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Un peu de théorie

Les cinq enseignements que j’aurais aimé recevoir de Charles Darwin pour favoriser les vers de terre dans mon jardin

Que vient faire Charles Darwin dans un blog sur le jardinage ? En effet cet immense savant, sans doute un des plus grands de tous les temps, est surtout connu pour ses travaux sur l’évolution des espèces. Mais ce n’est pas là sa seule contribution à l’avancée des connaissances : Il est aussi le tout premier à s’être intéresser à ces animaux à priori insignifiant que sont les vers de terre ! Il s’y est même intéressé dès les années 1830, même si son ouvrage sur le sujet ne paraît qu’en 1881. Il est donc le tout premier à avoir décrit ces animaux et surtout à avoir compris l’impact exceptionnel qu’ils ont sur le sol et son fonctionnement.

Avant d’entrer dans les enseignements que son travail apporte au jardin, je fais quelques petites précisions sur ces petites bêtes :
Il existe trois principaux de type de vers de terre dans nos jardins :
– Les vers de surface (aussi appelés vers de compost car ils prolifèrent dans les composts) ;
– Les vers endogés qui vivent uniquement sous terre dans des galeries horizontales ;
– Les vers anéciques qui vivent sous terre dans des galeries verticales et qui remontent en surface pour se nourrir.

Ce que je vais expliquer dans cet article concerne surtout les anéciques et, dans une moindre mesure, les endogés qui sont les seuls vers à creuser des galeries et à ingérer la terre. Je ne veux bien sûr pas dire là que les vers de surface sont sans intérêt, au contraire ! Il faut simplement comprendre que leur rôle est celui des recycleurs de la litière de surface, à l’instar de la grande majorité des autres animaux du sol (collemboles, acariens, mille pattes, cloportes, gastéropodes…)

Les cinq enseignements que je vous partage ici concernant ces vers souterrains sont les suivants :
– Ne plus travailler le sol ;
– Mettre à profit leurs galeries pour remplacer le travail du sol, optimiser l’irrigation et favoriser la prospection des racines ;
– Les nourrir en amenant de la cellulose ;
– Ramener au sol les matières vertes produites au jardin ;
– Mettre à profit leurs déjections pour optimiser la fertilisation des cultures.

Premier enseignement : ne plus travailler le sol

Les vers de terre vivent dans la terre, dans des galeries qu’ils ont eux-mêmes creusé en ingérant la terre située devant et en la rejetant derrière eux après avoir prélevée les nutriments qui les intéressent. Lorsqu’on bouleverse le sol, on vient détruire ces galeries et parfois même les vers de terre eux même. Les outils les plus destructeurs sont bien sûr les outils à socs, comme la charrue ou le motoculteur qui tuent les vers qui ont le malheur de se trouver sur leur passage et qui détruisent leur habitat et aussi le garde-manger de ceux d’entre qui remontent en surface pour se nourrir.
Ne plus travailler le sol permet donc tout simplement d’épargner la vie et l’habitat de ces petites bêtes.

 

Le travail intensif du sol a complètement éliminé les vers de terre de ce sol et sa qualité s’en ressent au vu de cette surface minérale durcie et presque imperméable à l’eau.
Le travail intensif du sol a complètement éliminé les vers de terre de ce sol et sa qualité s’en ressent au vu de cette surface minérale durcie et presque imperméable à l’eau.

 

Deuxième enseignement : mettre à profit leurs galeries pour remplacer le travail du sol, optimiser l’irrigation et favoriser la prospection des racines

Bien sûr, remplacer le travail des outils (bêche, motoculteur, grelinette…) n’est pas toujours si simple. Je renvoi pour cela à lecture d’article de mon blog qui traitent ce sujet plus spécifiquement, comme celui-ci ou celui-là. J’insiste ici seulement sur le fait qu’en forant le sol de part en part de leurs galeries, les vers de terre endogés et anéciques l’aèrent bien mieux et beaucoup plus en douceur que n’importe quel outil.
Ce travail du sol est ainsi répartit sur tout le profil du sol et consiste en des galeries de quelques millimètres de diamètre dans lesquels l’eau, l’air et les organismes du sol circulent aisément.
En cas de pluie, même très violente, l’eau s’infiltre très rapidement à travers ce réseau de drainage naturel, évitant ainsi le ruissellement et l’érosion en surface. Une fois que les galeries sont remplies d’eau, celle-ci se diffuse par capillarité à l’ensemble du sol. Les vers de terres nous aident donc à valoriser au mieux l’eau qui tombe du ciel, aussi bien que celle qui tombe de nos arrosoirs. Ils sont une aide précieuse pour optimiser l’irrigation. En plus le sol criblé de galeries s’humectant par le bas (au fur et à mesure que les galeries se remplissent), cela incite les racines à explorer le sol en profondeur.

Ce profil de sol montre l’importance des galeries de vers de terre dans l’aération du sol !
Ces galeries sont également de voies privilégiées pour le développement des racines des plantes qui se frayent ainsi un passage très facilité vers les couches de sol profond et plus humide que la surface.

Racine dans une galerie de ver de terre.
Racine dans une galerie de ver de terre.

Troisième enseignement : nourrir les vers de terre en amenant de la cellulose (foin, feuilles…)

La nourriture préférée des vers de terre se compose de matériaux riches en cellulose, comme de herbes ou des feuilles. Afin de les nourrir efficacement, il faut leur apporter cette nourriture en abondance, cela peut être facilement réalisé avec un apport de foin ou de feuilles mortes. En revanche, de la paille ou du BRF sont beaucoup plus ligneux et donc moins intéressant pour nourrir les vers de terre. Il se peut toutefois que vous observiez plus de vers de terre sur un sol paillé avec ces matériaux que sur un sol nu avoisinant, mais c’est plus dû à un meilleur maintien de l’humidité par ces matériaux qu’à leur capacité à être consommés par les vers.

Un mulch de foin : rien de tel pour nourrir notre élevage souterrain de vers de terre !
Un mulch de foin : rien de tel pour nourrir notre élevage souterrain de vers de terre !

Si ces matériaux naturels venaient à faire défaut chez vous, vous avez également la possibilité d’utiliser des papiers et des cartons (les choisir marron et sans inscription et en retirer les scotchs éventuels). Ces matériaux sont de la cellulose quasiment pure et peuvent donc nous aider à nourrir les vers de terre en plus de nous aider à limiter l’enherbement sans aucun travail du sol.

Quatrième enseignement : ramener au sol les matières vertes produites par le jardin

Bien sûr de telles matières riches en cellulose poussent directement dans le jardin, c’est ainsi que la plupart des résidus de culture, que ce soit au potager ou au jardin sont une nourriture de choix pour nos hôtes préférés ! Ramenez donc au sol toutes les matières végétales que vous ne récoltez pas !
En plus, vous pouvez aussi faire des cultures exprès pour les nourrir : ce sont les couverts végétaux qui, après destruction, ramènent une grande quantité de matières vertes au sol, les vers se délectent de celles-ci. Nourrir efficacement les vers de terre est donc un des multiples effets positifs des couverts.
En ramenant ainsi systématiquement au sol vos résidus de cultures et de couverts végétaux vous d’entretenez tout au long de l’année le garde-manger de nos amis souterrains ! C’est encore plus intéressant pour eux qu’un apport massif de foin une fois par an !

Un couvert végétal fin avril.
Un couvert végétal fin avril.
La végétation qu’il laisse au sol après destruction.
La végétation qu’il laisse au sol après destruction.
Le sol deux semaines plus tard : les dix premiers centimètres sont remplis de turricules de vers de terre…
Le sol deux semaines plus tard : les dix premiers centimètres sont remplis de turricules de vers de terre…

Cinquième enseignement : Mettre à profit leurs déjections pour optimiser la fertilisation des cultures

Les déjections des vers de terre sont un peu particulières, on les appelle turricules et c’est un mélange intime de terre (ils ingèrent de la terre pour creuser leurs galeries) et de matières organiques. Le tout très enrichit en micro-organismes (bactéries, protozoaires…).
Cette richesse en micro-organismes permet de rendre les éléments minéraux dont les plantes ont besoin d’être plus accessible dans les déjections des vers de terre que dans le sol environnant. En conséquence un sol riche en vers de terre permet de réduire la fertilisation des plantes ! Bien sûr il est très difficile de quantifier cet effet, mais il participe au fait que les jardiniers qui travaillent avec un sol vivant ont moins besoin de fertiliser que les autres !

Turricule de vers de terre.
Turricule de vers de terre.
Un ver de terre en train de déféquer : le début de la formation d’un turricule
Un ver de terre en train de déféquer : le début de la formation d’un turricule

En conclusion, ce cher Darwin avait donc vu juste : parmi les milliers d’animaux qu’il a étudiés, il a bien compris que ceux sont particulièrement importants dans le fonctionnement de nos sols et donc extrêmement utiles au cultivateur, qu’il soit céréalier ou jardinier sur quelques mètres carré ! Cela grâce au forage incessant du sol qu’ils réalisent et grâce à la richesse biologique et chimique de leurs déjections. Bien sûr pour bénéficier de tels effet, il faut respecter leur habitat en travaillant le moins possible le sol et les nourrir avec toutes sortes de matières riches en cellulose. Matières que l’on peut apporter ou bien produire sur place !

Je vous souhaite bonne mise en œuvre de ces conseils pour 2015 !

Pour aller plus loin sur les vers de terre :

Des vers de terre et des hommes : Découvrir nos écosystèmes fonctionnant à l’énergie solaire Par Marcel Bouché

Cet article participe à l’événement inter-blogs « Les 5 choses que j’aurais aimé que l’on me dise avant de commencer mon potager » organisé par le blog PotagerDurable.
Pour découvrir ce qu’ont écrit les autres blogueurs, cliquez sur ce lien :
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Le trèfle incarnat: pas seulement une plante de couvert !

Cet article est écrit dans le cadre d’un carnaval d’articles organisé par le blog jardin de Jenny. Jenny souhaite recueillir l’avis d’un maximum de personnes sur leur plante, légume ou fleur fétiche ou sur leur recette de cuisine préférée. Lorsque les articles des internautes auront tous été rédigés vous pourrez  retrouver un résumé sur le blog de jenny (avec un lien vers l’article).

Dans un jardin, il y les plantes que l’on cultive pour le ravissement des yeux, d’autres pour les celui des papilles et d’autres encore pour aider les deux premières catégories à pousser : il peut s’agir de plantes qui attirent sur elles ou au contraire éloignent certains ravageurs ou encore des plantes qui améliorent le sol. Etant un spécialiste et amoureux des sols vivants, j’ai choisit une plante parmi ces dernières.

Les plantes qui améliorent le sol sont utilisées comme couvert végétal ou engrais vert. Parmi celles-ci nombreuses sont celles qui appartiennent à la famille des légumineuses et au sein de cette vaste famille, je vous propose de découvrir ici le trèfle incarnat !

photo issue du site naturellementmail.free.fr

Qui est-il ?

Cette petite plante annuelle fait partie du genre Trifolium qui regroupe tous les trèfles. Il est originaire des pelouses méditerranéennes sèches (comme chez moi en Ardèche méridionale où on le voit régulièrement au printemps). Il se caractérise par une magnifique floraison printanière au rouge éclatant qui le fait surnommer par Joseph Pousset, agriculteur bio en Normandie et consultant de renom, « l’or rouge » ! Et il faut bien reconnaitre que ce surnom est tout à fait légitime à la vue d’un champ de cette plante en pleine floraison ! Toutefois, il peut arriver, comme c’est le cas dans les pelouses autour de chez moi que l’on rencontre des formes plus discrète à la floraison blanche et rose.

C’est une plante qui se sème en fin d’été, pas plus tard car sa plantule fragile risquerait de trépasser dès les premières gelées. Il fleurit entre mi-avril et mi-juin.

Pourquoi est-il intéressant ?

Tout d’abord, il appartient à la famille des légumineuses et à l’instar de tous ses frères et sœurs, il abrite dans ses racines des bactéries capables de se nourrir de l’azote de l’air, ce qui lui permet, après sa mort, d’enrichir le sol en cet élément si précieux, à condition bien sûr de laisser sur place ses parties aériennes !

Son puissant système racinaire, capable de se développer fortement dès la fin de l’hiver lui permet aussi d’aérer le sol en profondeur !

Ensuite il est parmi les trèfles un des rares à être annuel. En effet les trèfles plus communs en France (trèfle blanc, trèfle violet…) sont généralement vivaces, ce qui est très intéressant pour des cultures fourragères, mais beaucoup moins dans un couvert végétal qui ne peut occuper le sol que quelques mois dans l’année. Cela le rend donc beaucoup plus facile à détruire si l’on doit mettre le sol en culture au printemps. Si on peut attendre l’été, c’est encore plus simple puisqu’il meurt naturellement après la floraison.

A l’instar des autres trèfles, il est également très mellifère.

Est-ce uniquement une plante de couvert végétal ?

Non, bien sûr ! Autrefois il était couramment pâturé ou utilisé comme fourrage, mais son cycle annuel le rend moins productif que des trèfles ou autres légumineuses vivaces ou bisannuelles (luzernes, sainfoin, lotier…). De sorte que malgré ses intérêts nutritionnels, sa culture a été plus ou moins abandonnée. Elle a toutefois tendance à revenir actuellement grâce au nouvel engouement pour les couverts végétaux.

Et puis aussi, même s’il n’est pas très utilisé à cette fin, sa magnifique floraison pourrait lui offrir une place de choix dans les massifs d’annuelles de nos villes et de nos jardins !

Donc au final : couvert végétal fixateur d’azote, décompacteur du sol, mellifère et qui cède sa place naturellement au bout de huit à dix mois, plante de fourrage et de pâturage et potentiellement plante qui illumine les massifs d’ornement, c’est plutôt complet comme tableau ! Il lui manque juste d’être comestible pour nous, mais consolons nous, il aide les cultures suivantes à produire plus sur un sol en meilleure santé !