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Les sols argileux : corrigeons certaines idées reçues !

Le 6 février dernier, Elisabeth Vérame de l’Observatoire des Sol Vivants et moi même étions invité de Patrick Mioulane sur RMC. Je vous partage ce petit moment radiophonique ici.

Voici le lien si vous souhaitez l’écouter : http://rmc.bfmtv.com/mediaplayer/audio/rmc-0602-votre-jardin-7h-8h-301815.html

Cela me fait très plaisir d’être ainsi invité sur un grand média national. Toutefois, j’avoue que je suis un peu resté sur ma fin, car j’ai eu l’impression de devoir faire des réponses « twitter » en 140 caractères avec impossibilité de développer quoi que ce soit. Bon j’exagère un peu car j’ai un peu développer avec la question du premier auditeur.

Et surtout j’ai été très frustré de ne pas avoir la parole lorsque Patrick Mioulane a établi une « ordonnance » pour la culture des sols argileux (voir l’émission entre les minutage 18′ et 19’50 »).  Mais je me dis en même temps que s’il a affirmé tout cela, c’est ce que ce sont des croyances répandues dans le monde du jardinage. Je profite donc de la tribune que je me suis créé à travers  ce blog pour y répondre, même si j’ai déjà écrit récemment au sujet de ce sols, lors de la sortie du livre de Nicolas Larzillière.

Voici (en italique) les prescriptions que Patrick Mioulane propose à l’auditrice et ce que j’en pense (en graphie normale)

Si le sol est marécageux, il faut drainer. Oui, en effet, d’ailleurs les fameuses buttes permanentes sont une façon de réaliser cela, mais il n’y a aucun rapport entre marécage et sol argileux, on peut tout à fait avoir un sol sableux et marécageux.

– Avantages : garde bien les éléments nutritifs. Tout à fait vrai !

– Apports organiques pour aérer la terre et conserver les éléments. Je suis d’accord avec cela, cela dit une réflexion sur les matières à apporter est nécessaires. Personnellement ma préférence va aux apports de foin ou autre matière fraîche riche en cellulose et susceptible de faire le bonheur des vers de terre. Quant au fait que les matières organiques aident à garder les éléments nutritifs, là encore, c’est vrai, mais dans un sol argileux, ils sont de toute façon bien retenus, cette propriété est donc surtout intéressante en terre sableuse.

– Les sols argileux sont généralement acides donc chaulage tous les 2/3 ans. Là, je sais pas d’où ça sort. Au contraire, les terres qui donnent des sols argileux sont des roches de type marne, molasse, calcaire… qui sont toutes des roches calcaires ! Bien sûr, il existe des argiles acides, je pense notamment aux argiles dites « de décarbonatation » issues à l’origine de roches calcaires et dans lesquelles le calcaire a été entièrement dissous et évacué en profondeur. Mais ce n’est pas la majorité des cas, très loin de là. En général, les sols acides se développent sur des alluvions sableuses, des granits, des gneiss… qui donnent des sols plus ou moins sableux, et en aucun cas des sols argileux ! Cette affirmation est donc fausse.

– Apports de sable grossier. Bon là, il faut reprendre le triangle des textures :

triangle2textures

 

Que voit-on sur ce schéma :

  • Tout d’abord l’énorme zone hachurée qui prend à peu près tout la moitié supérieure du triangle et qui représente les textures considérées comme argileuses, donc collantes, lourdes… Notons que cela correspond aux terres contenant grosso-modo plus de 30% d’argiles.
  • A l’opposé les textures sableuses n’occupent qu’un petit triangle bleu en bas à gauche… En mélange avec des limon, il faut au moins 70% de sable pour avoir une texture sableuse (ou plus exactement sablo-limoneuse) et il en mélange avec des argiles, c’est plus de 85% qu’il faut pour avoir une telle texture !

Qu’est ce que cela signifie ?

Eh bien tout simplement que l’argile influe beaucoup plus la texture d’un sol que le sable. Donc en amenant du sable dans un sol très lourd, il faudrait en amener des quantités énormes pour avoir un effet sensible.

Prenons un exemple : Nous avons un sol de 50 cm de profondeur qui a une texture correspondant au point rouge sur le triangle des texture On part donc d’une terre argileuse qui a 40% d’argiles, 30% de limon et 30% de sables. Quel quantité de sable faudrait-il apporter pour l’amener au point orange de texture dite équilibrée ? Ici, 50 l de sable par m² suffiront, soit 5 m3 pour un potager de 100m², bon ça fait déjà une sacré quantité, tout cela pour avoir finalement une texture quand même encore très proche des textures argileuses. Et en plus, il faudra briefer les vers de terre pour qu’ils ne nous amènent pas le moindre grain de sable en dessous de 50 cm, sinon gare ! et je n’ai aps parlé du chantier pour enfouir tout ce sable…

Bref, c’est un chantier pharaonique pour pas grand chose à l’arrivée, donc on évite, surtout si on veut cultiver un sol vivant !

– Fertilisation au phosphate naturel. Là encore, cela n’est pas propre aux terres argileuses. D’ailleurs les terres les plus pauvres en phosphore sont le plus souvent sableuses, comme les sables des Landes par exemple. Et certaines roches donnant des sols argileux sont parfois très riches en phosphores, comme les basaltes. Ceci est donc à voir au cas par cas et n’est pas si intéressant au final car un sol vivant et organique est tout à fait capable d’amener le phosphore aux plantes selon leurs besoin notamment via les mycorhizes.

– Travail profond. Bon, vous connaissez ma position sur ce thème, je vous fait pas un dessin… en plus, je rappelle que les terre argileuses sont les plus aptes à accueillir de fortes populations de vers anéciques qui travaillent le sol pour nous et bien mieux que nos outils. Notre action devrait donc se borner à leur faciliter la vie en préservant leur milieu de vie et en les nourrissant avec des résidus riches en cellulose !

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Un peu de théorie

Les terres argileuses, les meilleures de toutes ?

Vous le savez peut être, j’ai un goût prononcé pour les terres argileuses que pourtant bien des jardiniers trouvent difficiles.
En fait, j’ai fait mes premiers jardins sur des sols argileux et notamment le jardin que j’ai cultivé de 2007 à 2011 dans le Gers chez mes parents (ce jardins est toujours cultivé mais je ne peux plus m’y impliquer en habitant à 400 km…).

Je vous propose dans cet article de tordre le cou à certaines idées reçues et à comprendre pourquoi ils sont si intéressants !

Terre argileuse déstructurée qui colle aux bottes !
Terre argileuse déstructurée qui colle aux bottes !

Quelques idées reçues à leur sujet

On entends souvent à leur sujet toutes sortes d’affirmations qu’elles sont pauvres, compactes, difficiles à travailler…

Qu’elles soient pauvre, rien n’est plus faux, au contraire, l’argile retient très bien les éléments nutritifs, j’y reviendrai un peu plus bas !

Qu’elles soient compactes, ça peut arriver, mais cela arrive aussi aux autres terres. C’est un problème de structure lié aux méthodes culturales et non un défaut inhérent aux sols argileux. En plus on confond souvent compact et dur. Or, en été, il est normal qu’un sol argileux sec soit dur, cela ne veux absolument pas dire qu’il est compact !

Qu’elles soient difficiles à travailler, en revanche, c’est incontestable, mais c’est justement là l’intérêt de plus les travailler 😉 !

Une lourde terre gasconne labourée à l'automne 2014
Une lourde terre gasconne labourée à l’automne 2014

quelques reproches justifiés

Cela dit, je peux bien sûr concéder que les sols argileux représentent à certains point de vue des défis pour les jardiniers et les agriculteurs, en voici quelques-uns :

La texture argileuse est composée de grain de terre très petits qui tendent à coller très fort, c’est pourquoi ces sols sont lourds et difficiles à travailler, en plus si on les travaille au début du printemps ça fait des mottes ensuite impossibles à casser. Bref, ces sols lorsqu’on veut les travailler mécaniquement sont vite une galère, mais je me doute que cela ne concerne pas les lecteurs de mon blog qui savent cultiver sans travailler leur terre 😉 !

Ce sont des sols qui peuvent contenir beaucoup d’eau et la garder plus longtemps, c’est pourquoi ils se réchauffent plus difficilement au printemps qu’une terre plus légère.

Enfin, ce sont des sols qui sont très favorables aux limaces. Je ne reviens pas sur ce point déjà traité à maintes reprise dans les articles et commentaires de ce blog !

Pourquoi ces sols sont-ils si intéressants ?

Mais les sols argileux ont au contraire de nombreux atouts :

– ils gardent l’eau :

Cela est source de quelques ennuis (réchauffement plus lent, limaces…) mais c’est là une des principales propriétés des terres argileuses : elles peuvent contenir beaucoup plus d’eau que des terres plus légères dans un même volume de terre. Et comme cette eau est contenue des pores extrêmement fins, elle est fortement liée aux matières minérales et du coup elle reste plus longtemps en cas de période sèche. Le seul défaut de cette eau est qu’une partie est tellement liée au argiles qu’elle est inaccessible pour les plantes, mais cela n’empêche pas qu’un sol argileux est globalement moins sensible à la sécheresse qu’un sol sableux par exemple. Actuellement, je cultive un mini jardin sur sol argileux devant la maison et un plus grand sur sol sableux ailleurs et à climat très semblable, le sol argileux reste humide beaucoup plus longtemps !

Une terre argileuse peut contenir beaucoup d'eau et sèche lentement !
Une terre argileuse peut contenir beaucoup d’eau et sèche lentement !

– Ils conservent les éléments nutritifs :

Les argiles sont de toutes petites particules dont certaines sont chargés électriquement. Ces charges électriques permettent de retenir facilement tous les élément chargés positivement dont les principaux sont le potassium, le magnésium, l’ammonium (ammoniac dissous) et bien d’autres. Les pédologues disent que l’argile à une forte CEC (Capacité d’Echange Cationique).

Ces argiles peuvent aussi se lié aux particules organiques (en particulier l’humus) qui sont elles aussi chargés négativement. Cette liaison se fait par l’intermédiaire d’éléments contenu deux charges positives : une se lie à l’argile, l’autre à l’humus pour former le complexe argilo-humique. Ce complexe augmente encore la CEC par rapport à l’argile seule.

Cela explique pourquoi la richesse minérale d’une terre argileuse est souvent meilleure que celle d’une terre sableuse qui a du mal à retenir autant d’élément minéraux !

– Ils sont riches en vers de terre :

Venons en à présent à des points plus biologiques : les sols argileux sont très favorables aux vers de terre qui creusent facilement des galeries stables dans ces terres. Un sol argileux non travaillé est une maison de luxe pour ces bestioles ! Il suffit donc de les nourrir et le tour est joué : les vers de terre se chargent alors de structurer au mieux votre terre ! Génial, non ?

Une terre argileuse non perturbée est souvent très riche en vers de terre comme l'illustre ce profil de sol très riche en galeries !
Une terre argileuse non perturbée est souvent très bien pourvu en vers de terre comme l’illustre ce profil de sol percé de galeries de bas en haut !

– Ils se structurent facilement et durablement par voie biologique

La conséquence de cela est que ces sols se structurent donc facilement par voie biologique : vu qu’ils sont souvent encore bien pourvus en vers de terre, le travail du sol est facile à supprimer et à remplacer par le travail biologique, c’est pour cela que j’affirme que les sols argileux sont ceux qui réagissent le mieux au non travail du sol !

Un ebook sur la mise en culture de ces sols

Mon collègue blogueur jardinier Nicolas Larzillière vient de sortir un nouvel ebook justement consacré à la mise en culture d’un sol argileux. Ce livre a le mérite d’être très clair et très facile d’accès et facile à mettre en oeuvre. Je reconnais que j’ai parfois des points de vue différents de lui sur les techniques à mettre en oeuvre mais dans l’ensemble son travail me plaît car il va dans le même sens que le mien, c’est à dire vers le moins possible de travail mécanique et le plus possible de travail biologique, c’est pourquoi je n’hésite pas à vous le recommander :

(cliquez sur l’image pour plus d’information sur cet ebook)

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Un jardin sol vivant au cœur de la Gascogne

Histoire que vous me connaissiez un peu mieux, voici un petit historique du jardin de mes parents que nous cultivons depuis 2007 sur un coteau argileux du Gers. Et quand je dis argileux, c’est très très argileux,

septembre 2007 : Récolte symbolique de tomate sur l'embryon du potager actue

bien lourd, quoi ! Pendant des années ma mère s’est cassé le dos à bêcher cette terre pour préparer de quoi faire deux rangées de fèves, elle avait fini par laisser tomber. Puis j’ai découvert les BRF en 2004 et l’idée à fait son chemin et en janvier 2007 elle a épandu du BRF sur une petite parcelle de pelouse préalablement sarclée à la houe, c’est là que commence notre histoire :

En 2007, c’était vraiment pas ça, les tomates sont restées rachitiques et ont peu donné, le sol est resté compact, les carottes n’ont jamais levé et les radis sont restés minuscules, bref pas de quoi pavoiser… Quoique, certaines tomates apéritives étaient vraiment délicieuses, peu abondantes, certes, mais vraiment délicieuses ! Allez c’est déjà ça ! Bon, je vous l’accorde, il y a eu un soucis dès le départ, j’étais en voyage lorsque ma mère est allé chercher le BRF, du coup elle en a beaucoup trop mis (10cm !), sur un sol lourd comme le notre cela ne pardonne pas, surtout avec un printemps pluvieux comme celui de 2007. Et pourtant, malgré cette erreur, nous n’avons presque pas eu de mildiou même dans l’arrière saison alors que tous les voisins en étaient envahis… Tiens donc, il s’est quand même passé des choses intéressantes…


2008 : pendant l’hiver, sous les conseils d’Éléa, co-auteure du « Livre BRF », nous avons agrandit le potager en couvrant l’herbe de cartons et de foin. Et comme je n’avais pas assez de place pour mettre les tomates sur le potager de 2007, j’en ai planté quatre directement à travers ces cartons. Et là surprise, sans aucune fertilisation complémentaires, ces tomates buissonnantes se sont développées très rapidement et ont donné des récoltes tout à fait correctes. Alors on retient la leçon et on refait la même chose pour agrandir le potager en 2009.

mai 2008 : Les plants de tomates viennent d'être mis en place à travers cartons (non visibles) et paillage de foin. Cette parcelle révèlera d'agréables surprises...

2009 : Trois nouvelles planches de culture sont inaugurées avec BRF (1 à 2 cm directement sur l’herbe) des cartons et du foin (produit dans les zones « en friche » du jardin). Là encore, des résultats intéressants, mais l’hiver humide avait décomposé les cartons et il a fallu tout enlever et sarcler la potentille avant de mettre les tomates, les courgettes et les courges. Là encore, on retient la leçon, il n’est pas forcément pertinent de mettre les cartons trop tôt, février est largement suffisant !


Été 2009 : Le jardin commence à ressembler à un vrai potager, et cela, quasiment sans travail du sol !

Été 2009 : La planche de tomates et courgettes, à gauche, a été implanté sur un sol préparé dès le mois de janvier avec un paillage de BRF, cartons et foin posé directement sur l'herbe

2010 : Cette fois, ça y est, le potager est vraiment productif et nous permet même de faire des conserves de fèves d’abord, puis de tomates, nous sommes sur la bonne voie et les pratiques se sont diversifiées : mise en place couvert de type « biomax » en novembre sur une des planches : l’essai est plus que concluant, en 2011, c’est toutes les planches sans culture d’hiver qui auront droit à ce traitement. Une autre expérience est tout à fait remarquable : ma mère avait entassé en février des branches de laurière sur la pelouse pour que je les broie, je ne l’ai jamais fait… Du coup en avril elle a tout récupéré pour en faire des fagots d’allumage et des bûchettes et là surprise : le sol là dessous était souple et sombre. Pas d’hésitation, on y fait un nouveau potager, léger sarclage et paillage de foin ont suffit à produire les plus beaux plant de tomate et courgettes du jardin, bon là encore on retient la leçon, l’année prochaine, plus de cartons, mais des rameaux feuillés d’arbustes à feuilles persistantes : arbousiers, laurier noble, voire résineux (soyons fous, la nature nous réserve tellement de surprises !).

Avril 2010 : Implanté en novembre 2009 pour préparer les culture de l'été 2010, notre premier couvert est un franc succès tant du fait de son beaux développement que son action sur le sol !
Septembre 2010 : Voici la petite parcelle préparée involontairement avec des branches de laurière entassées entre février et avril... Joli pousse pour une terre ni travaillée ni fertilisée !

Et pour 2011, je me ferai un plaisir de partager avec vous nos expériences, et de découvrir ensemble comment améliorer encore et encore ces systèmes !

A bientôt

Gilles