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Un peu de théorie

Les trois piliers de l’aggradation d’un sol

Petit avant-propos

Cet article fait l’objet d’un événement inter-jardiniers organisé par Yannick du blog Au potager bio. Il souhaite réaliser un e-book sur les différentes méthodes d’enrichir la terre pendant l’hiver. Tout le monde peut y participer, que vous soyez amateur, professionnel, possédant un blog ou non. Vous trouverez tous les renseignements directement sur le site page événement inter-jardiniers.

J’ai bien sûr répondu avec joie à cette invitation de Yannick. Le seul petit soucis que j’ai eu est que ce sujet a été largement évoqué dans mon article du Biocontact de ce mois-ci. Cela dit, cet article me permet d’insister sur les trois piliers de la gestion de la fertilité du sol d’une autre manière que dans l’article en question et de plus focaliser sur les applications au jardin de ces principes. J’y ai aussi inséré des liens qui permettrons aux nouveaux venus (particulièrement nombreux ce mois-ci, Biocontact oblige) d’être guidés dans la découverte de ce blog. Bonne lecture !

Enrichir son sol… Très intéressant bien sûr ! Mais qu’est ce qu’un sol riche exactement, que doit-il contenir? Cette question pourrait nous amener très loin dans des considérations sur les propriétés physiques et chimiques du sol (porosité, densité apparente, azote, Eh, pH, matières organiques, CEC, phosphore, oligo-éléments…). Je ne vais pas entrer ici dans de telles considérations théoriques. Je vous propose simplement d’aborder le sol comme un ensemble de matières minérales, de matières organiques et d’êtres vivants.

le sol est un ensemble de matières minérales, de matières organiques et d’êtres vivants.

Mon approche propose de prendre les matières minérale comme elles sont sans chercher à agir dessus par des chaulages, apports de sable, argiles… mais par contre à agir fortement sur les matières organiques et les êtres vivants, afin de favoriser ce que le Pr Lemieux avait appelé l’aggradation des sols (contraire de dégradation). Les trois piliers de mon approche sont la suppression du travail du sol, l’amendement organique et la production de biomasse, voyons cela de plus près :

Supprimer le travail du sol

Avant de penser à l’enrichir, il faudrait peut être penser à ne pas l’appauvrir !

Comment appauvrit-on un sol ? Simplement en introduisant des pratiques qui génèrent la perte de matière organique par minéralisation excessive ou par érosion avec pour conséquence par exemple la perte de l’azote du sol par lixiviation des nitrates.

Ces pratiques destructrices sont essentiellement liées au travail du sol donc le premier point à bien comprendre avant de penser à enrichir est de réduire le travail du sol et si possible le supprimer, surtout à des périodes où la MO est fortement minéralisée, comme à l’automne.

Amener des amendements organiques

A présent que cela est posé, intéressons nous enfin à comment l’enrichir. La première solution, celle à laquelle la plupart des jardiniers pensent en premier est l’amendement, en l’occurence l’amendement organique avec des produits tels que fumiers, composts, BRF…

En ce qui me concerne, j’ai une nette préférence pour les amendement d’origine végétale, faciles à trouver dans la plupart des jardins, et utilisés frais, sans compostage préalable. Pour mieux comprendre ce point de vue, je vous invite à (re)découvrir mes articles sur le compost ou les flux d’énergie au jardin. Il peut s’agir aussi bien d’amendement d’origine herbacés, tels que le foin ou la paille, ou ligneux, tel que le BRF, ou encore les feuilles qui se détachent de mes BREF.

Ces amendements sont simplement déposés sur le sol, en paillis. Les organismes du sol s’en nourrissent et le mélangent à la terre sans que je n’ai rien d’autre à faire que de déposer tout ça en surface.

Amender le sol n’est pas indispensable, mais c’est une aide qui permet d’accélérer fortement l’enrichissement du sol d’un jardin !

Produire de la biomasse

Enfin, le troisième et dernier pilier est la production de biomasse au sein même du jardin. Cela peut certes paraître paradoxal, puisqu’il est bien connu que cultiver des plantes appauvrit le sol ! Or cette affirmation est fausse, ce n’est pas la culture des végétaux qui appauvrit le sol, mais leur récolte ! Si l’on parvient à faire produire à une parcelle beaucoup plus de matière végétale qu’on en récolte, on peut la fertiliser uniquement avec les plantes qui y poussent !

Comment cela ?

Tout simplement en restituant directement au sol toutes les parties non récoltées des plantes cultivées, comme ça, directement sur le sol, même si elles sont malades (ce qui est très souvent le cas pour les cultures en fin de saison). Pour améliorer le retour de matière organique au sol, je vous invite à choisir des plantes qui produisent le plus possible de biomasse afin d’apporter le plus possible de matières organiques au sol !

Toutefois, certaines cultures, par nature, restituent très de peu de matières organiques au sol: il s’agit des légumes racines (carottes, pommes de terre, betteraves…) et des légumes feuilles (épinard, poireaux, salades…). Il n’est donc pas possible de compter seulement sur les apports de cultures pour enrichir le sol, le recours à une autre méthode est donc indispensable…

Cette autre méthode, tout aussi importante, est de mettre en place des couverts végétaux (alias engrais verts) dès qu’une planche se libère et qu’on ne la recultive pas tout de suite ! Ces couverts permettent non seulement de produire de la matière organique en fixant du carbone issus du CO2 atmosphérique et de l’énergie solaire, mais aussi de fixer de l’azote issus de l’air (si le couvert contient des légumineuses), d’attirer des pollinisateur grâces aux fleurs, de concurrencer l’enherbement…

En plus un autre avantage de fertiliser avec les plantes que l’on fait pousser sur place est qu’elle participent à structurer le sol grâce à l’action mécanique de leurs racines et de l’enrichir grâce à la rhizodéposition. D’ailleurs à ce sujet le récent et excellent livre de Guylaine Goulfier « La révolution au Potager » est un des rares, voire le seul livre grand public sur le jardinage à mettre en avant l’importance de ce phénomène. Je me permet de vous le recommander.

Donc au final, c’est plutôt simple d’enrichir un sol : il suffit de ne pas le travailler, de l’amender et de le cultiver en permanence que ce soit avec des cultures destinées à être récoltées ou des couverts végétaux cultivés uniquement dans des buts d’améliorer la fertilité du sol !

Et vous comment enrichissez vous votre sol ?
Retrouvez l’ensemble de ce carnaval d’article ici : http://au-potager-bio.com/resume-de-levenement-enrichir-sa-terre/


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Les flux d’énergie de la plante vers le sol

Il y a un an, je vous avais proposé un article sur les flux d’énergie dans les écosystèmes et ses applications pratiques au jardin. Je vous propose aujourd’hui de revisiter ce thème. En nous intéressant surtout à la transmission d’énergie sous forme biochimique de la plante vers le sol.

Pour rappel les végétaux fixent l’énergie solaire qu’il transforment en énergie (bio)chimique, c’est-à-dire l’énergie qui assure la cohésion des molécules organiques qui composent la plante. Cette énergie est ensuite captée par les chaînes alimentaires du sol et progressivement dégradée sous forme de chaleur par les animaux, bactéries et champignons notamment. Mais comment précisément l’énergie biochimique des végétaux est-elle transmise à ces chaînes alimentaires ?

Le premier phénomène qui vient à l’esprit est le broutage par les herbivores, qu’il s’agisse de vache, de chenilles, de pucerons, ou de nématodes. Toutefois, ce flux lié aux herbivores est le plus souvent très faible comparés à ceux qui sont exposés ci-dessous. Nous considérerons donc que la quasi-totalité de l’énergie libérée par les végétaux dans l’écosystème l’est via la vie du sol.

Pour cela trois phénomènes sont à l’action :

  • La litière de surface : les parties aériennes des végétaux (feuilles, tiges, fleurs, fruits) se déposent sur le sol soit après la mort de ces organes, soit suite à une perturbation (vent, grêle, récolte…) et forment une litière, comme par exemple la litière forestière, ce tapis de feuilles et de brindilles qui recouvrent les sols forestiers. C’est dans cette litière que vivent la plupart des champignons et animaux qui se nourrissent de végétaux en décomposition : collemboles, acariens, iules, cloportes, vers de surfaces…
  • La litière souterraine : plus discrète mais pourtant à peu près aussi importante que la première, cette litière reçoit les racines mortes qui se décomposent dans le sol.
  • La rhizodéposition : encore plus discret et trop peu connu, ce phénomène consiste en la sécrétion de composés organiques (exsudats, cellules détachées…) directement dans le sol par les racines vivantes des plantes. Cela nourrit les micro-organismes de la rhizosphère, cette mince couche de sol qui colle aux racines : bactéries, protozoaires, nématodes, champignons… La rhizodéposition correspond en général à 20 à 50% du carbone fixé par la plante et monter parfois à 80%, ce phénomène est donc essentiel à la compréhension du système sol-plante.

Comment reproduire ces phénomènes au jardin ?

Du fait des récoltes, une partie non négligeable de l’énergie fixée par les plantes part directement dans nos assiettes, et c’est tant mieux, c’est quand même le but d’un potager ! Il convient donc de veiller à la reproduction de ces trois flux au jardin :

La litière de surface peut être facilement reproduite, soit en apportant un mulch d’origine externe au potager (paille, foin, BRF…), soit en en restituant au sol le maximum de la biomasse qui y a poussé : résidus de cultures, de sarclage et des couverts végétaux.

La litière souterraine se fait plus naturellement, sauf dans le cas des légumes racines, pour lesquels on récolte la majeure partie de ce qui aurait fournit cette litière. Pour les autres légumes, toutefois, pour que la litière souterraine soit restituée dans de bonnes conditions, il convient de ne pas arracher les plants après la récolte, mais seulement de les couper à la base, et de travailler le moins possible la terre ensuite, idéalement pas du tout !

La rhizodéposition, en revanche se fait à partir du moment où une plante (cultivée ou spontanée) pousse dans le sol. Il suffit donc de maximiser le temps de culture du sol en faisant se succéder le plus vite possible les cultures et les couverts végétaux !

Eh oui, c’est la plante qui fait le sol, seules les récoltes l’épuisent, donc plus on a de plantes qui poussent sur un sol et y retournent suivant ces trois processus, plus on construit son sol efficacement ! En Bref, on a plus de temps mort au potager, seulement des temps vivants !