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Un peu de théorie

Les légumineuses par Cloé Paul-Victor (partie 1/2)

J’ai rencontré Cloé, du blog le labo insolite, en septembre dernier à l’occasion d’une formation dans l’Hérault, organisée par Marchés Paysans 34 et Humus Sapiens Pays d’Oc, et dans laquelle nous intervenions tous deux, moi sur la vie des sols et elle sur les légumineuses, justement. Suite à cela je lui ai proposé de vous partager ces connaissance de biologiste sur ce thème avec une série de deux articles dont voici le premier !

Fleur de Luzerne commune.
Fleur de Luzerne commune, une des légumineuses fourragères les plus cultivées !

Un peu d’histoire

Les légumineuses étaient connues depuis longtemps pour leur capacité à restaurer la fertilité d’un sol surtout après une culture mais personne n’avait encore compris le mécanisme de fixation d’azote.

A la fin du 17e siècle déjà, le médecin et naturaliste italien Malpighi avait observé les nodules mais il pensait que c’était des galles (dues en général à des espèces particulières de pucerons).

Il a fallu attendre la fin du 19e siècle pour des découvertes majeures. En effet, deux chimistes allemands Hermann Hellriegel et Hermann Wilfarth découvrirent en 1888 que les nodules sur les racines de légumineuse étaient le siège de la fixation d’azote. L’organisme responsable de ces nodules n’était pas encore bien identifié. Ce fut le botaniste et microbiologiste hollandais Martinus Beijerinck qui isola et cultiva pour la première fois les bactéries des nodules en 1888 également.

Ensuite, au 20e siècle, de plus en plus de genres de bactéries furent identifiées et étudiées    ce qui a donné lieu aujourd’hui à tout un univers de recherche sur lesquels beaucoup de scientifiques travaillent.

Qu’est ce qu’une légumineuse ?

On entend souvent le terme « légumineuse » mais on ne sait pas toujours ce qu’il signifie exactement. Ce terme désigne la famille de plantes Fabacées ou « Fabaceae » en latin.

Cette grande famille comprend à l’heure actuelle 946 genres et plus de 24 000 espèces de plantes allant des formes herbacées à des arbres et même des lianes. On les retrouve dans une grande variété de climats depuis les zones froides jusqu’aux climats tropicaux.

Certaines ont un intérêt alimentaire : soja, lentille, fèves, haricots et pois chiche. D’autres sont utilisées comme fourrage : luzerne et trèfles. Enfin certaines sont utilisées en ornementation : mimosa, glycine…

La fameuse lentille verte du Puy cultivée en Haute Loire.
La fameuse lentille verte du Puy cultivée en Haute Loire.

Elles représentent 25 % de la production mondiale de culture avec 247 millions de tonnes de grains de légumineuses produits par an.

Cette famille de plantes est particulièrement connue pour ses propriétés de fixer l’azote atmosphérique grâce à des nodules racinaires issus d’une symbiose avec une bactérie du sol. Cette symbiose est la plus importante association symbiotique en termes de fixation d’azote avec environ 200 millions de tonnes d’azote produits par an à travers le globe.

Justement qui sont ces bactéries ? Comment fonctionne cette symbiose ?

Des bactéries bien pratiques !

figure 1
Synthèse du principe des nodules

Certaines bactéries sont capables de fixer l’azote atmosphérique. La plupart de ces bactéries vivent librement dans le sol mais certaines forment une association symbiotique avec les plantes. C’est le cas entre les légumineuses (ou Fabacée) et les bactéries de la famille des Rhizobiaceae (rhiza = racine ; bios = vie) dont les genres les plus rencontrés sont Rhizobium, Mesorhizobium, Ensifer, et Bradyrhizobium. Ces bactéries sont capables de métaboliser l’azote atmosphérique (N2) et de le convertir en composés azotés assimilables par la plante (ammoniac NH3) améliorant ainsi sa croissance. En échange la bactérie bénéficie des composés carbonés (nutriments sous forme de sucres : malate) produits par la plante via la photosynthèse et d’un « hébergement ». C’est ce que l’on appelle une relation mutualiste, c’est à dire une relation entre deux espèces dans laquelle les deux organismes tirent profit, appelée également interaction à bénéfices réciproques.

A noter que la symbiose entre les plantes légumineuses et les bactéries Rhizobiaceae n’est pas obligatoire. Les plantes de légumineuses germent et se développent sans Rhizobiaceae et peuvent continuer leur cycle de vie sans aucune association. De même que les bactéries Rhizobiaceae se trouvent dans le sol sous forme libre. C’est surtout en conditions où l’azote vient à manquer que les organismes cherchent à mettre en place une symbiose en activant des signaux spécifiques.

Quels sont les avantages de ces apports azotés produits par les bactéries ?  

L’atmosphère terrestre est composée de 78 % environ de diazote (N2) c’est à dire d’azote sous forme gazeuse. Les plantes ne sont pas en capacité d’utiliser cette forme d’azote alors que l’azote est un nutriment très important. Il rentre en effet dans la composition de tous les acides aminés et les acides nucléiques. L’azote représente ainsi un facteur limitant pour la croissance et le développement des plantes. Le fait que les légumineuses puissent mettre en place cette symbiose leur permet d’acquérir un avantage certain sur les autres espèces végétales.

La disponibilité de l’azote dans les sols étant limitée, l’agriculture moderne s’est tournée vers les fertilisants industriels azotés afin de compenser ce manque.

L’apport des composés azotés sous forme de fertilisants comme les nitrates représentent un coût significatif pour l’agriculteur et ont un impact sur l’environnement. En effet la production de ces fertilisants demande une grande quantité d’énergie fossile non renouvelable et est responsable de rejet de gaz à effet de serre.

La production de composés azotés par les bactéries pour permettre d’augmenter la croissance des plantes légumineuses prend donc tout son sens dans le contexte d’une agriculture durable et respectueuse de l’environnement. De plus, les composés azotés produits par cette symbiose bénéficient non seulement à la plante qui héberge la bactérie mais ils ont aussi un effet positif sur les cultures suivantes. C’est pour cette raison que les Légumineuses font partie des fameux engrais verts !

Quelles bactéries avec quelles plantes ?

Les mécanismes par lesquels les bactéries et les légumineuses choisissent leurs partenaires ne sont pas encore complètement compris à l’heure actuelle. Il existe toute une variété de bactéries Rhizobiaceae et c’est un véritable univers que l’on découvre lorsque l’on commence à s’intéresser à ces bactéries (plus d’une centaine d’espèces identifiées à ce jour). Toutes les bactéries de cette famille ne sont pas compatibles avec toutes les espèces de légumineuses. Cette association légumineuses-bactéries est très spécifiques car chaque souche de bactérie est compatible avec un nombre bien précis de plantes hôtes.

La plupart des légumineuses peuvent être associées à différentes espèces de bactéries même si l’efficacité ne sera pas la même en terme de résultat pour la plante (gain par la fixation d’azote). Certaines associations sont plus « rentables » que d’autres car certaines bactéries fixent plus efficacement que d’autres.

Mais certaines sont beaucoup plus restrictives dans leurs rôles d’hôtes. C’est le cas pour les vesces (genre Vicia), pour les trèfles (genre Trifolium) et surtout pour les plantes du genre Cicer dont la plus connue est le pois chiche (Cicer arietinum).

Floraison du trèfle incarnat.
Floraison du trèfle incarnat.

Cela pose bien sûr quelques difficultés à une légumineuse si elle est introduite dans un nouveau milieu qui n’est pas celui d’origine. Les bactéries normalement présentes dans le sol ne sont ainsi pas disponibles (car absentes) et la plante ne bénéficie pas du tout du gain habituel de fixation d’azote lui permettant une meilleure croissance. Cette situation n’est pourtant pas définitive.

En milieu naturel, suite à l’introduction de légumineuses dans nouvel environnement, certaines bactéries indigènes sont capables d’évoluer et d’acquérir les « outils » nécessaires  pour mettre en place une nouvelle symbiose. Cette plasticité, ou potentiel d’adaptation est dû à l’organisation particulière de leur génome. Cela ne veut pas dire pour autant que l’efficacité de la symbiose en terme de fixation d’azote est au rendez-vous. Seulement que l’association plante-bactérie a pu se mettre en place.

En contexte agricole, il est courant d’utiliser les bactéries pour inoculer des semences (application sur les graines ou directement dans le sol) afin de mettre en place le plus tôt possible la symbiose la plus efficace en termes de rendement. Il faut bien sûr disposer de la bonne variété de bactéries qui s’associent avec la culture mise en place et que les conditions climatiques et pédologiques conviennent aux bactéries inoculées. En général, ces bactéries sont sélectionnées pour être compétitives face aux bactéries indigènes déjà présentes dans le sol. Elles ont tendance à dominer et dans certains cas elles prédominent toujours après 5 voire 15 ans suite à l’inoculation. Elles peuvent rester des années dans le sol même en l’absence de leurs plantes hôtes en se nourrissant de la matière organique en décomposition dans le sol (saprophyte).

Ainsi lors d’utilisation d’espèces de légumineuses, par exemple en tant qu’engrais verts, il est préférable de favoriser des espèces adaptées à votre terrain (climat, type de sol…) au risque de ne pas avoir les bactéries correspondantes et donc pas de symbiose naturelle optimale.

Quand la plante décide de sanctionner son locataire !

Comme dans toute coopération, il arrive que le contrat ne soit pas toujours respecté. Il y a à la fois des coûts et des bénéfices pour la plante hôte ainsi que pour les bactéries. Parfois, la bactérie installée ne fournit pas sa part (pas de fixation d’azote). Comment cette coopération bactérie-légumineuses a-t-elle pu se maintenir au cours de l’évolution si le bénéfice n’est pas mutuel ? Les bactéries « tricheuses » produiraient ainsi des nodules non fixateurs, ce qui ne donnerait aucun avantage à la légumineuse hôte tout en ayant un coût pour la plante. Car le bénéfice majeur est tout de même d’acquérir un avantage pour les légumineuses au niveau compétitif avec les autres espèces végétales.

Dans un cas de « flagrant délit de triche », la plante peut mettre en place un système de sanction. C’est ce qui a été observé dans le cas du soja et de sa bactérie au cours d’une expérimentation. Le soja pénalise ainsi la bactérie qui échoue à fixer l’azote dans les nodules racinaires. Les conséquences pour la bactérie sont au niveau de son succès reproductif qui diminuait alors de moitié. Un des mécanismes de sanction serait la diminution d’apport d’oxygène à la bactérie. On ferme les robinets !

Récapitulatif 

Pour une pratique favorable au bon développement des légumineuses et de leurs bactéries :

> Favoriser des espèces de légumineuses adaptées à votre terrain (climat, type de sol…) au risque de ne pas avoir les bactéries correspondantes et donc pas de symbiose naturelle optimale.

> Attention à la composition d’une terre apportée de l’extérieur. Peut-être ne contient-elle pas les bactéries correspondantes ou tout simplement elle est pauvre en bactéries du sol.

> La mise en place des nodules est sensible au stress environnementaux: acidité du sol, salinité, températures extrêmes, sécheresse extrême. Attention au travail du sol et à l’apport d’engrais chimiques qui entraînent une perturbation pour les bactéries donc moins d’efficacité pour la fixation).

> Attention au travail du sol mais cette fois en ce qui concerne les couches du sol. Si le travail est trop important et profond, cela perturbera les couches de sol contenant les bactéries qui ne seront alors plus en contact avec les légumineuses à mettre en place. La microfaune sera modifiée et ne contiendra plus les bactéries nécessaires (ni les autres micro-organismes bien utiles également !).

> Si votre terre est saturée en apports azotés (assimilables par la plante) ; les symbioses auront du mal à se mettre en place car la plante n’aura aucun intérêt à établir un partenariat avec les bactéries si elle possède déjà ce qu’il lui faut.

>Planter plusieurs espèces de légumineuses pour une meilleure chance de nodulation car cela permet d’augmenter les chances que les bactéries du sol correspondent à votre espèce végétale. Et non une monoculture de légumineuses qui pourrait alors avoir du mal à se développer si la bactérie ne correspond pas.

> Observez votre terrain. Il vous dira si certaines légumineuses poussent naturellement mieux et donc vous orientera sur les espèces à planter pour optimiser les bactéries déjà présentes dans le sol.

> Si vous voyez qu’une plante légumineuse se développe bien dans votre terrain, vous pouvez prendre un peu de terre au pied de celle-ci pour ensemencer une autre plantation du même type. Par exemple, j’ai sur mon terrain une coronille qui se développe bien et je souhaite en planter une autre. Je vais prendre un peu de terre de la première et en mettre avec la nouvelle plantation pour aider la mise en place d’une symbiose.

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Jardiniers-reporters

Le jardin vivant de l’Oasis dos 3 sobreiros par Murielle Lekien

Difficile de rédiger un article pour décrire le jardin de l’Oasis. Il est à mon image comme j’imagine, derrière chaque jardin, se devine le caractère de la jardinière ou du jardinier. Je dirais un jardin en perpétuelle évolution aux sources d’inspirations diverses, influencé essentiellement par mes nombreuses lectures.
Imaginez, vous êtes au Sud, en zone méditerranéenne…, descendez encore plus au Sud, jusqu’au Portugal, à 100 km au-dessous de Lisbonne, en façade atlantique, à 10 km de l’océan à vol d’oiseau ce qui permet de bénéficier d’un climat un peu plus tempéré et clément, au cœur d’une forêt de chênes liège, protégé ainsi des vents maritimes, dans un val légèrement montagneux, le cycle des végétaux et donc la saison de culture y sont décalés de quelques semaines par rapport à la plaine.
C’est une ferme abandonnée depuis une vingtaine d’année, aménagée de terrasses comme on n’en fait plus aujourd’hui avec des murs de pierres de 2 à 3 m de hauteur, bien utiles pour y loger une foule d’auxiliaires : couleuvres, lézards, mille-pattes, orvets, salamandres. A l’époque de la dictature de Salazar, le propriétaire avait installé une orangeraie sur les terrasses. Lorsque nous sommes arrivés, les orangers suffoquant sous des ronces de 5 m de hauteur semblaient nous crier à l’aide ! Les ronces sont bio-indicatrices d’un terrain fertile et aident le sol. Une fois qu’elles ont été rabattues à la main et le résidu passé à la débroussailleuse, il reste sur le sol un « BRF de ronces », paillage pas très agréable à manipuler mais qui se transforme en une couche fine d’un beau noir humifère. Là où il n’y avait pas de ronces, c’était en début d’année, une pâture toute jaune des oxalis pieds de chèvre, indicateurs d’une érosion intense et d’un lessivage des sols laissés à nus l’hiver et l’été, peut-être une zone sur pâturée par les moutons du voisin qui avaient coutume d’y stationner ?

Les orangers envahis de ronces
Les orangers envahis de ronces
le BRF de ronce après débrousaillage des orangers
le BRF de ronce après débroussaillage des orangers

Nous avons installé le jardin potager au milieu des vieux orangers de la première terrasse l’année dernière. Au départ, ce qui nous a surpris, c’est de ne trouver aucun ver de terre, par contre de nombreuses fourmis qui, paraît-il aèrent et décompactent le sol, ainsi que de nombreux cloportes détritivores. Nous avons commencé par enlever à la pioche la plupart des racines de ronces (j’ai trouvé des souches agrémentées de racines de plusieurs mètres de long !) ce qui a permis dans un même temps de décompacter le sol, un passage initial à la grelinette (nous avions essayé sans sur la terrasse 2 l’année précédente avec des résultats catastrophiques, des légumes très forts en goûts mais lilipuciens, des carottes avec des racines aux technique variées lorsqu’elles arrivent sous la couverture au contact du sol : je fourche, je me courbe voire je remonte !) puis installation des plates-bandes couvertes de 3cm de BRF à l’automne, semées de légumineuses, puis couvertes au printemps lors de la mise en place des cultures d’été des fanes de légumineuses coupées et de de 10-15 cm de foin. Les plates-bandes seront ensuite tout le temps couvertes, le travail du sol s’avérant alors inutile ce qui permet de favoriser la biodiversité de la faune du sol et de bénéficier de tous les avantages d’un sol vivant.

Après épandage de "vrai" BRF à l'automne 2012
Après épandage de « vrai » BRF à l’automne 2012
légumineuses semées lors de l'épandage de BRF de l'automne 2012
légumineuses semées lors de l’épandage de BRF de l’automne 2012

Le fait d’être en zone méditerranéenne et de ne pratiquement pas avoir de pluie entre fin avril et début octobre nous oblige à une gestion intelligente de l’eau. Nous avons installé un bélier hydraulique pour avoir de l’eau au niveau du jardin. Cela nous permet de remonter de l’eau sur 30 m de hauteur et 115 m de longueur de tuyau. Cette année, nous mettons en place de la micro-irrigation basse pression (bidons d’eau surélevés de seulement 40 cm) et bien sûr la quantité d’eau nécessaire pour les cultures est réduite par l’utilisation de techniques appropriées (BRF et sol recouvert en permanence).
Cette année, j’ai semé de la Datura stramoine, belle vénéneuse qui pousse ici de façon spontanée et aléatoire avec une belle vigueur. Elle présente l’avantage à mes yeux de jardinière de faire partie de la famille des solanacées et j’aimerai bien tenter des greffes en vert de tomates, aubergines et poivrons. Vous imaginez, des tomates sans arrosage !!??
A la palette de mes outils de jardinière, je peux ajouter les extraits végétaux. Ils demandent plus de persévérance en zone méditerranéenne car ici, les orties ne courent pas les champs, j’ai même dû en semer en arrivant. Heureusement j’ai pu en trouver chez le voisin sur son potager ensemencé de fumier de mouton. Cette année, pour compléter la panoplie des extraits, j’ai implanté une consouderaie.
J’entretiens aussi un andain de vermicompost. J’ai trouvé cette formule la plus pratique pour réaliser sans trop de travail un compost de qualité en grande quantité. J’aimerais à terme supprimer les tas de compost et gérer les plates-bandes du jardin avec une rotation basée sur le compostage de surface et les besoins des plantes. Ainsi à tour de rôle chaque plate-bande serait temporairement transformée en compostage de surface/andain de vermicompost, recouverte de déchets de cuisine, cartons, foin, coupes de « mauvaises herbes », BRF, et éventuellement de fumier de cheval. J’y installerai ensuite consécutivement des plantes très gourmandes en compost puis moyennement puis peu pour enfin installer des plantes ne nécessitant aucun apport de compost.
Si vous avez continué la lecture de cet article jusqu’ici, avant de supprimer mes tas de compost, voire mon approvisionnement en fumier de cheval, j’aimerais avoir vos commentaires/ avis/ expériences. Y-a-t-il des jardiniers qui jardinent sans compost ?? Le seul point sur lequel je reste dubitative c’est la réussite des cucurbitacées (melons pastèques, eh oui c’est l’avantage d’être au Sud, concombre, courges et Cie), plantes gourmandes qui apprécient de pousser directement sur le compost ! Si des personnes ont des témoignages de réussite des courges sans apport de compost, je suis preneuse !

Endive du sud !
Endive du sud !

Pour terminer cette présentation du jardin de l’Oasis (désolée, c’est un peu long comme chaque fois que je commence à parler de jardin !), de nombreuses idées restent à expérimenter/ développer : les mycorhizes, installer une petite mare, une plate-bande spécifique pour les plante mellifères, les micro-organismes efficaces, le jus de compost à aération active, l’électroculture, les engrais verts en interculture (mais que c’est pénible d’enlever les couvertures des plates-bandes), les semis directement en place (quel boulot de semer en caissette ou en godets pour ensuite transplanter et quel stress pour la plante !).
Voilà, maintenant c’est à vous pour les commentaires et si vous voulez voir d’autres articles sur le jardin de l’Oasis ou venir nous visiter, c’est ici.
Murielle LEKIEN
Expérimentatrice en alimentation vivante & jardin vivant.
Oasis dos 3 sobreiros – Portugal
Site web : http://oasis-des-3-chenes.fr/
Contact : murielle(AT)oasis-des-3-chenes.fr (rempalcer (AT) par @) ; tél (+00 351 ) 927 738 016.

Depuis mars Murielle propose des séjours Alimentation Vivante au Portugal. Si vous souhaitez vous offrir un chouette séjour et de plus soutenir une jeune créatrice et le projet d’une Oasis, n’hésitez pas ! Le projet de l’Oasis, c’est entre autres : un inventaire floristique, la préservation des plantes sauvages locales, la préservation de semences potagères anciennes, la création d’un jardin sec, la mise en place d’un verger de fruitiers anciens…

perfection fractale
perfection fractale
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Observons

Le trèfle incarnat: pas seulement une plante de couvert !

Cet article est écrit dans le cadre d’un carnaval d’articles organisé par le blog jardin de Jenny. Jenny souhaite recueillir l’avis d’un maximum de personnes sur leur plante, légume ou fleur fétiche ou sur leur recette de cuisine préférée. Lorsque les articles des internautes auront tous été rédigés vous pourrez  retrouver un résumé sur le blog de jenny (avec un lien vers l’article).

Dans un jardin, il y les plantes que l’on cultive pour le ravissement des yeux, d’autres pour les celui des papilles et d’autres encore pour aider les deux premières catégories à pousser : il peut s’agir de plantes qui attirent sur elles ou au contraire éloignent certains ravageurs ou encore des plantes qui améliorent le sol. Etant un spécialiste et amoureux des sols vivants, j’ai choisit une plante parmi ces dernières.

Les plantes qui améliorent le sol sont utilisées comme couvert végétal ou engrais vert. Parmi celles-ci nombreuses sont celles qui appartiennent à la famille des légumineuses et au sein de cette vaste famille, je vous propose de découvrir ici le trèfle incarnat !

photo issue du site naturellementmail.free.fr

Qui est-il ?

Cette petite plante annuelle fait partie du genre Trifolium qui regroupe tous les trèfles. Il est originaire des pelouses méditerranéennes sèches (comme chez moi en Ardèche méridionale où on le voit régulièrement au printemps). Il se caractérise par une magnifique floraison printanière au rouge éclatant qui le fait surnommer par Joseph Pousset, agriculteur bio en Normandie et consultant de renom, « l’or rouge » ! Et il faut bien reconnaitre que ce surnom est tout à fait légitime à la vue d’un champ de cette plante en pleine floraison ! Toutefois, il peut arriver, comme c’est le cas dans les pelouses autour de chez moi que l’on rencontre des formes plus discrète à la floraison blanche et rose.

C’est une plante qui se sème en fin d’été, pas plus tard car sa plantule fragile risquerait de trépasser dès les premières gelées. Il fleurit entre mi-avril et mi-juin.

Pourquoi est-il intéressant ?

Tout d’abord, il appartient à la famille des légumineuses et à l’instar de tous ses frères et sœurs, il abrite dans ses racines des bactéries capables de se nourrir de l’azote de l’air, ce qui lui permet, après sa mort, d’enrichir le sol en cet élément si précieux, à condition bien sûr de laisser sur place ses parties aériennes !

Son puissant système racinaire, capable de se développer fortement dès la fin de l’hiver lui permet aussi d’aérer le sol en profondeur !

Ensuite il est parmi les trèfles un des rares à être annuel. En effet les trèfles plus communs en France (trèfle blanc, trèfle violet…) sont généralement vivaces, ce qui est très intéressant pour des cultures fourragères, mais beaucoup moins dans un couvert végétal qui ne peut occuper le sol que quelques mois dans l’année. Cela le rend donc beaucoup plus facile à détruire si l’on doit mettre le sol en culture au printemps. Si on peut attendre l’été, c’est encore plus simple puisqu’il meurt naturellement après la floraison.

A l’instar des autres trèfles, il est également très mellifère.

Est-ce uniquement une plante de couvert végétal ?

Non, bien sûr ! Autrefois il était couramment pâturé ou utilisé comme fourrage, mais son cycle annuel le rend moins productif que des trèfles ou autres légumineuses vivaces ou bisannuelles (luzernes, sainfoin, lotier…). De sorte que malgré ses intérêts nutritionnels, sa culture a été plus ou moins abandonnée. Elle a toutefois tendance à revenir actuellement grâce au nouvel engouement pour les couverts végétaux.

Et puis aussi, même s’il n’est pas très utilisé à cette fin, sa magnifique floraison pourrait lui offrir une place de choix dans les massifs d’annuelles de nos villes et de nos jardins !

Donc au final : couvert végétal fixateur d’azote, décompacteur du sol, mellifère et qui cède sa place naturellement au bout de huit à dix mois, plante de fourrage et de pâturage et potentiellement plante qui illumine les massifs d’ornement, c’est plutôt complet comme tableau ! Il lui manque juste d’être comestible pour nous, mais consolons nous, il aide les cultures suivantes à produire plus sur un sol en meilleure santé !

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Un peu de théorie

Rôle agronomique n°3 : la nutrition des végétaux

Je vous dois cet article depuis le mois de juin, mais suite à mon retour du Vietnam qui fut assez mouvementé, j’ai laissé de côté cette tâche. Je corrige enfin cette négligence avec ce texte sur le troisième rôle agronomique de la vie des sols : la fourniture de nutriments aux végétaux, article qui fait suite aux trois premiers postés sur le sujet: selon vous, quels sont les rôles agronomiques de la vie des sols ? rôle agronomique n°1 : la transformation des matières organiques et rôle agronomique n°2 : la structuration des sols.
Voici un thème qui touche directement la question de la fertilisation : l’agronomie du XXème siècle a été bâtie sur le mythe de la fertilisation chimique basée essentiellement sur trois éléments : l’azote (N), le phosphore (P) et le potassium (K), le fameux trio NPK qui résonne désormais dans le langage agronomique comme la sainte trinité dans celui de la religion chrétienne.
En effet ces éléments sont très importants pour les plantes : l’azote est un constituant des protéines, de l’ADN…, le phosphore entre dans la composition de l’ATP et de l’ADP et de certaines protéines (les fameuse lécithines), participe à la mise à fruit… et le potassium enfin régule l’absorption de l’eau du sol par les racines, active certaines enzymes…
Non, ce que je mets ici en question, ce n’est pas l’importance de ces éléments, mais la manière de les amener aux végétaux. Travailler avec la vie permet d’entrevoir des pistes pour améliorer le prélèvement de ces éléments par les plantes uniquement grâce à la vie du sol.

Fixation biologique de l’azote atmosphérique

Déjà évoqué dans l’article « l’azote dans tous ses états », la principale entrée de l’azote dans le monde vivant est due à des bactéries qui se nourrissent de l’azote de l’air en le transformant en ions ammonium (NH4+) utilisable plus ou moins directement par ces mêmes bactéries ou par les plantes avec lesquelles elles vivent en symbiose.
Ces bactéries vivent selon plusieurs modes de fonctionnement :
–    Certaines, comme les Azotobacter ou les Clostridium (cyanobactérie typique des rizières) se nourrissent des matières organiques du sol, elles participent à augmenter la teneur en azote total du sol, azote qui deviendra accessible tôt ou tard pour une plante ;
–    D’autres vivent au voisinage immédiat des racines, voire à l’intérieur des végétaux et se nourrissent directement de produits issus de la photosynthèse, c’est ce qu’on appelle la fixation associative, l’azote qu’elles fixent est disponible pour les végétaux après la mort de la bactérie ;
–    Certaines enfin, et c’est la voie la plus efficace de transfert d’azote depuis l’atmosphère vers la biosphère, vivent en symbiose avec des végétaux au sein de nodules qui se forment sur les racines. C’est le cas par exemple des bactéries filamenteuses (actinobactéries) du genre Frankia qui vivent en symbiose avec des végétaux ligneux tels que les aulnes, les argousiers, les filaos… Et c’est surtout le cas des rhizobium qui forment une symbiose extrêmement importante au niveau planétaire : la symbiose légumineuses-rhizobium.

Mycorhizes

J’ai déjà parlé de cette symbiose entre végétaux et champignons dans un article qui leur est consacré. Les champignons mycorhiziens à arbuscule (MA), qui vivent en symbiose avec l’immense majorité des végétaux cultivés, sont d’une aide très précieuse pour alimenter les végétaux en nutriments peu solubles et donc difficile d’accès pour ces dernières. Il s’agit notamment du phosphore et du zinc (élément qui entre dans la composition d’enzymes et d’hormones de croissance et qui aide à la synthèse de la chlorophylle).
D’autres champignons, les champignons ectomycorhiziens, qui vivent en symbiose avec des espèces d’arbres tels que les chênes, les pins, les hêtres, les bouleaux…, ont également une action importante sur la nutrition en azote de leurs arbres hôtes notamment en allant chercher cet élément directement dans la matière organique du sol.

Activité de la pédofaune
La pédofaune joue un rôle clé dans la fragmentation et  la décomposition des matières organiques fraîches (voir rôle agronomique n°1). A l’instar de tout les autres animaux de la planète, ceux de la pédofaune concentrent l’azote issus de leur nourriture dans leurs tissus. Leurs cadavres et leurs déjections reviennent donc à une transformation en fumure animale des matières organiques d’origine végétale qui forment la majorité des matières organiques fraiches qui arrivent au sol.
L’action de micro-organismes sur ces cadavres et excréments libère de azote assimilable par les végétaux.

Libération d’azote et autres nutriment dans la rhizosphère
Afin de voir les élément minéraux essentiel à son métabolisme disponible à proximité immédiate de leurs racines (la zone du sol justement appelée rhizosphère), les plantes ont recours à un processus ingénieux : elle font de l’élevage de micro-organismes ! Pour ce faire, elles libèrent directement dans le sol des composés organiques qui nourrissent ces derniers, ce qu’on appelle la rhizodéposition. A première vue, c’est de l’énergie gâchée, mais en y regardant de plus près, il s’avère que les micro-organismes nourris par ces composés sont en réalité utilisés par la plante pour se nourrir.
Dans les années 80, une scientifique américaine, Mariane Clarholm, a mis en évidence que du blé cultivé sans engrais mais avec des bactéries et des amibes prédatrices de bactéries assimilait trois à quatre fois plus d’azote qu’un blé qui poussait avec les seules bactéries.
Voici l’explication de ce phénomène : la plante libère dans le sol via la rhizodéposition des composés riches en carbone et pauvre en azote, ces composés sont immédiatement consommés par les bactéries qui, pour équilibrer leur alimentation, doivent aller chercher l’azote dans le sol environnant, essentiellement sous des formes organiques non assimilables telles quelles par les végétaux. Ces bactéries sont ensuite la proie d’amibes. L’azote qui composait la bactérie est utilisé pour un tiers par l’amibe, un autre tiers rejoint le stock de matière organique du sol et le dernier tiers et rejeté sous forme ammoniacale à proximité immédiate des racines. Cet ammonium est alors absorbé par la plante soit tel quel, soit après nitrification.

schéma de l’aide à la nutrition azotée des plantes liée à l’activité des bactéries et amibes de la rhizosphère. Schéma issu de Gobat et al. 2010, le Sol Vivant.

L’activité bactérienne de la rhizosphère permet également la mise à disposition d’autres éléments, en particulier le phosphore et le fer, mobilisés grâce à l’activité de bactéries qui vont chercher ces éléments soit dans les minéraux, soit dans la matière organique.

La vie du sol : un engrais naturel ?
Peut-on dire pour autant que la vie du sol représente un engrais naturel ? La réponse est à la fois oui et non.
En effet, lorsque des éléments sont amenés dans le sol par l’activité notamment bactérienne, comme dans le cas de fixation biologique de diazote ou de la libération de nutriments depuis la matière minérale, ces apports sont en effet assimilables à des engrais car l’activité biologique fait entrer dans le système sol/plante des éléments qui n’en faisait pas partie.
En revanche, lorsqu’il s’agit de libération de nutriments depuis la matière organique du sol (cas des prélèvements mycorhiziens, ou de la mise en solution de l’azote par la chaîne alimentaire rhizodépôt-bactérie-amibe ou encore du phosphore contenu dans les matières organiques), il s’agit de nutriments qui sont déjà contenus dans le système sol/plante car ils ont déjà transité par les végétaux ou les organismes du sol avant d’être intégrés à la MO et remis en solution par l’activité bactérienne.

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Un peu de théorie

L’azote dans tous ses états

Dans mon article précédent, je vous ai parlé d’azote et de nitrate, mais comme il n’est pas forcément évident pour tout le monde ce que sont les différentes formes de l’azote dans le sol, les organismes vivant et l’atmosphère, je vous propose de faire connaissance un peu mieux avec cet élément si essentiel au vivant !

Tout d’abord une petite histoire sur l’origine du nom cet élément, qui signifie contraire à la vie animale (association « a » privatif et « zoos » animal). Ce qui est assez paradoxal quand on sait l’importance qu’il a dans le vivant ! Mais Lavoisier, savant français qui est à l’origine de nom ne connaissait pas les protéines, ni l’ADN et encore moins leurs rôles fondamentaux dans le fonctionnement du vivant.

Du point de la planète, l’azote est très peu présent dans les roches, mais est en revanche l’élément majoritaire de l’atmosphère, et, dans une moindre mesure, est présent dans les eaux, les sols et les organismes vivants.

Commençons donc par l’atmosphère : il y est surtout présent sous la forme diazote (N2), ainsi que sous d’autres formes extrêmement minoritaires telles que des oxydes (NO2, NO, N2O), de l’ammoniac (NH3)… Mais ces gaz, même si ils peuvent avoir une grande importance dans certains cas (notamment lorsqu’ils sont émis en excès par les activités humaines), sont quantitativement insignifiants devant le diazote qui représente à lui seul 78% de l’atmosphère terrestre. Le souci c’est que le diazote est très peu réactif, il ne se dissout pas dans l’eau, il ne s’oxyde pas spontanément, il n’est pas assimilable par les végétaux… bref, il est inerte !

Heureusement pour nous (et pour tous les autres animaux, champignons, et végétaux qui vivent à la surface de la terre), certaines bactéries ont inventé la fixation biologique du diazote. Ces bactéries sont issues des différentes lignées de ce domaine (cyanobactéries, protéobactéries, actinobactéries…), les rhizobium qui vivent en symbiose avec les légumineuses sont des exemples de ces bactéries. Elles possèdent des enzymes qui leur permettent de transformer le diazote en ammonium, une des multiples formes de l’azote dans le sol et les eaux.

Venons en donc à cet azote du sol et des eaux, on l’y trouve sous deux grands types : l’azote minéral et l’azote organique.

L’azote minéral, c’est surtout les nitrates (NO3), les nitrites (NO2) et l’ammonium (NH4+), ces composés sont tous forcément sous forme dissoutes dans l’eau (eau du sol, eau des rivières, eaux souterraines…). Si cette eau est riche en oxygène dissous, c’est plutôt la forme nitrates qui domine, sinon, c’est l’ammonium.

L’azote organique, c’est tout un monde car cet élément entre dans une kyrielle de composés différents. Il est toutefois particulièrement présent dans les acides aminés, brique de base des protéines, si importantes dans la constitution des tissus des animaux (entre autres), et aussi dans les bases nucléiques, qui sont les éléments constitutifs de l’ADN. Protéines et ADN… on  a vraiment affaire là à des composés essentiels au fonctionnement de l’ensemble des organismes vivant ! D’où l’importance de l’azote ! Il entre aussi dans la composition des composés humiques, de la chitine qui forme les parois cellulaires des champignons et la « peau » (tégument) des insectes ou encore de composés organiques simples tels que l’urée et l’acides uriques présents dans les urines des animaux. Afin de mieux comprendre les flux d’azote dans un écosystème, il est préférable de distinguer l’azote contenu dans les MO du sol et celui contenu dans le vivant (Cf. schéma ci-dessous), même si les composés présent dans ces deux compartiments sont en partie les mêmes.

Lorsque ces matières organiques sont minéralisées par des micro-organismes, elles libèrent une partie de leur azote sous forme minérale, en l’occurrence en ammonium. Cet ammonium peut ensuite, si les conditions le permettent (milieu riche en oxygène), être transformé en nitrites puis en nitrates par des bactéries spécifiques dites nitrifiantes. C’est ensuite ces nitrates, qui sont l’azote préféré de la majorité des végétaux. Les plantes intègrent alors cet azote dans leurs constituants, et plus particulièrement sous forme d’acides aminées (protéines) et bases nucléiques (ADN).

Les nitrates synthétisés par les bactéries nitrifiantes peuvent ensuite être transformés en diazote par des bactéries dites dénitrifiantes. Ce phénomène de dénitrification a lieu dans des conditions de milieu pauvre en oxygène.

Bon, fixation biologique, assimilation par les végétaux, nitrification, dénitrification… Cela fait peut être beaucoup si vous n’êtes pas familiers de ces processus, voici un petit schéma récapitulatif :

Schéma très simplifié (si, si !) du cycle de l’azote dans un écosystème. Les flèches rouges indiquent des processus d’origine microbienne (champignons et surtout bactéries), les flèches vertes les échanges entre les plantes et le sol, les flèches bleues impliquent l’ensemble des organismes du sol et les flèches grises correspondent à des processus physico-chimiques.

Pour ceux qui veulent aller plus loin dans la compréhension des flux d’azote, je ne saurai que trop vous conseiller le sol vivant de Gobat et al., même si le niveau de l’ouvrage est relativement élevé !

Note : cet article a été écrit suite à la demande d’une de mes nouvelles lectrices, alors si vous voulez que je traite un sujet en particulier, n’hésitez pas, je suis là pour cela !

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Jardinons

Des couverts végétaux à l’essai

Je pense que beaucoup d’entre vous en sont conscients, un des outils majeurs de l’agriculture du XXIème siècle sera et est déjà le couvert végétal, comme le montrent le travail des tenants de l’agriculture de conservation. Et au jardin, les couverts végétaux (souvent appelés aussi engrais verts) sont également très utile. Parmi leur nombreux rôles citons notamment :

  • Couvrir le sol en permanence avec des plantes vivantes ;
  • fixer l’azote ;
  • Produire in situ de matière organique ;
  • Implanter des plantes mellifères ;
  • Nourrir la vie du sol à longueur d’année ;
  • Favoriser la présence d’auxiliaires ;
  • Aider au contrôle de l’enherbement ;

a l’instar de beaucoup d’entre vous qui utilisent ces techniques depuis de nombreuses année, nous avons testé depuis l’année dernière plusieurs types de couvert hivernaux et je vous propose ici une petite synthèse de ces expériences.

Commençons par l’année dernière

Avant de vous parler des divers essais de cet hiver, voici d’abord une rétrospective de ce que nous avions fait en 2010.

Nous avions semé le couvert sur deux planches, cette photo prise le 23 avril, la floraison jaune de la moutarde indique la position de ces planches : une « petite » (à gauche, juste derrière le prunier) et une « grande » (à la droite de ce même arbre).

Le mélange semé était un « biomax » fournit par Yann Labuche de Terre d’Humus et contenant 8 espèces : avoine, vesce, fèverole, moutarde, radis fourrager, fénugrec, minette, lin,

Le semis avait été réalisé le 18 novembre 2009, donc très tard, mais la douceur de la fin novembre et du début décembre ont permit une bonne levée, voici quelques images du couvert sur la « grande » planche tout au long de son développement.

7 décembre 2009
23 mars 2010
18 avril 2010
25 avril 2010
25 avril 2010

Ce beau couvert a ensuite été détruit par sarclage le 25 avril. Je conseille pas cette façon de détruire le couvert qui est quand même éprouvante physiquement. Quand il n’y a que quelques mètres carré à faire, comme ici, ça va, mais s’il y en a ne serait-ce que quelques dizaines, ça commence à faire vraiment beaucoup ! Cette année, faute de rolo faca, j’essayerai sans doute le crimp-o-matic, facile à bricoler soi même.

J’ai choisi cette date pour la destruction car les quinze jours qui ont précédé ont été très sec et le sol commençait à devenir vraiment dur et sec sous le couvert, après ça il a plu 3 semaines… pfff ! J’aurais mieux fait d’attendre la mi mai et planter les cultures d’été au même moment. D’ailleurs voici l’état du sol le 21 mai, jour de plantation des tomates, courgettes et autres courges et aubergines :

Ce sol, non seulement était sombre et grumeleux, mais aussi très riche en vie, avec une surprise de taille, le présence en grand nombre de testacelles blanches, une limace carnivore prédatrice, entre autres, des limaces phytophages ! J’en reparlerai dans un prochain article !

Le couvert de la « petite » planche quand à lui a été maintenu jusqu’en juin, date à laquelle, ayant commencé à sécher, il a été très facile à détruire par simple fauchage. Il est à noter que la potentille, vivace très envahissante sur notre terrain a été complètement contrôlée par ce couvert très dense et détruit tardivement pour préparer une plantation de vivace à l’automne (artichauts, tanaisie, lavande).

Le « petit » couvert au mois de mai avec la magnifique floraison violette de la vesce

Au niveaux des espèces voici le bilan de ce premier essai :

moutarde, radis, vesce, fèverole et avoine : très bon développement, mais avoine un peu difficile à détruire.

fenugrec, lin et minette : très faible développement, ces plantes ont soit mal levé, soit été plus ou moins étouffés par leurs voisines.

Et cette année donc

fort de cette expérience très encourageante, j’ai imaginé cet automne plusieurs essais pour nos couverts hivernaux.

Tout d’abord au niveau des biomax : j’ai sélectionné les plantes qui avait bien fonctionné l’année passée en enlevant l’avoine et en ajoutant la phacélie, que l’avais envie d’essayer et, sur les conseils de Yann Labuche, le pois fourrager.

Ensuite, j’ai eu envie de tenter des essais de couvert associés à des cultures d’hiver : moutarde+ pois grimpant, triticale + pois grimpant (là encore sur les conseils de Yann) et chou branchu du Poitou + trèfle incarnat.

De gauche à droite : graines de radis fourrager, moutarde, phacélie et vesce

Les biomax

3 compositions différentes ont été testées avec les 6 plantes sélectionnées : moutarde+radis+phacélie+fèverole+pois (1), moutarde+radis+phacélie+fèverole+vesce (2) et moutarde+radis+phacélie+fèverole+pois+vesce (3) (en gras les espèces qui changent d’un mélange à l’autre, en l’occurrence la légumineuse grimpante)

Les semis ont eu lieu les 4 et 6 novembre 2010, la levée de toutes ces plantes a été très bonne, mais ensuite, des surprises :

  • les crucifères (moutarde et radis) et la vesce ont disparu de presque toutes les planches ;
  • la planche contenant le mélange 2 et une grande partie de celle qui porte le mélange 3 semblent avoir été grattés par un animal (nous soupçonnons les merles) de sorte que seule la fèverole est encore bien en place au milieu d’adventices diverse et variées et d’un peu de vesce qui a attendu le début mars pour vraiment commencer à se développer.
le 8 décembre, belle levée des crucifères (moutarde et radis) dans le mélange 1
Le même jour, un semis de vesce sort timidement entre trois turricules de vers de terre
Du mélange 2, début mars, il ne subsiste quasiment que la fèverole, et les adventices s’invitent en grand nombre!
Sur une extrémité du mélange 3 les crucifères sont bien là, mais dans tous les autres biomax, il n’en reste presque plus rien…

Des observations plus encourageantes tout de même :

  • la planche ensemencée avec le mélange 1 est vraiment très belle, malgré la disparition des crucifères, et promet un magnifique couvert bien dense pour le mois d’avril ;
  • Un couvert de vesce avoine que nous avons pas semé et qui est magnifique… Mais d’où sort-il ???? La seule explication que je vois est un re-semis des graines du « petit » couvert de l’an dernier qui était tout près mais il ne me semblait pas que la vesce et l’avoine étaient mûres lors de la destruction…
Le mélange 1 le 5 mars dernier
Un magnifique couvert de vesce avoine que nous n’avons même pas semé…

Les couverts associés

Parmi les couverts associés à des cultures là aussi les fortunes sont diverses :

Le chou et le trèfle incarnat (implantés début octobre, donc beaucoup trop tardivement) avaient bien levé, mais ils n’ont pas survécu longtemps, il n’y a rien eu sur cette planche de tout l’hiver.

14 octobre, belle levée des choux et des trèfles, mais ils n’iront pas plus loin dans leur développement

Dans L’association avec pois grimpant, mises en place comme les biomax le 4 novembre, là aussi tout est bien sorti, mais à présent, curieusement les pois ont totalement disparu de la planche avec moutarde, alors qu’ils sont encore bien là dans celle avec triticale : y aurait-il une incompatibilité entre pois et moutarde ?

La culture de pois grimpant associés à de la moutarde est devenue un couvert de moutarde pure
Par contre l’association avec le triticale semble bien fonctionner pour le moment

Et pour les cultures d’été nous avons déjà semé quelques mètres carrés de lentilles pour servir de couvert associé à des cultures d’été (tomates et courges), je vous raconterai !

Voilà donc pour ce petit point de fin d’hiver sur nos expériences de couverts. Et comme j’ai remarqué que beaucoup d’entre vous aiment participer à ce blog, je vous propose de m’envoyer un mail à gilles(AT)jardinonssolvivant.fr (remplacer le (AT) par @) pour me faire part de vos essais de couverts hivernaux ou d’une synthèse de ce que vous avez testé et observé depuis que vous en faites en me précisant votre situation géographique, votre sols et votre climat. Je ferai vers le mois de mai une synthèse de tout ce qui m’a été communiqué d’ici la mi avril !

Et pour toute remarque ou question concernant cette pratique ou notre expérience, les commentaires sont ouverts !