Suite à une question posée par un de nos lecteurs communs à propos de la gestion des vergers avec paillage et enherbement, Yann Labuche, du site Terre d Humus, a écrit une réponse fort complète. J’ai eu envie de vous partager ici sa réflexion approfondie de la question et de la soumettre à vos réactions ! Ses idées n’ont pour l’instant pas été mises en pratiques, il les tient de lecture d’essais du GRAB (Groupe de Recherche en Agriculture Biologique), d’échanges avec des arboriculteurs, et d’observations sur son mini verger (2 pommiers, 1 mini poirier, 1 abricotier, 1 pêcher, …..). Les points soulevés concernent la gestion de l’eau, l’enherbement et l’utilisation de BRF. Voici les réflexions de Yann :
La gestion de l’eau et les paillages
Le risque de manque d’eau est en partie lié à la nature du porte greffe : Porte greffe faible = enracinement superficiel = pas d’autonomie de l’arbre en eau = Paillage indispensable
Il convient de rechercher la nature des portes greffes pour chacun des arbres. Pour simplifier les arbres sont vendus soit comme basse tige (mise à fruit rapide, arbre de petit développement, enracinement superficiel), soit comme plein vent (mise à fruit lente, arbre vigoureux, 5 à 8 m de haut pour le pommier, enracinement puissant, arbre autonome en eau, pas besoin de paillage après les 2 premières années) soit comme demi-tige (porte greffe M106 pour le pommier par exemple), au comportement intermédiaire.
L’enherbement
Il faut distinguer d’une part l’enherbement au pied de l’arbre et dans un rayon correspondant à celui exploré par les racines, et d’autre part l’enherbement entre les rangs d’arbres.
– Celui entre les rangs d’arbres est à laisser selon moi pousser naturellement. Entretien par rolofaca ou rouleau à gazon (en béton bien lourd) quand il y a besoin d’accéder pour la récolte ou autre.
L’enherbement naturel est plus varié à terme que n’importe quel mélange artificiel et est parfaitement adapté au terrain. Il attire une faune auxiliaire précieuse (prédateurs des pucerons par exemple, et de l’ennemi public N°1 du pommier, le carpocapse)
Peut-être une seule fauche par an ou tous les deux ans pour éviter que des arbres semés par les oiseaux ne s’installent dans le verger (prunellier, ronces, aubépines, suivant la flore alentour)
– Celui au pied des arbres :
Porte greffe faible : ces arbres sont peu adaptés pour faire face à la concurrence de l’herbe et pour être autonome vis-à-vis de l’eau. Donc Pailler en permanence, varier les apports BRF paille gazon, feuilles. Attention à ne pas mettre trop épais, car les racines remonteraient et l’arbre risque de se déchausser. Je n’ai pas d’expérience sur la question pour donner un chiffre précis d’épaisseur. Je partirais sur 7 cm maxi de BRF ou la fauche de 5 à 10 fois la surface à pailler.
Il est primordial de faire des apports annuels pour maintenir constante l’épaisseur du paillage. Faute de quoi les racines qui malgré tout ont tendance à remonter se retrouveraient exposées au manque d’eau en période de sécheresse.
Porte greffe fort ou intermédiaire : je ne pense pas que l’enherbement concurrence les arbres, une fois ceux-ci installés, mais à la condition donc que le porte-greffe soit demi-tige ou plein vent.
Quant à la fauche, elle risque de créer une concurrence, en stimulant la repousse des graminées, gourmandes en eau et en azote.
Cela dit, les deux ou 3 premières années de l’installation de l’arbre, un paillage des arbres sur porte greffe fort ou intermédiaire est utile pour permettre à l’arbre de s’implanter et limiter la concurrence des herbes spontanées.
Il me semble utile au pied des arbres de favoriser la présence de légumineuses, qui limitent l’alternance : luzerne, trèfle blanc…
Mais je pense que des plantes avec des enracinements profonds comme la luzerne peuvent augmenter la pénétration de l’eau dans le sol. Je mettrais luzerne avec plein d’autres plantes car la luzerne seule risque d’amener trop d’azote et de maladies.
Attention : la zone explorée par les racines va souvent au delà de ce que l’on imagine et peut dépasser cinq mètres pour les arbres adultes demi-tiges, soit au minimum l’aplomb de la couronne, là où l’eau ruisselle pendant la pluie, tandis que le dessous de l’arbre est sec…..
Les BRF
Ils peuvent être utilisés pour enrichir la terre en humus. Les mettre en couche fine (1cm max en concentrant sur une couronne de deux mètres de large, là où sont les racines.). Faire un apport annuel ou tous les deux ans, pour augmenter en douceur le taux d’humus du sol.
…… et il est possible d’expérimenter s’il y a hésitation entre plusieurs approches. Faites un arbre d’une manière, un arbre de l’autre et observer. C’est ainsi par l’essai et l’observation que l’on apprend.
La vérité est dans les feuilles des arbres, pas dans celles des livres, dit un proverbe zen…