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L’ambroisie, une plante à éradiquer, vraiment ?

Depuis le mois de mai, je cultive avec ma compagne un jardin de 200m2 sur la commune de Chandolas en Ardèche méridionale, sur les rives du Chassezac, principal affluent de l’Ardèche. C’est un terrain sableux pauvre en activité biologique et en matières organiques, autrement dit, un terrain très intéressant pour expérimenter des pratiques visant à cultiver sur un sol vivant ! Comme toujours il est très instructif d’observer les plantes spontanées sur la parcelle, or ici, la principale d’entre elles est, et de loin, la terrible ambroisie (Ambrosia artemisiifolia L., voir photo ci-dessous).



Pourquoi terrible ?

Tout d’abord elle fait partie de ces plantes exotiques très bien adaptées aux conditions qu’elles trouvent chez nous, les plantes dites « invasives », comme le buddléia, l’ailante, la renouée du Japon et bien d’autres. Ces plantes posent problème en ce sens qu’elle prennent la place des plantes et modifient profondément les écosytèmes, de sorte que de nombreuses espèces végétales et animales se retrouvent peu à peu exclues de leur biotope naturel. Sur ce thème, je vous recommande au passage l’ouvrage délicieusement politiquement incorrect de Gilles Clément « Eloge des vagabondes ».
L’ambroisie (à laquelle Gilles Clément consacre bien entendu un chapitre) est originaire des déserts d’Amérique du Nord et s’implante sur la plupart des sols mis à nus et déstructurés par des travaux d’aménagement ou des pratiques agricoles.

Ensuite son pollen est fortement allergène, d’où les campagnes menées pour l’éradiquer. Voir par exemple le site ambroisie info pour plus d’informations.

Et enfin, terrible par le diagnostic qu’elle nous permet de réaliser, voici ce que Gérard Ducerf en dit dans son encyclopédie des plantes bio-indicatrices :

« l’ambroisie, plante annuelle, pousse naturellement dans les zones désertiques. Sa présence permet de comprendre les modifications du sol cultivé ou modelé par des pratiques humaines. La germination de la graine d’ambroisie est due à la perte d’humus, à la déstructuration des argiles par les intrants chimiques, qui provoque la perte de cohésion des sols réduits en poussière. L’ambroisie nous dit : « Vous fabriquez un désert artificiel » ».

Très intéressant, ma foi ! Cela signifie que nous sommes sur un sol en très mauvais état, cela me plaît bien finalement. Mais alors se pose la question : que faire avec cette plante embarrassante : d’un côté, nous sommes tenu de faire ce que nous pouvons pour empêcher sa prolifération (allez on y croit !), d’un autre, je suis toujours aussi peu enclin à faire du jardin propre où la nature ne doit pas avoir sa place. Or vu le contexte, laisser de la place à la nature, c’est laisser une place à l’ambroisie.

Et si on utilisait l’ambroisie à notre propre avantage ?

J’avoue qu’en arrivant sur ce terrain, je n’avais jamais vu cette plante, même si j’en connaissais le nom depuis des nombreuses années. Je ne me suis donc pas méfié… Et lui ai trouvé plein d’attraits : tout d’abord sa vigueur végétative nous permet d’avoir en permanence tout plein de biomasse à faucher pour pailler le jardin, ensuite sa tige ligneuse en fin de cycle me semble très intéressante pour réamorcer l’enrichissement en matières organiques stables un sol qui en est fort peu pourvu !

Et en plus, il s’agit d’une annuelle, donc d’une plante assez facile à contrôler par simple sarclage : pas de rhizome ou pivot vivace résistant au désherbage manuel.

Finalement, je ne suis pas si traumatisé d’être envahi par une si merveilleuse mauvaise herbe…

Voici donc ma proposition pour ceux qui, comme moi, doivent faire face à cette plante :

Au lieu de chercher à l’arracher systématiquement, vous pouvez vous contenter de la faucher avant floraison, afin d’éviter le problème du pollen allergène, et de laisser la biomasse au sol pour que celle-ci participe à l’amélioration du sol. Peut être que d’année en année, le sol s’améliorera et que la plante disparaîtra d’elle même, comme dans les prairies voisines où elle est totalement absente… Si c’est votre potager qui est envahi, c’est formidable, vous avez un couvert végétal d’été tout trouvé, même pas besoin de le semer !

Le produit de la fauche peut être aussi utilisé exporté comme paillage, mais dans ce cas, on ne permet pas le retour de matière organique au sol qui pourrait permettre à moyen terme la disparition de la plante si redoutée.

Une fois fauchée, la biomasse laissée au sol permet d’améliorer celui-ci: cela incitera-t-il l’ambroisie à déménager de cette parcelle? réponse dans quelques années!