existent déjà mais se cantonnent à clôturer les habitation ou des champs à l’intérieur des villages.

haie de Glyricidia sepium entourant un champ dans le village de tutu. Les branches de cet arbre sont régulièrement élaguées pour servir de fourrage aux animaux. Notons qu’ici la très faible densité des arbres a obligé à compléter la protection par une barrière de bambous, une plantation beaucoup plus dense (20 à 30 cm seulement entre chaque plant, comme cela se voit souvent autour des habitations) aurait permis d’éviter cela.
Haie de Glyricidia sepium entourant un champ dans le village de tutu. Les branches de cet arbre sont régulièrement élaguées pour servir de fourrage aux animaux. Notons qu’ici la très faible densité des arbres a obligé à compléter la protection par une barrière de bambous. Une plantation beaucoup plus dense (20 à 30 cm seulement entre chaque plant, comme cela se voit souvent autour des habitations) aurait permis d’éviter cet aménagement supplémentaire.

Remise en place de culture associées

Afin d’optimiser l’exploitation de l’eau et des nutriments du sol par les cultures, remettre au goût du jour les cultures associées sera un axe de communication important. J’ai vu des agriculteurs qui continuent d’associer les cultures comme le faisaient leurs parents, mais la plupart a abandonné cette pratique malheureusement. L’agroforesterie, qui est une forme de culture associée, en l’occurrence étagée, est également une voie à explorer, là encore en se basant sur les agriculteurs qui continuent à pratiquer cela, notamment avec le palmier à huile.

Alignements de palmiers à huile à proximité de Tutu dans une rizière qui sera mise en culture en juillet (malheureusement, comme nous pouvons le voir ici, les lignes d'arbres sont désherbées chimiquement.
Alignements de palmiers à huile à proximité de Tutu dans une rizière qui sera mise en culture en juillet. Malheureusement, comme nous pouvons le voir ici, les lignes d’arbres sont désherbées chimiquement.

Mise en place de couvert végétaux

Et enfin, même si c’est probablement ce qui demandera le plus de technicité encore très peu connue des paysans locaux, il faudra explorer les couverts végétaux pour renforcer la fertilité du sol. Pour cela, je m’appuierai sur certains travaux menées par le CIRAD ou d’autres organismes dans des pays voisins. Je trouve par exemple ce travail très intéressant et réalisé dans un contexte similaire à celui de la zone d’intervention : Promotion des systèmes de semis-direct sous couverts végétaux au Bénin : état des lieux, travaux de terrain et perspectives.

Suites à donner au projet

Lors de ma prochaine visite, l’idée sera d’aller à nouveau à la rencontre des agriculteurs pour leur présenter les différentes techniques énumérées ci-dessus, de recenser les agriculteurs volontaire pour mettre en place l’une ou l’autre de ces techniques et ensuite de les accompagner. Cet accompagnement se fera bien sûr avec l’aide des structures partenaires locales (ANVD Togo, ICAT, OCDI).

Et bien sûr, comme les financements sont encore difficiles à obtenir, nous continuons à solliciter votre aide, même un petit don est important, merci d’avance !

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