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J’ai rencontré Cloé, du blog le labo insolite, en septembre dernier à l’occasion d’une formation dans l’Hérault, organisée par Marchés Paysans 34 et Humus Sapiens Pays d’Oc, et dans laquelle nous intervenions tous deux, moi sur la vie des sols et elle sur les légumineuses, justement. Suite à cela je lui ai proposé de vous partager ces connaissance de biologiste sur ce thème avec une série de deux articles dont voici le premier !

Fleur de Luzerne commune.

Fleur de Luzerne commune, une des légumineuses fourragères les plus cultivées !

Un peu d’histoire

Les légumineuses étaient connues depuis longtemps pour leur capacité à restaurer la fertilité d’un sol surtout après une culture mais personne n’avait encore compris le mécanisme de fixation d’azote.

A la fin du 17e siècle déjà, le médecin et naturaliste italien Malpighi avait observé les nodules mais il pensait que c’était des galles (dues en général à des espèces particulières de pucerons).

Il a fallu attendre la fin du 19e siècle pour des découvertes majeures. En effet, deux chimistes allemands Hermann Hellriegel et Hermann Wilfarth découvrirent en 1888 que les nodules sur les racines de légumineuse étaient le siège de la fixation d’azote. L’organisme responsable de ces nodules n’était pas encore bien identifié. Ce fut le botaniste et microbiologiste hollandais Martinus Beijerinck qui isola et cultiva pour la première fois les bactéries des nodules en 1888 également.

Ensuite, au 20e siècle, de plus en plus de genres de bactéries furent identifiées et étudiées    ce qui a donné lieu aujourd’hui à tout un univers de recherche sur lesquels beaucoup de scientifiques travaillent.

Qu’est ce qu’une légumineuse ?

On entend souvent le terme « légumineuse » mais on ne sait pas toujours ce qu’il signifie exactement. Ce terme désigne la famille de plantes Fabacées ou « Fabaceae » en latin.

Cette grande famille comprend à l’heure actuelle 946 genres et plus de 24 000 espèces de plantes allant des formes herbacées à des arbres et même des lianes. On les retrouve dans une grande variété de climats depuis les zones froides jusqu’aux climats tropicaux.

Certaines ont un intérêt alimentaire : soja, lentille, fèves, haricots et pois chiche. D’autres sont utilisées comme fourrage : luzerne et trèfles. Enfin certaines sont utilisées en ornementation : mimosa, glycine…

La fameuse lentille verte du Puy cultivée en Haute Loire.

La fameuse lentille verte du Puy cultivée en Haute Loire.

Elles représentent 25 % de la production mondiale de culture avec 247 millions de tonnes de grains de légumineuses produits par an.

Cette famille de plantes est particulièrement connue pour ses propriétés de fixer l’azote atmosphérique grâce à des nodules racinaires issus d’une symbiose avec une bactérie du sol. Cette symbiose est la plus importante association symbiotique en termes de fixation d’azote avec environ 200 millions de tonnes d’azote produits par an à travers le globe.

Justement qui sont ces bactéries ? Comment fonctionne cette symbiose ?

Des bactéries bien pratiques !

figure 1

Synthèse du principe des nodules

Certaines bactéries sont capables de fixer l’azote atmosphérique. La plupart de ces bactéries vivent librement dans le sol mais certaines forment une association symbiotique avec les plantes. C’est le cas entre les légumineuses (ou Fabacée) et les bactéries de la famille des Rhizobiaceae (rhiza = racine ; bios = vie) dont les genres les plus rencontrés sont Rhizobium, Mesorhizobium, Ensifer, et Bradyrhizobium. Ces bactéries sont capables de métaboliser l’azote atmosphérique (N2) et de le convertir en composés azotés assimilables par la plante (ammoniac NH3) améliorant ainsi sa croissance. En échange la bactérie bénéficie des composés carbonés (nutriments sous forme de sucres : malate) produits par la plante via la photosynthèse et d’un « hébergement ». C’est ce que l’on appelle une relation mutualiste, c’est à dire une relation entre deux espèces dans laquelle les deux organismes tirent profit, appelée également interaction à bénéfices réciproques.

A noter que la symbiose entre les plantes légumineuses et les bactéries Rhizobiaceae n’est pas obligatoire. Les plantes de légumineuses germent et se développent sans Rhizobiaceae et peuvent continuer leur cycle de vie sans aucune association. De même que les bactéries Rhizobiaceae se trouvent dans le sol sous forme libre. C’est surtout en conditions où l’azote vient à manquer que les organismes cherchent à mettre en place une symbiose en activant des signaux spécifiques.

Quels sont les avantages de ces apports azotés produits par les bactéries ?  

L’atmosphère terrestre est composée de 78 % environ de diazote (N2) c’est à dire d’azote sous forme gazeuse. Les plantes ne sont pas en capacité d’utiliser cette forme d’azote alors que l’azote est un nutriment très important. Il rentre en effet dans la composition de tous les acides aminés et les acides nucléiques. L’azote représente ainsi un facteur limitant pour la croissance et le développement des plantes. Le fait que les légumineuses puissent mettre en place cette symbiose leur permet d’acquérir un avantage certain sur les autres espèces végétales.

La disponibilité de l’azote dans les sols étant limitée, l’agriculture moderne s’est tournée vers les fertilisants industriels azotés afin de compenser ce manque.

L’apport des composés azotés sous forme de fertilisants comme les nitrates représentent un coût significatif pour l’agriculteur et ont un impact sur l’environnement. En effet la production de ces fertilisants demande une grande quantité d’énergie fossile non renouvelable et est responsable de rejet de gaz à effet de serre.

La production de composés azotés par les bactéries pour permettre d’augmenter la croissance des plantes légumineuses prend donc tout son sens dans le contexte d’une agriculture durable et respectueuse de l’environnement. De plus, les composés azotés produits par cette symbiose bénéficient non seulement à la plante qui héberge la bactérie mais ils ont aussi un effet positif sur les cultures suivantes. C’est pour cette raison que les Légumineuses font partie des fameux engrais verts !

Quelles bactéries avec quelles plantes ?

Les mécanismes par lesquels les bactéries et les légumineuses choisissent leurs partenaires ne sont pas encore complètement compris à l’heure actuelle. Il existe toute une variété de bactéries Rhizobiaceae et c’est un véritable univers que l’on découvre lorsque l’on commence à s’intéresser à ces bactéries (plus d’une centaine d’espèces identifiées à ce jour). Toutes les bactéries de cette famille ne sont pas compatibles avec toutes les espèces de légumineuses. Cette association légumineuses-bactéries est très spécifiques car chaque souche de bactérie est compatible avec un nombre bien précis de plantes hôtes.

La plupart des légumineuses peuvent être associées à différentes espèces de bactéries même si l’efficacité ne sera pas la même en terme de résultat pour la plante (gain par la fixation d’azote). Certaines associations sont plus « rentables » que d’autres car certaines bactéries fixent plus efficacement que d’autres.

Mais certaines sont beaucoup plus restrictives dans leurs rôles d’hôtes. C’est le cas pour les vesces (genre Vicia), pour les trèfles (genre Trifolium) et surtout pour les plantes du genre Cicer dont la plus connue est le pois chiche (Cicer arietinum).

Floraison du trèfle incarnat.

Floraison du trèfle incarnat.

Cela pose bien sûr quelques difficultés à une légumineuse si elle est introduite dans un nouveau milieu qui n’est pas celui d’origine. Les bactéries normalement présentes dans le sol ne sont ainsi pas disponibles (car absentes) et la plante ne bénéficie pas du tout du gain habituel de fixation d’azote lui permettant une meilleure croissance. Cette situation n’est pourtant pas définitive.

En milieu naturel, suite à l’introduction de légumineuses dans nouvel environnement, certaines bactéries indigènes sont capables d’évoluer et d’acquérir les « outils » nécessaires  pour mettre en place une nouvelle symbiose. Cette plasticité, ou potentiel d’adaptation est dû à l’organisation particulière de leur génome. Cela ne veut pas dire pour autant que l’efficacité de la symbiose en terme de fixation d’azote est au rendez-vous. Seulement que l’association plante-bactérie a pu se mettre en place.

En contexte agricole, il est courant d’utiliser les bactéries pour inoculer des semences (application sur les graines ou directement dans le sol) afin de mettre en place le plus tôt possible la symbiose la plus efficace en termes de rendement. Il faut bien sûr disposer de la bonne variété de bactéries qui s’associent avec la culture mise en place et que les conditions climatiques et pédologiques conviennent aux bactéries inoculées. En général, ces bactéries sont sélectionnées pour être compétitives face aux bactéries indigènes déjà présentes dans le sol. Elles ont tendance à dominer et dans certains cas elles prédominent toujours après 5 voire 15 ans suite à l’inoculation. Elles peuvent rester des années dans le sol même en l’absence de leurs plantes hôtes en se nourrissant de la matière organique en décomposition dans le sol (saprophyte).

Ainsi lors d’utilisation d’espèces de légumineuses, par exemple en tant qu’engrais verts, il est préférable de favoriser des espèces adaptées à votre terrain (climat, type de sol…) au risque de ne pas avoir les bactéries correspondantes et donc pas de symbiose naturelle optimale.

Quand la plante décide de sanctionner son locataire !

Comme dans toute coopération, il arrive que le contrat ne soit pas toujours respecté. Il y a à la fois des coûts et des bénéfices pour la plante hôte ainsi que pour les bactéries. Parfois, la bactérie installée ne fournit pas sa part (pas de fixation d’azote). Comment cette coopération bactérie-légumineuses a-t-elle pu se maintenir au cours de l’évolution si le bénéfice n’est pas mutuel ? Les bactéries « tricheuses » produiraient ainsi des nodules non fixateurs, ce qui ne donnerait aucun avantage à la légumineuse hôte tout en ayant un coût pour la plante. Car le bénéfice majeur est tout de même d’acquérir un avantage pour les légumineuses au niveau compétitif avec les autres espèces végétales.

Dans un cas de « flagrant délit de triche », la plante peut mettre en place un système de sanction. C’est ce qui a été observé dans le cas du soja et de sa bactérie au cours d’une expérimentation. Le soja pénalise ainsi la bactérie qui échoue à fixer l’azote dans les nodules racinaires. Les conséquences pour la bactérie sont au niveau de son succès reproductif qui diminuait alors de moitié. Un des mécanismes de sanction serait la diminution d’apport d’oxygène à la bactérie. On ferme les robinets !

Récapitulatif 

Pour une pratique favorable au bon développement des légumineuses et de leurs bactéries :

> Favoriser des espèces de légumineuses adaptées à votre terrain (climat, type de sol…) au risque de ne pas avoir les bactéries correspondantes et donc pas de symbiose naturelle optimale.

> Attention à la composition d’une terre apportée de l’extérieur. Peut-être ne contient-elle pas les bactéries correspondantes ou tout simplement elle est pauvre en bactéries du sol.

> La mise en place des nodules est sensible au stress environnementaux: acidité du sol, salinité, températures extrêmes, sécheresse extrême. Attention au travail du sol et à l’apport d’engrais chimiques qui entraînent une perturbation pour les bactéries donc moins d’efficacité pour la fixation).

> Attention au travail du sol mais cette fois en ce qui concerne les couches du sol. Si le travail est trop important et profond, cela perturbera les couches de sol contenant les bactéries qui ne seront alors plus en contact avec les légumineuses à mettre en place. La microfaune sera modifiée et ne contiendra plus les bactéries nécessaires (ni les autres micro-organismes bien utiles également !).

> Si votre terre est saturée en apports azotés (assimilables par la plante) ; les symbioses auront du mal à se mettre en place car la plante n’aura aucun intérêt à établir un partenariat avec les bactéries si elle possède déjà ce qu’il lui faut.

>Planter plusieurs espèces de légumineuses pour une meilleure chance de nodulation car cela permet d’augmenter les chances que les bactéries du sol correspondent à votre espèce végétale. Et non une monoculture de légumineuses qui pourrait alors avoir du mal à se développer si la bactérie ne correspond pas.

> Observez votre terrain. Il vous dira si certaines légumineuses poussent naturellement mieux et donc vous orientera sur les espèces à planter pour optimiser les bactéries déjà présentes dans le sol.

> Si vous voyez qu’une plante légumineuse se développe bien dans votre terrain, vous pouvez prendre un peu de terre au pied de celle-ci pour ensemencer une autre plantation du même type. Par exemple, j’ai sur mon terrain une coronille qui se développe bien et je souhaite en planter une autre. Je vais prendre un peu de terre de la première et en mettre avec la nouvelle plantation pour aider la mise en place d’une symbiose.

55 Responses to Les légumineuses par Cloé Paul-Victor (partie 1/2)

  1. Nicolas dit :

    Bonjour, dans le cas d’une culture d’engrais vert avec des légumineuses (ex. Féverole), est-ce que la fixation d’azote profite uniquement à la plante hôte (dans notre cas la féverole) ou bien, si on laisse ses racines se décomposer dans le sol, l’azote sera-t-il disponible pour les cultures suivantes ?

    • Cloé dit :

      Bonjour Nicolas,
      La fixation d’azote profite dans un premier temps à la féverole tant qu’elle est vivante. Cet azote est utilisé et stocké dans ses organes. Ensuite, quand son cycle de vie se termine, c’est à ce moment là que l’azote stocké dans les tissus de la plante (dans votre cas la féverole) va profiter aux autres plantes en se décomposant. Le mieux est de laisser toute la plante se décomposer et pas seulement les racines. Même si les nodules se trouvent au niveau des racines, l’azote est stocké dans plusieurs organes de la plante. Vous perdrez une partie de l’azote en ne laissant que les racines dans le sol.
      J’espère que ces infos vous seront utiles 🙂
      Cloé

      • Nicolas dit :

        Merci beaucoup pour la réponse !
        Je me demande souvent si, pendant qu’elle est vivante, une plante légumineuse partage son azote avec les plantes environnantes.
        L’idée, ce serait de semer au milieu des légumes comme des salades, des épinards, etc… quelques plants isolés de féverole ou de vesce.
        Bonne ou mauvaise idée ?

        • Cloé dit :

          De rien !

          A ma connaissance, une plante légumineuse ne partage pas son azote directement avec les autres plantes lorsqu’elle est vivante.
          Par contre, elle va apporter des bénéfices indirects grâce à la vie qu’elle va induire par sa présence : structure du sol par enracinement, attraction de micro-organismes et de la micro-faune qui va avec, mise en place de mycorhizes, micro climat…
          Votre idée de semer de la féverole est donc une bonne idée car pendant qu’elle est vivante elle va stimuler la vie du sol et apporter un micro-climat. Puis à la fin du cycle, il y aura apport d’azote par sa décomposition.
          Si votre planche de potager est déjà bien amendée et n’a pas besoin d’apport en azote, l’utilisation de la légumineuse aura moins d’intérêt car les nodules se forment seulement si il y a un besoin d’azote pour la plante légumineuse. L’utilisation d’une légumineuse sera donc moins pertinente. Elle est surtout efficace lors de la mise en place d’une planche. Vous pourrez utiliser un autre engrais vert pour apporter de la matière, du mulch, protéger le sol ou structurer votre sol…

          C’est également une bonne idée de semer quelques plants isolés comme vous l’avez mentionné, car avec trop de légumineuses il risque d’y avoir de la compétition entre la féverole et les salades.

          Pour l’anecdote, mon frère Vincent a semé quelques féveroles entre ses poireaux. Les poireaux avec féveroles se portent beaucoup mieux que sans !

          Concernant la vesce, il faut faire attention à son mode de croissance grimpant et couvrant qui pourrait recouvrir et gêner les plantes du potager.

          En tout cas, je serai curieuse d’avoir votre retour d’expérience si vous tentez cet arrangement 🙂

          • Nicolas dit :

            Tout cela est très intéressant et je compte bien essayer cette année !

          • eric dit :

            ah!! vous aussi avec l’association poireau/féverole vous avez violé le sacro-saint dogme de l’association négative liliacées+ fabacées … je fais moi même pousser le poireau dans le trèfle blanc ( qui est spontané sur ma parcelle et que je sélectionne sur les planches) et l’association est un franc succès! je ne crois plus les guides d’associations de plantes. J’expérimente chez moi directement. J’ai la conviction qu’en fonction du biotope, des communautés végétales sont possibles alors qu’à d’autres endroits non, et inversement …

          • Jardin naturel dit :

            Eric, vous faites bien de ne pas croire : toutes ces informations sont bidons, il n’y a presque pas d’études scientifiques en la matière, et surtout presque aucune sur nos territoires, mis à part en agriculture (# avec nos jardins). Or, les associations qui marchent sont toujours locales. Cela dit, certaines tendances existent et, par exemple, il est probable que vos poireaux soient peu malades (grâce aux composés cyanogènes du trèfle). Sans compter la couverture de sol, très favorable et, bien sûr, pour rester dans le sujet de l’article, la fourniture d’azote dont le poireau est gourmand. Par contre, chez moi, l’association poireau/petits pois s’est soldée par la mort des deux intervenants à 90 %…

  2. Jardin naturel dit :

    La plante donne bel et bien de son vivant de l’azote, via ses exsudats racinaires, mais en quantités limitées. D’ailleurs, pour s’en rendre compte, il suffit de cultiver des haricots en intercalaires des choux, c’est spectaculaire. J’ai lu quelque part des bilans azotés en cours de culture, mais je ne sais plus où.

    Bon article, c’est rare de lire que, en effet, ça ne marche pas à tous les coups. Bravo, donc ! Par contre il est dommage de continuer encore et toujours à présenter cela comme une symbiose : la bactérie est transformée par la plante en bactéroïde (dégradé) et ne sortira pas vivante, et sans descendance, du nodule. Donc, elle est séquestrée, esclavagisée puis détruite.

  3. Cloé dit :

    Merci pour ces commentaires !

    Je serai curieuse de lire la source des bilans azotés en cours de culture ainsi que les infos concernant les exsudats racinaires donnant de l ‘azote du vivant de la plante.

    Cela devance la suite de l’article qui sera publiée dans un deuxième temps et qui est axée sur la biologie des nodules. Les bactéries vont en effet former des bactéroïdes à l’intérieur des nodules. Ces structures ont une durée de vie. Mais la dégradation des nodules ne signifie pas mort des bactéries. Une bonne partie des bactéries retournent dans le sol. En somme chacun reprend sa vie de son côté 🙂

    Les bactéries ne sont donc pas séquestrées, esclavagisées puis détruites. Pour que cette symbiose se mette en place, il y a d’ailleurs un « dialogue » chimique entre la plante et les bactéries. Les bactéries ne sont pas forcées à mettre en place la symbiose. Chacun y trouve son compte.
    Pour rappel une symbiose est une relation mutualiste, c’est à dire une relation entre deux espèces dans laquelle les deux organismes tirent profit, appelée également interaction à bénéfices réciproques. C’est ici le cas 🙂

    • Jardin naturel dit :

      les infos concernant les exsudats racinaires donnant de l ‘azote du vivant de la plante

      Les quantités de N libéré dans la rhizosphère représentent en moyenne 16,5 % (légumineuses) et 10 % (non-légumineuses) de l’azote de la plante. Ça fait quand même pas mal en plus, non ?
      Jones et al. (2009) Carbon flow in the rhizosphere : carbon trading at the soil-root interface. Plant and soil, 321 (1,2) 5-33

      Pour ma part, je voudrais que vous m’expliquiez comment le bactéroïde redevient bactérie ? Car d’après mes infos, il meurt avec la nodosité puis est décomposé…

      La bactérie est libre, comme vous l’écrivez… tant qu’elle demeure dans le sol. Le mécanisme qui l’attire ne plaide ni pour ni contre une symbiose ou une autre relation, il ne se distingue pas par nature des autres interactions dans la rhizosphère.

      Je sais parfaitement ce qu’est une symbiose selon la définition 100 % française que vous donnez (bénéfices réciproques), qui est pour moi une conception du passé qui bloque la pensée car, dans le détail, il s’agit plutôt d’une complexité d’interactions et d’un équilibre de forces. Le seul cas où la notion de symbiose se discute concerne certaines mycorhizes (pas toutes), mais le rôle des bactéries évoque plutôt une complexité d’interactions qu’une symbiose pépère entre plante et champignon.

      Cela étant, et pour recadrer mon intervention, votre article est excellent, nous discutons de détails.

      • Gwendal dit :

        Intervention d’Herve Coves
        https://youtu.be/606fIOwR6t8?t=20m20s
        Elisa Taschen du CNRS : les glucides et les protéines passent d’une plante à l’autre par l’intermédiaire des champignons : les plantes s’échangent leur sève.
        20% de l’azote fixé par les légumineuse se retrouve dans les plantes autour
        dans la nature les ressources alimentaires pour les plantes sont répartis de façon hétérogène. Les animaux peuvent se déplacer. Les plantes ont mis en place des communautés d’échanges des ressources.

      • Cloé dit :

        Merci pour cet article bien intéressant.
        Je pense que vous faites référence à la figure 6 de l’article quand vous citez « les quantités de N libéré dans la rhizosphère représentent en moyenne 16,5 % (légumineuses) et 10 % (non-légumineuses) de l’azote de la plante ».
        Il me semble, à la lecture du texte, que les auteurs remettent en question ces résultats provenant de précédentes études à cause d’une méthodologie qui n’est pas correcte (plantes comparées ayant des stades de développement trop différents ; problème avec la détection de l’isotope N). Leur conclusion est que le N mesuré est surestimé et que ce qui est détecté est plutôt dû au turnover des racines autrement dit au cycle de sénescence / production de racines. On est encore dans le cas d’un apport de N par matière organique morte. Ils ajoutent qu’il y a beaucoup à découvrir dans ce domaine car le N fournit par exsudat n’est pas encore concluant au vue des articles à ce jour.

        Une étude plus récente montre bien l’importance du rôle de la biomasse racinaire et des exsudats pour expliquer la relation entre diversité de plantes et la biomasse des bactéries du sol et champignons.
        Eisenhauer et al (2017) Root biomass and exudates link plant diversity with soil bacterial and fungal biomass, Scientific Reports volume 7, Article number: 44641
        La diversité de plantes augmente les biomasses des parties racinaires et aériennes, mais aussi la quantité d’exsudats racinaires ainsi que la biomasse bactérienne et fongique. Ce n’est pas une grande nouvelle me direz vous, mais ici la démonstration du rôle essentielle des exsudats sur la biodiversité est claire.
        Pour cela ils ont identifié chimiquement les exsudats racinaires (l’apport en N n’en fait pas partie). Même si ils reconnaissent des limites à leur méthode, la conclusion est que ces exsudats ont un effet sur les plantes, bactéries et champignons car ils ont un rôle de communication et de sélection. En effet, les plantes sélectionnent les bactéries avec les exsudats. Mais les bactéries du sol peuvent aussi influencer la quantité et la composition des exsudats racinaires.

        Concernant les bactéries et les bactéroïdes, c’est une très bonne question qui nous permet de rentrer dans le fabuleux univers de la vie des bactéries !
        Il semble que ce sujet de viabilité des bactéroïdes et des bactéries se discute depuis un moment :
        Tsien et al (1977) Viability of Rhizobium Bacteroids, Applied and Environmental Microbiology, Vol. 34, n° 6, p 854-856
        Cet article soulève la question sur la viabilité des bactéroïdes de Rhizobium. Les articles précédemment publiés démontraient qu’ils n’étaient pas viables et perdaient la capacité de division cellulaire. Cette étude montre le contraire et explique pourquoi les données précédents ont pu faire fausse route.

        Pour reprendre les recherches plus récentes (*), la réponse concernant les bactéroïdes est : tout dépend de son cycle de vie ! Il existe en effet sur les racines des légumineuses des nodules déterminés et d’autres indéterminés (cela fait l’objet en partie de la 2e partie de l’article donc je ne détaillerai pas ici).
        Pour répondre de manière synthétique, selon le type de nodule et le type de légumineuse on trouve deux options :
        – les bactéroïdes perdent leur capacité à se reproduire mais passent les nutriments gagnés à leurs collègues (et clones) non différenciés qui assureront la descendance
        – les bactéroïdes conservent leur totales capacités comme les formes libres et continuent à se reproduire.

        Ce sont des mécanismes vraiment passionnants qui nous plongent dans l’univers des bactéries. Il y a aussi tous les risques dû à la compétition entre bactéries à la sortie des nodules et la prédation par les protozoaires autour des racines. Quelle vie ! Cela vaudrait même un article tellement il y a à dire sur les risques et bénéfices d’une bactérie à faire la symbiose 🙂

        (*) Sources :
        Oono et al (2009) Controlling the reproductive fate of rhizobia : how universal are legume sanctions ? New Phytologist ; Vol 183 : 967-979
        Denison & Kiers (2011) Life histories of symbiotic rhizobia and myccorhizal fungi ; Current Biology ; Vol 21 , n° 28 ; R775-R785.
        Oono et al (2011) Failure to fix nitrogen (N2) by nonreproductive symbiotic rhizobia triggers sanctions that reduce fitness of their reproductive clonemates ; Proc. R. Soc. B 2011 278, 2698-2703

  4. Bonjour, Merci pour cet article précis et compréhensible par tous. J’ai testé l’utilisation du trèfle incarnat comme précédent cultural au poivron. Ces derniers ont été magnifiques et j’en ai obtenu une récolte plus qu’honorable. Voila l’itinéraire: semis assez dense du trèfle incarnat en août de l’année N -1. Fauchage du trèfle le 15 mai de l’année suivante, au stade début floraison. Aucune adventice résiduelle du fait de la densité du trèfle et de sa hauteur (50 cm). Export de la biomasse sur culture de courgette plantées le même jour à côté des poivrons. Plantation des poivrons directement dans les racines du trèfle. Pas besoin de les arracher. L’avantage de l’incarnat, c’est que c’est une annuelle et qu’elle ne repousse pas si on la fauche en fleur. Sa floraison arrivant fin mai, ça tombe bien pour les cultures de plein champ puisque c’est à cette période qu’on installe la plupart des plants de légume d’été. La terre est propre, meuble et riche. J’ai mulché la planche de poivrons avec du foin frais fauché quelques jours plus tard (fin mai) qui est bien équilibré en C/N. Pas de désherbage de toute la saison. Ni les courgettes, ni les poivrons. Economie en eau (130 l/m²). Résultat: 10 kg sur 4 m² et 14 plants (8 plants de paprika tulipe de Hongrie et 6 plants de Petit Marseillais) sans intrants, sans désherbage et sans travail du sol. Pas mal, non? J’ai les photos, si ça vous intéresse. Merci à Gilles qui permet ces échanges! Martine DELHOMMEAU, CARABE

  5. Murielle dit :

    Les légumineuses pour nourrir les plantes voisines !
    Merci pour cet article fouillé et pour Gilles pour cet échange intéressant

    Pour ma part, j’ai repris l’idée de Jean-Marie Lespinasse et je mets au jardin des poquets de luzerne (çà tombe bien vu que je fais des graines germées d’Alfalfa). Lorsqu’ils sont assez grands je les coupe et je paille avec les parties aériennes. Et donc, cela nourrit les plantes environnantes. Et puis çà repousse tout le temps, pratique d’avoir du paillage azoté au milieu des plates-bandes !

  6. BREMOND dit :

    bonjour et merci pour cette contribution très didactique.
    une question : un apport initial de BRF ou de BREFT ou de BREF a-t-il une incidence sur et un impact sur les futures semences de légumineuses ?
    merci par avance. Alain

    • Cloé dit :

      Bonjour,

      Ce serait une question plutôt pour l’expertise de Gilles 🙂

      Mon avis serait que la question concernant l’incidence serait plus dirigée vers la vie du sol avant même de parler des légumineuses. Tout dépend de l’état de votre sol et de l’utilisation du BRF.

      C’est la présence des bactéries combinée à la composition du sol qui sera déterminante. Selon la composition de votre BRF (types d’essences), cela peut affecter le sol et donc les bactéries. Je suis plutôt pour les BRF de mélange d’essences. De plus, si votre terre est saturée en apports azotés (assimilables par la plante) ; les symbioses auront du mal à se mettre en place car la plante n’aura aucun intérêt à établir un partenariat avec les bactéries si elle possède déjà ce qu’il lui faut. Mais dans le cas où l’apport de BRF provoquerait une faim d’azote, cela serait favorable à l’établissement de nodules. Cela ne veut pas dire qu’il faut provoquer une faim d’azote pour installer des légumineuses 🙂

      Il y a donc beaucoup de paramètres qui rentrent en compte :
      – La provenance du BRF (espèces de biotopes éloignés) et de sa composition (effets différents selon essences)
      – État du sol notamment en azote assimilable par la plante
      – Les espèces de légumineuses choisies
      … pas simple tout ça…

      Sinon les effets du BRF sur les semences de légumineuses sont les mêmes que pour les autres semences en général.

      Gilles a d’ailleurs écrit des articles à propos des BRF sur ce blog.
      Il s’y connaît sûrement mieux que moi. Peut-être a-t-il d’autres infos pour votre question ? 🙂

      • Thomas BARRIO dit :

        « Cela ne veut pas dire qu’il faut provoquer une faim d’azote pour installer des légumineuses »
        Oui par contre, il est nécésaire d’apporter des Matières Organiques carbonnées pour remettre en vie un sol. A ce moment là la légumineuse s’avère être un élément lé de cette remise en vie des sols en conditions de faim d’azote.

        • Mes expériences passées de jardinier débutant qui avait commencé par s’intéresser au BRF avant de comprendre les règles de l’agronomie m’ont amené à la conclusion indiscutable que les BRF ont un impact sur les pois, les fèves ou les haricots, tout à fait similaires à leur impact sur les autres espèces, c’est à dire que s’il y a faim d’azote, les légumineuses en pâtissent comme les autres 😉 !

          • Cloé dit :

            Merci Gilles pour ces infos ! 🙂

          • Jardin naturel dit :

            Je suppose qu’elles en pâtissent si elles sont déjà installées, dans un sol riche et donc sans avoir fait de nodosités avant que ne survienne la faim d’azote ? Sinon, si c’est dès la germination, je ne comprends pas pourquoi.

  7. chris dit :

    Merci pour cet article, très intéressant. Il y a beaucoup d’études qui montrent que les plantes fixatrices d’azote sont avantageuses pendant tout le cycle de la vie de la plante
    par exemple  » On rapporte que la culture de noix avec le chalef argenté, eleagnus umbellata, augmente la production de noix de +30%. » http://permaforet.blogspot.fr/2014/12/le-biotope-du-noyer-1ere-partie-le.html
    Cordialement

    • Cloé dit :

      Merci pour cette information ! C’est un résultat assez spectaculaire. Du coup, ça m’a donné envie d’en savoir un peu plus sur les études originales dont parle le blog.

      En effet, il existe un bon paquet de publications sur l’effet d’une augmentation de croissance des noyers en culture mixte avec le chalef argenté (Elaeagnus umbellata) par exemple.
      Friedrich & Dawson (1984) Soil nitrogen concentration and Juglansnigra growth in mixed plots with nitrogen-fixing Alnus, Elaeagnus, Lespedeza, and Robinia species ; Canadian Journal of Forest Research, Vol 14, 864-868

      Le chalef fait partie de la famille des Eleagnaceae. Il n’est donc pas une légumineuse. Il existe tout un groupe de 8 familles de plantes non légumineuses fixatrices d’azote : le groupe des plantes actinorhiziennes. Pour fixer l’azote, elles forment une symbiose non pas avec des bactéries de la famille des Rhizobiaceae mais avec une espèce de bactérie appelée Frankia faisant partie de la famille Actinomycètes. Ne vous laisser pas induire en erreur par le « mycètes » qui provient de l’ancienne classification de ces bactéries. A l’origine, elles étaient classées dans les champignons !

      Les études (des moins récentes aux plus récentes) sur ces cultures mixtes favorables aux noyers expliquent cet apport d’azote via la litière (feuilles se décomposant au sol sous le chalef) et le turnover des racines des plantes fixatrices de N non légumineuses.
      On en revient au sujet abordé plus haut, c’est à dire à l’apport de N par de la matière organique morte en décomposition. Les exsudats ne sont donc pas impliqués pour ce mécanisme. Il y aurait beaucoup à dire sur les actinobactéries et voilà encore un sujet très intéressant à développer pour un article, surtout qu’il y a des liens avec les mycorhizes arbusculaires  🙂

  8. René dit :

    Bonjour, pour continuer dans les plantes qui apportent et fixent l’azote, j’ai semé après mes cultures jardinières fin septembre début octobre de la phacélie qui a très peu poussé pendant l’arrière saison à cause de la sècheresse persistante dans la Loire. Les choses ont évoluées en décembre janvier avec le retour des précipitations et des températures douces.
    Pour une efficacité maximale de transfert d’azote, faut il fauché les plantes et les laisser sur place, ou passer un broyeur ou un coupe fil et les enfouir en mars avec un motoculteur fraise??
    Merci de votre réponse

  9. Jardin naturel dit :

    Tant qu’elles ne gênent pas, les laisser. Puis les faucher ou les composter, et ne surtout pas les enfouir ! Ou, à la rigueur, passer un coup de râteau pour les mélanger sans les enfouir. Si c’est sec, arroser. Mais pour l’azote, il y a mieux…

  10. Thomas BARRIO dit :

    Bonjour,

    C’est excellent. Vous poussez la recherche là où personne (ou presque) ne va … et vulgarisez votre travail. Tous mes encouragements!
    Ceci dit, j’ai pris parti de n’accorder que peu d’importance à l’implantation des légumineuses au potager. En effet, comme vous le dites si bien dans l’article, la légumineuse est un outil efficace de remise en vie de sols appauvri. Ors, par défaut, le potager se doit d’être sur un sol riche. Si il ne l’est pas, il faut lui ramener la richesse par l’alimentation en matière organique. Ce à quoi peut servir la légumineuse, mais pas dans les proportions suffisantes dans le cas d’une remise en vie de sols. C’est bien par l’alimentation en MO de manière massive que des résulats peuvent être obtenus. Accessoirement, la légumineuse peut servir pour la phase de transition (1 an ou deux) car elle présente l’atout indéniable d’être autonome en azote et donc de ne pas subir la « faim d’azote » provoquée par la dégration de la MO apporté en grandes quantités au sol. Dans un potager productif au sol vivant, la légumineuse occupe seulement une place de niche.

    En grande cultures le débat est différent (?) Quelle place doit on réserver à la légumineuse ? Ne devrait on pas considérer nos champs comme de grands potager ? La convention actuelle tend à nous imposer le schéma inverse : nous traitons nos jardins comme de petits champs…. quel renversement de situation propose l’agro écologie !!!!
    Nous attendons impatiemment la suite !!!!!

    Bien à vous,

    • Jardin naturel dit :

      Je souscris à votre message, par contre il ne me paraît pas réaliste d’inverser au point de transformer les champs en potager vu le travail nécessaire. Et je ne vois pas comment trouver 10 kg de MO par m2 tous les ans (et bien davantage les premières années ? Cela dit, avant le développement des produits phytosanitaires, les recommandations étaient 6 kg de fumier au m2 : à cette époque, ils les trouvaient. Aujourd’hui ?

      Au champ, les légumineuses donnent d’excellents résultats en inter-rang avec les céréales, car les graminées facilitent l’absorption de phosphore par les légumineuses, ce qui est souvent leur facteur limitant.

      L’agroécologie que vous évoquez soutient le travail avec nodosités et mycorhizes, qui suppose dans les deux cas peu d’apport d’azote et de phosphore, qui bloquent tous les deux les « symbioses ».

      Au contraire au jardin, vu la richesse des sols, aucun des deux ne fonctionne.

      • Thomas BARRIO dit :

        Bonjour

        D’où provient le résultat des 10 kg de MO par m2 ?
        Ce que je vois, c’est que lorsque l’on cherche, on trouve.
        Certains voisins citadins ne savent pas où trouver de la MO, c’est jusque parce qu’ils regardent pas dans les poubelles d’autres voisins.

        Je parlais de l’agro-écologie au sens large, incluant la gestion des jardins.

        • BREMOND dit :

          bonjour. manque de BRF ?
          il est important de penser à l’arbre paysan pour ses trognes qui sont une source renouvelée régulièrement de BRF.
          voir le livre de M Mansion « l’arbre paysan ».
          de plus la proximité d’arbres est intéressante pour la mychorisation de la terre proche.

          • Jardin naturel dit :

            La mycorhization de la terre proche, si vous songez au potager, ne marchera pas car il ne s’agit pas du tout des mêmes champignons pour les ligneux (Basidiomycètes et Ascomycètes), qui forment des endomycorhizes, et pour les herbacées (Glomeromycètes, symbiotes obligatoires) qui forment des ectomycorhizes à arbuscules.

        • Jardin naturel dit :

          10 kg, c’était dans mes cours et j’ai la flemme de chercher… Mais le sujet est évoqué par Messiaen, Le potager familial méditerranéen, Quae 2009, un livre que je conseille. Oui, on trouve pour le jardin, mais en trouver autant pour des centaines d’hectares, c’est une autre affaire.

  11. Jardin naturel dit :

    Eric, vous faites bien de ne pas croire : toutes ces informations sont bidons, il n’y a presque pas d’études scientifiques en la matière, et surtout presque aucune sur nos territoires, mis à part en agriculture (# avec nos jardins). Or, les associations qui marchent sont toujours locales. Cela dit, certaines tendances existent et, par exemple, il est probable que vos poireaux soient peu malades (grâce aux composés cyanogènes du trèfle). Sans compter la couverture de sol, très favorable et, bien sûr, pour rester dans le sujet de l’article, la fourniture d’azote dont le poireau est gourmand. Par contre, chez moi, l’association poireau/petits pois s’est soldée par la mort des deux intervenants à 90 %…

  12. […] Les Principes de la Permaculture en Français. Les légumineuses par Chloé Paul-Victor (partie 1/2) […]

  13. Popof dit :

    merci pour cet article très intéressant. Hâte de voir le second volet.
    Vous ne citez pas le haricot, le pois, la fève : est-ce que leurs bactéries symbiotiques sont spécialisées, « généralistes » ? et donc est-ce les symbioses s’établissent facilement dans les potagers? Compte tenu des temps de cultures assez courts (2,5 à 3 mois pour un haricot), est-ce que ce temps permet l’établissement d’une symbiose ? Combien le haricot, la fève, le pois laissent-ils d’azote dans le sol après culture ?
    Comme j’enchaine les cultures rapidement sur une même parcelle tout au long de l’année, il n’y a que très peu de place pour la culture d’engrais verts, donc les seuls légumineuses cultivées sont les légumes du potager.

    • Popof dit :

      Dommage que ma question relative aux légumes cultivés de la famille des légumineuses n’ai pas trouvé de réponse. Est-ce parce qu’on (Cloé…) ne sait pas ?

      • Jardin naturel dit :

        Je peux répondre à certaines de vos questions. Oui, le temps d’une culture est suffisant pour qu’une symbiose s’établisse, qui est très rapidement opérationnelle. Mais dans un sol riche, elle ne s’établit pas : si la plante n’en a pas besoin, elle ne met pas en place un procédé aussi coûteux en énergie. Toutefois, ça dépend… Pour s’en assurer, il suffit d’examiner les racines en milieu de croissance. S’il y a des nodosités, rouges à l’écrasement, la plante assimile l’azote et donc en manque, peut-être simplement parce qu’il est peu disponible. On en tire alors les conséquences pour le reste du potager. Dans les potagers actuels, avec les diverses nouvelles pratiques, il est probable que l’azote, bien que globalement suffisant, ne soit pas assez disponible pour les plantes au moins jeunes (on remarque alors une lenteur au démarrage), un problème qui s’estompe par la suite avec le développement de la rhizosphère.

        Concernant telle ou telle légumineuse, je laisse Cloé répondre. Si je me souviens bien, le pois enrichit peu en azote et le haricot davantage, ou l’inverse.

        Par ailleurs, on lit souvent qu’il ne faut pas engraisser la terre si on plante des légumineuses. En agriculture, c’est en effet le but, mais au potager, si vous n’engraissez pas vos haricots, vous récolterez à peine la moitié de leur potentiel. Pourquoi pas, si vous disposez de place et de graines, sinon, traitez les légumineuses comme les autres plantes.

      • Cloé dit :

        Merci pour vos questions. Je comprends que vous soyez curieux des réponses.
        Je réponds lorsque ma disponibilité me le permet donc parfois il faut un peu de patience… 🙂

        Mes réponses vont recouper en partie ce qu’a dit Jardin Naturel.

        Je n’ai pas cité le haricot, la fève et le pois car il y avait déjà beaucoup à dire.

        Les associations bactéries-plantes font l’objet de beaucoup de recherches. Des découvertes sont réalisées régulièrement sur les capacités d’une bactérie à noduler plusieurs plantes, et inversement sur le nombre de bactéries avec lesquelles une plante peut noduler. Les parentés des bactéries et leur classification sont régulièrement mises à jour selon les recherches.

        Voici l’état des lieux selon les recherches récentes*
        Le haricot (Phaseolus vulgaris) interagit avec une large gamme de bactéries rhizobium (au moins douze espèces).
        La fève (Vicia faba) : une seule espèce da bactérie Rhizobium fabae
        La vesce commune (Vicia sativa) : deux espèces de bactéries Rhizobium leguminosarum bv viciae et Rhizobium pisi
        Le pois (Pisum sativum) : deux espèces de bactérie Rhizobium pisi et Rhizobium leguminosarum bv viciae

        Le haricot est donc l’espèce la plus susceptible d’établir une symbiose quand on voit le nombre de bactéries « candidates ». Il est également possible de réaliser une symbiose avec plusieurs bactéries à la fois donc le haricot possède un potentiel plus grand pour fixer l’azote que ses cousins.

        Mais savoir si une espèce de rhizobium est généraliste n’est pas si simple car cela dépend aussi de la zone géographique et du cultivar de haricot utilisé par exemple. Au passage, noduler ne veut pas dire fixer l’azote, parfois la nodulation ne mène pas à un gain d’azote pour la plante. Ceci est une autre histoire…

        Pour revenir au sujet de cultures : lorsque la bactérie correspondante à votre légume est dans le sol, la période de temps de 2,5 à 3 mois est suffisante. Dans la 2e partie de l’article, le processus biologique de nodulation est expliqué plus en détail. Le « dialogue » chimique entre la bactérie et la plante est une question d’heures seulement. Et certains nodules ont une durée de vie de quelques semaines. Donc pas de souci.

        Si vous cultivez une légumineuse (par ex des fèves) dans un potager déjà amendé (azote assimilable disponible), il n’y aura pas forcément de nodulation. La plante n’aura aucun intérêt à établir un partenariat avec les bactéries. Elle se comportera donc comme une plante non légumineuse pour ses besoins.

        Concernant la quantité d’azote que laissent les légumineuses :
        En général, les études analysent l’effet sur la plante hôte (rendement matière sèche ou fraîche) plutôt qu’une quantité d’azote. L’azote est ensuite estimé à partir des matières sèches selon des calculs de cultures précédentes. La quantité d’azote fournie par la bactérie est un paramètre difficile à quantifier surtout que chaque situation est différente. Il y a encore des discussions sur les méthodologies.
        De plus, cela dépend de l’environnement. Des moyennes réalisées en plein champs sur certaines plantes ne pourraient pas s’appliquer à du maraîchage sur d’autres plantes par exemple. Il peut également y avoir une flore bactérienne différente selon les sols avec la présence d’autres plantes fixatrices d’azote. Encore une fois beaucoup de paramètres, donc pas de réponse unique…

        Il y a une méthode citée dans plusieurs sites et ouvrages pour obtenir des estimations :
        «MERCI» :Méthode d’Estimation des éléments Restitués par les Cultures Intermédiaires
        développée la chambre d’agriculture départementale d’agriculture du Bas-Rhin et de la chambre régionale d’agriculture de Poitou-Charentes.
        http://www.deux-sevres.chambagri.fr/fileadmin/publication/CA79/16_Entreprise_Agricole/Documents/Secheresse/Dossiertech_IC_2010_legumineuses.pdf

        Comme tout méthode basée sur des généralisations de processus, cette méthode est à utiliser en prenant en compte ses limites, c’est à dire une quantification globale et non la prise en compte des paramètres spécifiques à chaque culture. Si vous avez des retours d’expériences avec ce logiciel, je suis preneuse ! 🙂

        * Rogel et al (2011) Symbiovars in rhizobia reflect bacterial adaptation to legumes ; Systematic and Applied Microbiology ; 34:96-104

        • Popof dit :

          Bonjour
          Désolé, j’ai été un peu impatient. Un grand merci à Cloé et jardin Vivant pour vos réponses passionnantes.
          En réalité, je ne suis attentif à la culture d’engrais verts légumineuses (souvent la féverole) que dans des parcelles jeunes, nouvellement en potager. Dans le potager que je cultive depuis des années, je ne m’en soucie pas. Mais je n’ai jamais regardé de près la couleur des nodosités. J’ai redécouvert ce détail grâce à nos échanges. Merci. Je ne nourris pas les légumineuses et elles sont très productives, et j’utilise très peu de compost. En revanche je couvre la terre avec des restes végétaux jeunes à décomposition rapide et je pense que le sol est assez (trop) riche en azote. Je n’utilise jamais de BRF au potager. Cette conversation me renforce dans l’idée que dans un potager bien structuré avec un turnover de la matière organique très rapide, la culture de plantes fixatrices d’azote n’est pas d’un grand intérêt.

  14. Jardin naturel dit :

    Cloé, votre sens du détail vous honore et il est vrai que j’avais simplifié dans le cadre de mon analyse qui concerne l’affirmation « ce n’est pas une symbiose ». Toutes les légumineuses ne provoquent pas d’endoréplication dans le bactéroïde, certes, mais alors la « symbiose » est peu productive. Par contre, et à plusieurs reprises indépendamment dans l’évolution, des plantes ont développé le système NCR, Nodule-specific Cysteine-rich, (Czernic, 2015), soit des centaines de peptides, pour un coût énergétique élevé, mais avec pour résultat une bien plus grande production d’azote. Tout se passe donc comme si une plante exploitait une bactérie et, de temps à autre, trouvait une manière plus efficace de le faire.

    Par contre, je reste en attente d’une étude qui montrerait que l’ADN bactérien peut sortir de la plante (que la bactérie s’y reproduise, certes). J’en reste à la dérépression du trafic vésiculaire lors de la sénescence, qui se termine par la lyse (Limpens, 2009).

    Quant à l’azote, je crois que nous sommes d’accord, mais avec des points de vue différents. Pour ma part, je considère l’azote global. Il est évident (semble-t-il) que la plante n’émet pas de NO3 ou NH3, mais, en plus des composés glucidiques, de nombreux composés azotés, utilisés par les micro-organismes (pas seulement bactéries), et cette fois relargués sous forme minérale. Vous le savez bien, c’est ainsi que la plante s’approvisionne, et c’est l’un des principaux intérêts pour elle (outre la défense) de sélectionner via les exsudats un microbionte spécifique. Quant à la nécromasse, elle dépend aussi de la capacité de la plante à assurer sa nutrition azotée, donc la quantité d’azote résultant de la nécromasse est un indicateur indirect. Aussi, seul le bilan me paraît vraiment intéressant (mais je me place d’un point de vue écologique et synthétique, pas du point de vue d’une chercheuse sur les légumineuses qui se doit au contraire de cultiver la précision, on est d’accord), c’est pourquoi je citais cette étude, qui discute la différence entre légumineuses (16,5 % d’azote) et les autres plantes (10 %), à vrai dire sans doute variable. Mais une moyenne de 50 % de plus d’azote disponible dans la rhizosphère de légumineuses moyennes par rapport aux autres plantes moyennes me semblent une approximation correcte, un ordre de grandeur pour l’instant intéressant.

    Si ça vous intéresse, j’ai écrit un article contestant le dogme de la symbiose qui paraîtra en mai, je peux vous l’adresser (il ne s’agit pas d’article scientifique mais d’un point de vue pour le bulletin d’une association de botanique). J’ajoute que la nodulation découlant sans doute de la mycorhization, il s’agit plutôt d’une voie générale (impliquée également dans des parasitoses).

    Quant à votre article (Eisenhauer et al., 2017), c’est en effet pourquoi je suggère de laisser les adventices, c’est-à-dire la biodiversité qui à défaut d’être naturelle est actuelle, dans le potager. Merci !

    Czernic et al., (2015), Convergent evolution of endosymbiont differenciation in Dalbergoid and IRLC legumes mediated by nodule-specific cysteine-rich peptides, Plant physiology, 169 (2), 1254-1265, 2015

    Limpens et al., (2009) Medicago N2-fixing symbiosomes acquire the endocytic marker Rab7 but delay the acquisition of vacuolar identity. The plant cell, 21 (9), 2811-2828

    • BREMOND dit :

      enfin un débat qui est de bon niveau !!
      c’est rare sur les blogs. bravo.
      bien sûr le jardinier de base que je suis est « largué ». mais ça fait du bien de savoir que des scientifiques sont en action pour expliquer ce que l’on constate sur le terrain.

  15. JACQUET .JOEL dit :

    Merci pour ce débat passionnant

  16. BA Djiby dit :

    Merci pour ce partage d’information,ma réaction est de vous posez la question suivante, comment distinguer une plante qui fixe son azote ( nodosités sur racines) et celle qui est attaqué par les nématodes(nodosités sur racines).

  17. Jardin naturel dit :

    Vous frottez les nodules de manière à les écraser : s’il s’agit de nodosités, ce sera rouge, à cause de la leghémobline, la protéine proche de l’hémoglobine qui capte l’oxygène. La fixation de l’azote est anaérobie stricte, c’est pourquoi la même bactérie ne peut pas le faire toute seule dans le sol à notre époque ; elle le pouvait avant que les plantes ne dégagent l’oxygène que nous respirons, qui était absent de l’atmosphère originelle.

  18. Cloé dit :

    Merci pour ces discussions intéressantes. Je trouve tous les échanges passionnants et je suis contente que ce thème suscite de l’intérêt !

    Aux vues des questions posées à propos des bactéries dans les deux parties de l’article, cela me donne des idées pour un autre article.

    Je vais donc me pencher prochainement pour un sujet centré plutôt du côté des bactéries fixatrices (leur évolution, cycle de vie, effet des interactions avec les plantes…). Comme j’aime bien creuser la bibliographie et faire des schémas, cela prendra bien sûr un peu de temps 🙂

    @ Jardin Naturel : Je serai ravie de lire votre article afin de comprendre votre point de vue. Vous pouvez me l’adresser par email lorsqu’il sera disponible si cela est possible : labo.insolite@gmail.com

  19. Marie-Thérèse Thévard dit :

    Bonjour ,
    Merci pour l’article et la discussion tous les deux passionnants.
    J’ai une petite question. J’ai su que l’association légumineuses-céreales forçait les légumineuses à fixer l’azote de l’air car c’est la céréale que se sert de celle du sol. Je l’ai fait souvent dans mon jardin en engrais vert (exemple: avoine-féverolle) et l’an dernier, je l’ai essayé en culture en associant haricot sec-blé ou pois-avoine. Qu’en pensez-vous?

    • Cloé dit :

      Bonjour,

      Merci pour cette question.
      La nature nous réserve bien des surprises 🙂

      En effet, il n’y a pas que les légumineuse qui sont capables de développer des symbioses et de fixer l’azote. Certaines plantes non légumineuses telles que le riz, le maïs ou le blé (exemples non exhaustifs) en sont capables même si la quantité fixée d’azote est moindre comparée aux légumineuses. Certaines céréales sont donc capables de fixer de l’azote via des symbioses !
      Il est même question de développer l’utilisation des cultures mixtes avec des légumineuses et des non-légumineuses ensemble. Des études montrent que cette association permet de produire plus de biomasse et de fixer plus d’azote que les légumineuses seules ou les non-légumineuses seules. Affaire à suivre…

      A priori cela peut être une bonne association (toujours à replacer selon le contexte de culture : sol, climat..). Je n’ai pas connaissance d’effet de la céréale qui force la légumineuse à fixer l’azote atmosphérique. Peut-être que ce phénomène a lieu dans certaines conditions particulières. Je suis preneuse si vous avez des documents à ce sujet 🙂
      Les conditions de fixation d’azote atmosphérique par les symbioses plantes-bactéries sont assez complexes. Il est donc difficile de généraliser certains résultats obtenus dans une situation pour une utilisation globale.

      Sources :
      – Santi et al, 2013 ; Biological nitrogen fixation in non-legumes plants ; Annals of Botany 111 : 743-767.
      – Reginaldo Alves Ferreira Neto et al, 2017 ;Nitrogen fixation of Poaceae and Leguminoseae in a green manure experiment in the Brazilian semiarid region ; Australian Journal of Crop Science 11 : 1474-1480.

  20. Jardin naturel dit :

    cloé « Je n’ai pas connaissance d’effet de la céréale qui force la légumineuse à fixer l’azote atmosphérique »
    Je suppose qu’il s’agit de l’effet indirect : la graminée est très efficace pour prélever l’azote, d’autant plus que ses racines sont très longues (200 km). Donc, même s’il y avait trop d’azote au départ, et que de ce fait la légumineuse ne nodulait pas, elle y est très rapidement obligée.

    Par ailleurs, il me semble l’avoir lu dans Soltner, les graminées, ou au moins certaines céréales, stimuleraient la croissance des légumineuses, peut-être via des sidérophores de la rhizosphère ou par un effet sur la disponibilité du phosphore, mais je n’ai ni certitudes ni articles-sources.

    En effet, il y a de nombreuses manières de fixer l’azote. En termes de « symbiose », il y a les 200 plantes associées à des Frankia dont chez nous les aulnes et l’argousier (ce dernier peut faire de jolies haies défensives, intéressantes pour les oiseaux, et on peut en faire des jus ou des confitures, il pousse même dans des cailloux et résiste à la sécheresse, par exemple cette année les miens ont tenu sans arrosage aucun or je suis dans le sud).

    Pour le riz, c’est indirect via des cyanobactéries et peut-être quelques algues dans l’eau. Mais il y a aussi un effet rhizosphérique connu depuis longtemps, par exemple ce document de 1977 (!) : http://horizon.documentation.ird.fr/exl-doc/pleins_textes/pleins_textes_4/biologie/17774.pdf

    Chez le maïs, le sorgho, le millet, la fixation d’azote est le fait de bactéries rhizosphériques comme Beijerinckia et Spirilla et à mon sens on peut parler d’holobionte mais pas vraiment de symbiose.

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