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Le potager : une source d’étonnement – par Loïc Vauclin

Article invité écrit par Loïc Vauclin du blog mon potager en carré.

Comme je vous l’ai déjà évoqué dans la présentation de mon potager en carré, ma terre était plutôt du genre stérile et très sableuse. Les 2 premières années de culture traditionnelle à plat m’ont plutôt découragées. Seulement l’échec est un moteur chez moi, j’aime bien contourner les problèmes et les solutionner. C’est l’expérimentation qui permet de trouver des solutions. Expérimenter c’est aussi prendre des risques. Seulement il faut bien admettre que les risques pris en tant que jardinier sont plutôt réduits. Le principal est celui de travailler au jardin sans obtenir la moindre récolte. Mais parfois on fait des découvertes intéressantes. En voici quelques une qui me concernent.

Un légume se ressème ?

En appliquant les conseils que j’ai glanés sur internet, j’ai étalé la totalité de mon bac à compost sur mes carrés de potager et sur quelques planches de culture. Ma surprise fut de récolter des pommes de terre genre vitelotte et des tomates sans avoir semé quoique ce soit. Je ne sais pas pourquoi mais j’avais l’à priori que l’on ne pouvait pas utiliser les graines de ses propres légumes pour faire des semis. A vrai dire je n’avais même jamais pris le temps d’y réfléchir. Et chaque année je ne manque pas de faire chauffer ma carte bleue dans les jardineries pour acheter des graines.  Aujourd’hui je me demande bien comment ce genre d’idée a pu germer dans ma tête. Surtout que je ne suis pas le seul dans ce cas ! Y aurait-il un travail de lobbying là derrière ?

Bref, c’est tellement facile de récolter ses graines que je ne vais plus m’en priver. Cette idée m’a ouvert de nouveau horizon. J’ai découvert qu’il y avait une volonté de préserver le patrimoine légume. Des jardinier luttent pour préserver des variétés anciennes, comme notamment de choux de saint Saëns,près de chez moi. J’ai pris conscience que le travail de sélection des jardiniers amateurs mérite d’être conservé, surtout quand on voit la vitesse de propagation des variétés hybrides. J’ai décidé de travailler avec des variétés fixées et de me lancer dans la sexualité des plantes .

La capacité de la nature à se régénérer

Mes actions pour favoriser la biodiversité dans mon potager restent facileà entreprendre et à la portée de tous. Je suis néanmoins surpris de voir comment de petites actions peuvent amener de grands changements. Voici quelques-unes de ces actions :

Planter quelques fleurs mellifères et laisser quelques fleurs sauvage se développer permet de voir les insectes recoloniser votre jardin. Bien que je sois en pleine ville j’ai pu voir des insectes vraiment impressionnant. En laissant une place plus grande à la spontanéité de la nature, j’ai pu ainsi découvrir une nouvelle fleur : l’onagre. Elle a quasiment recouvert tout mon jardin, et je me dis qu’il y a surement une bonne raison à cela.

Le retour des champignons fut aussi une découverte agréable. Depuis longtemps chaque saison je vais chercher des cèpes en forets et systématiquement je jette les épluchures dans mon jardin. Seulement je n’ai jamais vu un cèpe pousser. Par contre depuis que j’utilise le BRF, non seulement un réseau important de mycélium a colonisé le terrain, mais je vois aussi des champignons pousser çà et là.

Pailler le sol avec mes déchets verts et ma poubelle à épluchure ont considérablement modifié mon jardin. Avant je ne voyais par un ver, aujourd’hui il suffit que j’écarte un peu le mulch pour voir quantité de vers se recroqueviller. Le paillage offre un environnement propice au développement de la faune du sol. Aujourd’hui mon sol grouille de vie et le développement de mes légumes a progressé.

Les vers ne sont pas les seuls à investir le paillage, il y a aussi des bestioles moins sympas comme les limaces. Forcement ma première réaction de jardinier était de sortir le tue limace. J’avais quand même pris soins de rendre le poison inaccessible pour les autres animaux.

Après quelques sorties nocturne pour tenter de pulvériser mon ennemie, j’ai fini par renoncer, enlever mes pièges et me dire je laisse faire on verra bien.

Le laisser faire au potager.

Ce n’est pas facile de laisser ses salades se faire bouffer. Mais j’ai fini par me dire que cette quantité impressionnant de gastéropode allez bien finir par intéresser quelqu’un. Au bout de quelques mois, j’ai vu les premiers carabes courir dans le potager. Un hérisson aussi à pointé son nez. Je ne dis pas que la population des limaces est déjà maintenue sous pression, mais la nature fait son travail et je suis sûr d’aller vers un équilibre. J’essaie de mettre en pratique les principes de l’agriculture sauvage.

J’adopte cette politique pour tous maintenant, et je subi des pertes. Je ne vous dis pas mes pieds de tomates cette année. Mais j’ai quand même pu en profiter. Le mildiou a tout ravagé mi-aout avec le fort taux d’humidité. J’ai refusé de traiter a la bouilli bordelaise car son action sur les champignons n’est pas ciblé. Je n’ai même pas pris le soin de brûler les pieds contaminés. Je les ai laissé sécher sur place puis passé au broyeur. Je vous dirais l’été prochain comment se portent mes tomates. Je risque peut être de déchanter mais j’ai la conviction que plus mon jardin sera riche en biodiversité plus fortes seront mes cultures.

Apparence du potager naturel.

Depuis que je laisse la nature un peu plus libre je découvre une nouvelle réaction de mon entourage.

–         Ba alors t’as laissé tomber ton jardin !

–         Mais c’est la brousse chez toi

–         Ba dit ! C’est pas très bien entretenu ton potager.

Notre vision du jardin est bien formatée, dans l’esprit de bon nombre de jardinier, un potager entretenu c’est un potager avec une terre totalement nu et découverte. C’est des légumes planté au cordeau et regroupé. Tout le contraire de ce qu’il faudrait faire ! Mais d’où nous vient cette pratique ? Comment a-t-on réussit à nous convaincre de procéder ainsi ? Sans vouloir imaginer le complot partout, j’imagine quand même que notre héritage de jardinier vient bien de quelque part. Qu’en pensez-vous ?  Croyez-vous que nos méthodes de jardinages sont le résultat du travail du marketing des industriels de la chimie ?



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Un peu de théorie

Rôle agronomique n°2 : la structuration des sols

L’activité incessante de la pédofaune, qu’il s’agisse des détritivores évoqués dans l’article précédent ou de leurs nombreux prédateurs (insectes, araignées, acariens, « mille pattes » de l’ordre des chilopodes, petits mammifères…) a un impact fondamental sur l’organisation du sol. La grande majorité de ces organismes vivant en surface, celle ci se retrouve fortement aérée par le brassage permanent effectué notamment par les petits animaux (vers, collemboles, acariens, insectes, « mille pattes »…). d’autres animaux circulent entre la surface et les profondeurs du sol, ils sont donc responsable de création de tout un réseau de galerie qui aère le sol sur toute sa profondeur et facilite l’infiltration des eaux de pluie, il s’agit surtout des vers de terre, des fourmis, des termites (surtout en milieu tropical), et des mammifères terricoles.

Observez la structure de ce sol forestier : la rondeur de ses agrégats, surtout dans la partie supérieure (la plus sombre) indique leur origine biologique.
Vu depuis la surface, un sol vivant présente de très nombreux pores en surface qui assurent une bonne infiltration de l’eau de pluie ou d’irrigation.

Les champignons ont également un impact majeur sur la structure du sol, en effet leur mycélium forme un réseau dense de filaments qui emprisonne des particules de terre, favorisant et stabilisant ainsi une structure aérée. De plus, ils sécrètent souvent des composés collant ont un rôle majeur dans la stabilisation de la structure du sol. C’est notamment le cas des champignons mycorhiziens, qui vivent symbiose avec les végétaux (lire l’article qui leur est consacré) et qui sécrètent une molécule appelée glomaline, reconnue comme responsable en grande partie de la stabilité de la structure des sols.

agrégat de terre « emprisonné » et stabilisé par le mycélium blanc bien visible sur la photo

Une structure aérée et stable couplée à tout un réseau de galerie est une caractéristique essentielle d’un sol fertile. En effet, l’aération de surface et les galeries facilitent l’infiltration de l’eau et donc l’alimentation hydrique des cultures, ceci a pour conséquences, non seulement de réduire la nécessité d’irriguer, mais aussi de diminuer le ruissellement de surface et donc la sensibilité du sol à l’érosion ! De plus la stabilité de la structure en surface évite la formation de croûte de battance sous l’effet des pluies violentes et de l’irrigation, ce qui, là encore, est favorable à la réduction du ruissellement. L’aération du sol facilite également la circulation de l’air et donc de l’oxygène, ce qui est favorable à la bonne santé des racines de végétaux, racine dont le développement est aussi plus facile dans un sol aéré !

Une belle structure « forestière » au potager, c’est possible! La preuve!

L’agriculture moderne a cherché à remplacer le travail de ses organismes par le travail de l’outil, mais les résultats sont souvent contraire aux attentes, car les tracteurs et les labours profonds compactent les sols en profondeur et l’aèrent à excès en surface, ce qui provoque une perte de matière de matière organique, une forte évaporation de l’eau, la mort de nombreux organismes du sol et une structure de moins en moins stable, donc de plus en plus sensible à l’érosion (hydrique et éolienne), à la battance et de moins en moins capable d’infiltrer l’eau et de porter des cultures en bonne santé. Le travail structurant des organismes du sol est irremplaçable !

Sol dégradé par un travail du sol inadapté : la partie inférieure (claire et compacte) est une semelle de labour, alors que l’horizon supérieur est structuré uniquement mécaniquement et présente des agrégats anguleux et instables
L’impact des gouttes de pluies sur un sol à la structure instable créé une croûte superficielle dite de battance. L’eau pénètre mal à travers cette croûte et tend à ruisseler voire à provoquer de l’érosion. Un sol structuré biologiquement est moins sensible à ce type de problème qu’un sol structuré mécaniquement et pauvre en activité biologique.
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Un peu de théorie

Rôle agronomique n°1 : La transformation des matières organiques

Les végétaux injectent dans le sol toutes sortes de matière organiques par l’intermédiaire de nombreux processus : mort des parties aériennes (feuilles, tiges, branches…), mort des racines, exsudats racinaires… Ces matières organiques sont alors consommés par différents organismes. Voyons cela plus en détail en nous intéressant à tous ces composés du plus facile à consommer jusqu’aux plus difficiles :

– Les composés les plus facilement consommables par la vie des sols sont sans conteste les exsudats racinaires qui sont essentiellement des sucres que la plante libère dans la rhizosphère (le sol qui est au voisinage immédiat des racines vivantes). C’est ainsi que les exsudats racinaires et la mort pluriannuelle des racines les plus fines font surtout vivre des populations de bactéries, mais aussi de champignons, protozoaires, nématodes

– Les tissus tendres, comme les feuilles, les tiges tendres, ou encore les racines fines si elles sont également consommées par des bactéries, nourrissent aussi certains champignons et des petits animaux spécialisés, comme les collemboles, certains insectes, ou encore les vers de terre.

Collembole © Ph. Lebeaux http://www.lafaunedusol.com
Collembole © Ph. Lebeaux http://www.lafaunedusol.com

– Quant aux tissus ligneux, les plus durs, ils nécessitent l’intervention d’animaux aux pièces buccales suffisamment puissantes tels que certains acariens, des petits crustacés (cloportes), certains « mille pattes » (diplopodes) ou encore les larves de certains insectes, comme les termites. Tous ces animaux facilitent la colonisation des matières organiques par des champignons spécialisés (pourritures blanches, pourritures brunes et pourritures molles).

Un diplopode s'affairant sur du bois en décomposition. © Ph. Lebeaux http://www.lafaunedusol.com
Un diplopode s’affairant sur du bois en décomposition. © Ph. Lebeaux http://www.lafaunedusol.com
Les champignons de pourriture brune (ou cubique) consomment la cellulose contenue dans le bois qu'ils transforment en de petits cubes marrons et cassants

Les animaux (pédofaune et animaux de « surface ») fournissent également des apports significatifs de matière organique au sol, bien qu’en bien moins grande quantité que les végétaux, du fait de leurs déjections et de leurs cadavres. Ces composés sont alors consommées par des bactéries surtout, mais aussi des champignons, des insectes, des vers…

Tous ces organismes, appelés « détritivores » ou « saprotrophes » sont responsables de la transformation des résidus de culture, des feuilles tombées au sol, des fumiers… Leur présence assure donc la transformation de ces amendements, ce qui produit deux processus opposés :

  • un qui détruit ces composés organiques pour les transformer en éléments simples (nutriments, eau, gaz carbonique…) qui est appelé minéralisation, surtout dues à l’activité des bactéries ;
  • un autre qui les complexifie pour générer les humus qui nécessite en particulier l’action de champignons sur les tissus ligneux

Ces deux processus conduisent respectivement à la libération de nutriments dans le milieu environnant, et donc à la nutrition minérale des plantes, et à la structuration du sol, ce qui lie directement la transformation des matières organiques aux deux autres grands rôles agronomiques.

Dans le prochain article, je vous parlerai de la structuration du sol par nos amis !

.Les photos de la faune du sol présentées dans cet article proviennent du site de Philippe Lebeaux : www.lafaunedusol.com, dont je vous recommande vivement la visite !

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Lecture d'ouvrage

« Collaborez avec les bactéries et autres micro-organismes du sol » de J. Lowenfield et W. Lewis


En ce mois de janvier, j’ai envie de proposer une nouvelle forme d’article sur ce blog, en l’occurrence des lectures d’ouvrage et pour commencer le bal, je vous propose un très bon livre paru aux éditions du Rouergue en 2008 : « Collaborer avec les bactéries et autres microorganismes » par Jeff Lowenfield et Wayne Lewis et traduit de l’anglais par Jean René Dastugues. Le sous titre nous met d’ailleurs bien dans l’ambiance de ce livre passionnant : « Guide du réseau alimentaire du sol à destination des jardiniers ». Oh bien sûr, je ne suis pas à 100% d’accord avec les auteurs, loin de là, mais leur approche de la biologie des sols et leur manière de l’appliquer au jardinage m’apparaît très pertinente sur beaucoup de points. En plus de cela, je trouve le livre bien écrit et agréable à lire malgré le peu d’illustration et l’absence de second niveau de lecture.

Le contenu de l’ouvrage

Sa structure est formée d’une première partie consacrée à la description du sol, essentiellement sous l’angle de la biologie et d’une seconde à la description de pratiques de jardinage censées respecter et tirer partie de cette vie.

  • Première partie : La science de base

Cette première moitié de l’ouvrage est un véritable traité de pédologie, et plus particulièrement de pédobiologie, à destination d’un large public de jardinier pas forcément spécialiste en la matière. Pour autant, même des professionnels ont de quoi y trouver des informations utiles et des connaissances nouvelles en la matière.

Les auteurs entament l’ouvrage en jetant les bases de leur réflexion : les réseaux alimentaires du sol rassemblent des milliards d’organismes dans la moindre cuillère à café  de terre, en particuliers des bactéries et des champignons, mais aussi pléthore d’organismes unicellulaires, comme les algues et surtout les protozoaires et quelques animaux de plus grande taille, dont certains visibles à l’œil nu. Tous ces organismes interagissent et sont tous totalement dépendant de l’action des végétaux qui nourrissent ce petit monde via des exsudats racinaires au niveau de la rhizosphère, cette mince pellicule qui entoure les racines vivantes et qui est extrêmement riche en vie microbienne. Et cette vie microbienne en retour a divers effets positifs directement ou indirectement pour la plante : amélioration de la structure du sol, libération de nutriments, maîtrise des pathogènes, gestion de l’azote. Ce dernier point retient particulièrement l’attention des auteurs  qui mettent en parallèle la forme d’azote majoritaire (nitrates versus ammonium) avec les microbes dominants du système (bactéries vs champignons).

Forts de cette introduction, ils consacrent tout un chapitre à la description physico chimique des sols incluant les mécanismes de la pédogenèse, la texture, la structure…

S’en suivent une soixantaine de pages passionnantes consacrées à la description des différents habitants de nos sols en passant successivement en revue les bactéries, les champignons, les algues, les moisissures visqueuses (myxomycètes), les protozoaires, les nématodes, les arthropodes, les vers de terre, les gastéropodes, et les vertébrés. Impossible ici de résumé ces pages si denses en information. Je puis juste vous dire qu’elles justifient à elles seule la lecture de l’ouvrage, même si, comme c’est mon cas, vous avez déjà de bonnes bases en biologie des sols !

  • Seconde partie : Appliquer la science du réseau alimentaire du sol à l’entretien du jardin

Les auteurs basent leur approche sur la bipolarité évoquée en introduction : Bactéries/champignons et nitrates/ammonium. Dans la nature les écosystèmes pionnier, dominés par les herbacées portent des végétaux qui préfèrent les sols à dominante bactérienne et où l’azote se trouve majoritairement sous forme de nitrates. A l’inverses les écosystèmes très matures, de type forêt primaire portent des végétaux qui préfèrent les sols à dominante fongique où l’azote se trouve majoritairement sous forme ammoniacale. Ceci appliqué au jardin indique par exemple que les annuelles et les légumes préfèrent un ratio champignons/Bactéries (C/B) inférieur à 1, les arbres fruitiers un ratio de l’ordre de 10 à 50, alors que les conifères recherchent un ratio allant de 50 à 1000 suivant les espèces !

Une fois que vous avez fait connaissance avec les réseaux alimentaires de votre sol, il faut mettre en œuvre les techniques qui permettent de jardiner avec ce réseau et non contre lui en le détruisant à par le travail du sol, les engrais chimiques ou les pesticides. Pour cela les auteurs proposent trois outils : le compost, le mulch et les jus de compost.

Le compost, dont ils détaillent les processus de fabrication est vanté pour la quantité de micro-organismes qu’il contient et préconisé justement pour ensemencer le sol en ces organismes.

Le mulch est prescrit non seulement pour limiter l’évaporation et la pousse des herbes ou réguler la température du sol, mais aussi et surtout pout nourrir et abriter la vie du sol. Du coup, le choix de tel ou tel paillis influence le développement de tel ou tel organisme donc permet d’orienter vers des populations à dominante bactériennes ou fongiques suivant le type de culture pratiqué. C’est ainsi que les paillis « vert » (tontes de gazon par exemple) sont plutôt « bactériens » alors que les paillis « brun » (BRF, feuilles mortes…) sont plutôt « fongiques ». L’humidité du paillis entre aussi en ligne compte, puisque plus le paillis est humide plus est « bactérien ».

Les jus de compost sont en quelque sorte des concentrés d’organismes du compost et peuvent être utilisés aussi bien en pulvérisation sur les feuilles qu’en arrosage. L’objectif est ici d’amener les microorganismes bénéfiques le plus rapidement possible là où ils sont utiles. Ces jus sont élaborés à partir de compost ou de lombricompost mis à infuser dans une eau constamment brassés pendant plusieurs jours pour rester en aérobiose. Le jus est ensuite à appliquer dans les 3 jours qui suivent sont élaboration. Le non composteur que je suis a bien noté la petite phrase discrète qui dit que le compost peut être remplacé par des turricules de vers de terre.

Les derniers chapitres du livres sont ensuite des focalisations sur des applications des ces trois outils à la pelouse, dans un premier temps, puis aux vivaces, arbres et arbustes et enfin aux légumes et plantes annuelles.

Mon point de vue sur l’ouvrage

Tout d’abord au niveau des pratiques, j’apprécie beaucoup l’état d’esprit du travail de ces auteurs et dans lequel je me retrouve totalement. En effet, on est ici totalement dans le jardinage sol vivant avec un désir de compréhension des mécanismes biologiques à l’œuvre dans le sol et la mise en œuvre de techniques qui se basent sur la vie du sol pour cultiver des végétaux. En plus leur approche de ce type de jardinage est basée sur un formidable exposé sur la biologie des sols. Toutefois, au niveau des techniques proposées, même ce qu’ils proposent est intéressant je trouve l’exposé incomplet, la thématique couverts végétaux / engrais verts notamment est la grande absente de cet ouvrage.

Le point focal du livre est la bipolarité bactéries/champignons. Que faut-il en penser ? Je reconnais qu’elle m’apporte plus de questions que de réponses, ce qui est en soi très positif ! En effet, dans mon expérience personnelle du potager, je remarque que les techniques qui ont permis de basculer vers un potager productif sont des techniques de paillages cellulosiques qui ont probablement été favorables aux bactéries et ont donc été plus favorable aux légumes annuels que ne l’était le seul BRF. Alors qu’à quelques mètres de là, ce même BRF faisait merveille sur des arbres fruitiers. Toutefois, de nombreuses expériences montrent un apport très positif du BRF sur les légumes, observation difficiles à accorder au cadre théorique proposé dans l’ouvrage.

Toujours par rapport à cette bipolarité et les deux autres qui y sont rattachées : nitrates/ammonium et plantes annuelles/arbres, il est vraisemblable que le modèle soit très simplifié par rapport à ce qu’il est dans la nature où les limites me semblent beaucoup plus floues que ce qui est décrit ici. Sujet fort intéressant que je dois m’efforcer de creuser dans les semaines et les mois qui viennent !

En conlusion, je trouve que c’est un livre qui, malgré les limites probables de son approche, est un ouvrage de référence pour le jardinier « Sol Vivant ». En effet, la qualité de ses exposés sur la vie du sol et la proposition d’un modèle pour domestiquer les réseaux alimentaires du sol, enrichissent grandement nos réflexions sur ces sujets ! Je trouve que c’est un ouvrage à lire absolument !

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En bonus : l’annexe 1 du livre

En guise de résumé de la seconde partie et de guide pour mieux comprendre la démarche des auteurs, voici l’annexe où sont listés les 20 principes « du jardinage avec le réseau alimentaire du sol » :

1. Certaines plantes préfèrent les sols dominés par les champignons, d’autres préfères ceux dominés par les bactéries.

2. La plupart des légumes, plantes annuelles et plantes grasses préfèrent avoir leur azote sous forme de nitrates et se portent mieux dans les sols à dominante bactérienne.

3. La plupart des arbres, arbustes, et plantes vivaces préfèrent avoir leur azote sous forme ammoniacale et se portent mieux dans les sols à dominante fongique.

4. Le compost peut être employé pour inoculer les microorganismes bénéfiques à la vie des sols de votre jardin et introduire, entretenir ou modifier le réseau alimentaire du sol.

5. Répandre du compost avec son réseau alimentaire du sol à la surface du sol va inoculer à ce dernier le même réseau alimentaire.

6. Les matériaux organiques bruns ou fanés soutiennent les champignons ; les matériaux organiques frais et verts soutiennent les bactéries.

7. Le paillis répandu en surface a tendance à être favorable aux champignons ; le paillis incorporé superficiellement a tendance à être favorable aux bactéries.

8. Si vous mouillez et broyez complètement le paillis, cela accélère la colonisation par les bactéries.

9. Les paillis plus grossiers et secs sont favorables à l’activité fongique.

10. Les sucres aident les bactéries à se multiplier et grandir ; les algues, les acides fulviques et humiques et la poussière de phosphate aident les champignons à pousser.

11. En choisissant votre compost au départ et les nutriments que vous allez y ajouter, vous pouvez faire des jus soit fongiques, soit bactériens, ou bien équilibrés.

12. Les jus de compost sont très sensibles à la présence de chlore et de conservateurs dans l’eau de brassage et dans les ingrédients.

13. L’utilisation industriels tue tout ou partie des microorganismes du sol.

14. N’utilisez pas d’additifs ayant de fort taux de NPK.

15. Après une vaporisation ou un arrosage du sol avec des produits chimiques, appliquez toujours du jus de compost

16. La plupart des conifères et des arbres à bois durs forment des symbioses avec des champignons EcM.

17. La plupart des légumes, des plantes annuelles, des plantes grasses, des arbustes, des arbres à bois tendre et des plantes vivaces forment des mycorhizes avec des champignons MA.

18. Le fait de retourner le sol et de déranger de manière excessive détruit ou endommage gravement le réseau alimentaire du sol.

19. Mélangez toujours des champignons MA avec les graines des plantes annuelles et des légumes au moment de les planter ou appliquez-en sur les racines au moment du repiquage.

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Un peu de théorie

Les mycorhizes : quand végétaux et champignons s’associent pour le meilleur !

Ce soir, j’ai envie de vous parler d’un sujet qui me tient particulièrement à cœur et qui n’est pas encore très connu du monde des jardiniers amateurs. Il s’agit de la symbiose entre les racines d’une plante et un champignon : la mycorhization. Depuis 2006 je me passionne pour ce sujet qui n’a pas finit de m’étonner et de me fasciner. J’en avais d’ailleurs fait le sujet de mon intervention lors du colloque BRF de Lyon en février 2007. Mais sans plus tarder entrons dans le vif du sujet !

Les mycorhizes dans l’histoire du vivant

L’histoire des mycorhizes débute il y a plus de 450 millions d’années, au Dévonien. Il semblerait que la symbiose mycorhizienne ait été indispensable à la colonisation des continents par les végétaux ! A cette époque il s’agissait de la symbiose entre des champignons archaïques, les gloméromycètes, formant des mycorhizes dites arbusculaires (MA) ou endomycorhizes (j’y reviendrai) et des végétaux également archaïques, de l’embranchement des bryophytes (mousses…). Plus tard ces champignons s’associèrent successivement à des fougères et des prêles puis aux premiers conifères à la fin de l’ère primaire. A cette époque la végétation était encore cantonnée aux terres alluviales meubles, le restant des surfaces continentales étant encore le domaine réservé des lichens.

Les fructifications au premier plan appartiennent à un champignons ectomycorhizien qui vit en symbiose avec le pin maritime en arrière plan.

Puis l’évolution du vivant suivant son cours, une nouvelle symbiose apparu : les ectomycorhizes (EcM) au système enzymatique beaucoup plus puissant que les premières. De nombreux gymnospermes (conifères) s’adaptèrent à cette nouvelle symbiose pour aller conquérir les les surfaces continentales non alluviales, alors rocheuses et dépourvues de végétation.

A la fin de l’ère secondaire apparurent les premières plantes à fleurs (Angiospermes) qui durent elles aussi choisir entre EcM (cas des chênes, hêtres, bouleaux, noisetiers…) et MA (cas des plantes herbacées, des érables, frênes… et de tous les arbres tropicaux). Certaines toutefois n’ont jamais choisit et forment les deux symbioses (cas des peupliers par exemple), d’autres en ont inventé une autre (cas de certaines éricacées – myrtilles, rhododendrons -, des orchidées…), et enfin certaines se sont purement et simplement affranchit de la symbiose mycorhizienne et n’ont jamais besoin d’un champignon symbiotique (cas des Brassicacées et des Chénopodiacées).

Actuellement, les « vielles » MA concernent encore 85% des espèces végétales ! Malgré son grand âge, cette symbiose reste une des plus grandes réussites du vivant ! Les EcM concernent seulement 5 % des végétaux mais occupent de grandes surfaces dans les forêts tempérées et surtout boréales.

Les mycorhizes au jardin

Au potager, il existe toute une diversité depuis des plantes très dépendantes de la mycorhization (légumineuses, carottes…) jusqu’à des plantes non mycorhiziennes. Ces dernières sont surtout les Brassicacées (choux, navets, radis, moutarde…) et les Chénopodiacées (épinards, betteraves, blettes, quinoa…). Toutes les plantes mycorhiziennes du potager forment des MA.

Les arbres fruitiers sont pour la plupart endomycoriziens (MA) (pommiers, poiriers, pruniers, cerisiers, noyers…). Quelques uns toutefois forment des EcM, comme les noisetiers et les châtaigniers.

Parmi les plantes d’ornements, si la plupart des herbacées sont endomycorhiziennes (MA), c’est plus partagé en ce qui concerne les ligneux. Par exemples, érables, frênes et ifs sont endomycorhiziens, alors que chênes, pins et tilleuls forment des EcM.

Des mycorhizes pourquoi faire ?

Quels est donc l’intérêt pour ces végétaux de former une symbiose avec un champignon ? Dans ce qui suit, je vais surtout m’attarder sur les MA qui sont les plus fréquentes au jardin, mais tout ceci est en grande partie vrai pour les EcM.

Le premier avantage du mycélium des champignons est d’être beaucoup plus fin que les racines. Du coup il peut aller chercher de l’eau et des nutriments dans des pores extrêmement petits, multipliant ainsi par au moins 10 le volume de sol exploré par la racine ! Il est de plus très performant pour mobiliser des nutriments très peu mobiles comme le phosphore et le zinc. Il représente donc une aide souvent indispensable pour permettre à la plante d’accéder à ces éléments.

Les champignons MA aident aussi la plante à lutter contre ses adversaires, qu’il s’agisse de champignons parasites ou même d’insectes herbivores !

Et comme si cela ne suffisait pas, les gloméromycètes (groupe auquel appartiennent tous les champignons MA) produise une substance appelée glomaline qui structure le sol alentour, le rendant ainsi plus favorable au développement de la végétation.

En d’autres termes le champignon mycorhizien sert à la plante à la fois de mineur, de traiteur, de médecin, de vigile et d’ingénieur en aménagement du territoire… qui dit mieux ?

En juste retour de ces services, les plantes, en bonnes cuisinières écolo (elles fonctionnent à l’énergie solaire), nourrissent leur partenaire fongique avec des sucres élaborés avec soin lors de la photosynthèse.

Comment cultiver avec les mycorhizes ?

 

Pour bien comprendre comment les utiliser avec profit au jardin, voyons d’abord ce qui perturbe le développement voire la survie de ces champignons :

  • En premier lieu les engrais phosphatés, en effet, un des principaux apports du champignons mycorhizien est de fournir du phosphore à la plante. Si le sol en est saturé, la plante n’a aucune difficulté à aller chercher cet élément et ne prend donc plus la peine de nourrir ses mycorhizes qui disparaissent peu à peu. Notez que cela est vrai que les engrais soit synthétiques ou organiques !
  • Le travail du sol qui brise le mycélium et enfoui les spores dans des zones peu favorable à leur développement.
  • La monoculture de plantes non mycorhiziennes (colza, moutardes, betteraves, choux, épinards, mais aussi lupins…) qui, surtout si elles sont trop bien désherbées, coupent les champignons mycorhiziens de leur source de carbone.
  • Les pesticides et en particuliers les fongicides, même si la plupart de ces produits ne tuent pas directement les champignons mycorhiziens, leur usage est d’un effet négatif marqué sur les populations.

Les pratiques qui sont favorables au bon développement de ces champignons et donc à leur actions bénéfiques sur vos cultures sont donc :

  • une fertilisation phosphorée très réduite ;
  • un travail du sol minimal, voire nul ;
  • une couverture du sol pendant des périodes aussi longues que possible avec des végétaux vivant (couverts végétaux) comprenant une proportion importante de plantes mycorhiziennes : par exemple en mélangeant à vos engrais vert de moutarde avec une légumineuse (fèverole, vesce, pois, fénugrec…) ;
  • un mode de culture sans pesticides ;
  • il est également possible d’inoculer vos plantes avec des spores de champignons mycorhiziens du commerce, vous trouverez par exemple des inoculum endomycorhiziens (MA) sur le site solvivant.fr.

Voilà donc un outil majeur de compréhension du système sol-plante directement applicable à votre pratique du jardinage sol vivant ! Je vous invite à laisser vos commentaire ci dessous pour me poser toute question, remarque, témoignage relative à ces merveilleux champignons ! A tout de suite !