Je lis régulièrement, dans des articles consacrés au jardinage biologique, l’affirmation suivante qui semble érigée en vérité incontournable : « il faut nourrir le sol pour qu’il nourrisse à son tour la plante ».
Bon je comprends bien que ce que sous entends cette affirmation, c’est que contrairement à ce qui se passe dans un jardin « conventionnel » où les plantes sont directement nourries avec des nutriments apportés sous forme d’engrais solubles, ici on apporte des amendements organiques (compost, fumier, BRF…) qui, en effet, nourrissent le sol et permettent ainsi aux plantes de mieux pousser.
Mais est-ce pour autant le sol qui nourrit la plante ?
Oui, cela est vrai à quelques % (2 à 3% en général), soit la proportion de constituants de la matière sèche (MS) des végétaux qui ont été prélevés dans le sol et qui correspond aux très nombreux nutriments fournis par l’altération des minéraux, parmi ceux-ci on trouve en tête (les chiffres sont issus de « Le sol vivant » de Gobat et al. 2010) :
- le phosphore – 0,1 à 0,5% de la MS
- le soufre – 0,05 à 0,5% de la MS
- le potassium – 0,5 à 5% de la MS, restitué au sol après floraison
- le calcium – 0,05 à 0,5% de la MS
- le magnésium – 0,01 à 0,1% de la MS
- le fer – 0,005 à 0,1% de la MS
- le manganèse – 0,002 à 0,02% de la MS
- …
Le reste, soit 97% à 98% de la MS provient directement ou indirectement de l’atmosphère, il s’agit du carbone (issu du Gaz carbonique), de l’oxygène et de l’hydrogène (issus de la vapeur d’eau) et de l’azote (issu du diazote et fixé par des bactéries dans les écosystèmes). Ce dernier, bien que d’origine atmosphérique n’est accessible à la plante que sous des formes minérales dans le sol (nitrates et ammonium, voir mon article sur l’azote dans tous ses états). Du coup, on pourrait le rajouter parmi les éléments que le sol amène à la plante, vu que les tissus végétaux en contiennent environ 5%, on peut dire que l’affirmation de départ est finalement vraie entre 7 et 9%, ce qui reste faible.
Que devient ensuite toute cette biomasse végétale créée à partir de l’air ?
Elle revient au sol, tout simplement. Donc modifie ses propriétés du fait de la décomposition de cette matière organique par les organismes du sol. Ce retour de matière organique se fait par les trois flux énergétiques que j’ai décrits dans l’article consacré à ce thème.
Du coup qui nourrit qui ? le sol amène à la plante 7 à 9% de sa biomasse et la plante restitue au sol 100% de cette biomasse dont plus de 90% provient directement de l’atmosphère. Donc finalement c’est bien la plante qui nourrit et même fabrique le sol ! c’est pourquoi la restitution des résidus de cultures, des herbes sarclées et des couverts végétaux est un outil agronomique d’importance majeure et à mon sens incontournable.
D’ailleurs que se passe-t-il dans la nature : au départ d’une surface minérale, on voit apparaître une végétation au départ très rase et fournissant peu de biomasse (parfois même uniquement des lichens, voire des cyanobactéries) cette biomasse en se décomposant crée peu à peu un terre végétale, prémices d’un sol qui se développe au fil des années, des décennies, des siècles en laissant venir des plantes de plus en plus développées : herbacées annuelles puis vivaces, puis ligneux jusqu’aux grand arbres si le climat le permet. L’article « construction d’un sol sur une dune littorale du Morbilhan » donne un exemple de ce type de dynamique.
Donc finalement, ce sont bien les plantes qui fabriquent le sol, donc d’accord pour nourrir le sol pour qu’il puisse à son tour nourrir les plantes, mais alors cultivons des plantes pour le nourrir 😉 !