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Un jardin, oui, mais lequel? Par Jacques Subra

Au mois d’avril Jacques nous avait offert un article richement illustré sur le jardin qu’il cultive depuis 30 ans dans les Hautes Pyrénées. Revoici une contribution de sa part concernant son expérience à propos des buttes au jardin. Étonnante coïncidence, car cela propose une excellente suite à mon dernier article! (Non, non, nous ne nous étions pas concertés avant, Jacques m’a proposé un article sur ce thème au moment même où je postais l’article précédent). Mais laissons la parole à Jacques:

Depuis quelques années, on assiste, et heureusement, a une généralisation du jardinage biologique surtout chez les jardiniers amateurs. Vous connaissez mon parcours, j’en ai parlé dans le premier article publié sur ce blog, je pense avoir assez de recul pour comparer les différentes méthodes de jardinage qui fleurissent (sans jeu de mots!) dans toutes les revues ou sous forme d’ouvrages divers et variés.

Le jardinier débutant est confronté a un choix si vaste qu’il ne sait quelle voie choisir. Pour parodier une célèbre émission de télé « j’ai pas tout essayé mais presque » aussi voici mon point de vue issu de mes expériences.

En préambule , je précise qu’en aucun cas je ne critique telle ou telle méthode. J’ai trop de respects pour tous ces chercheurs et expérimentateurs qui consacrent leur vie a l’amélioration des techniques culturales et je n’ai aucune légitimité pour les juger.

Issu d’une famille terrienne, paysans depuis plusieurs générations, la tradition s’est arrêté par la volonté d’un Père qui n’a pas souhaité que l’un de ses fils continue le travail de la terre. Dans les années cinquante il valait mieux
avoir un « métier » que de faire le Paysan!

Je suis resté un Paysan dans l’âme avec ce que cela comporte d’amour de la nature mais aussi une méfiance viscérale pour toutes techniques culturales nouvelles soi-disant miraculeuses! Aussi, en jardinage j’aime bien tester avant de juger.  L’agriculture s’est construite au cours des siècles grâce a l’élevage et à la fumure des sols par les fumiers animaux et le compost. Les plantes et légumes « sauvages » ont été améliorés pour aboutir a ceux que nous connaissons de nos jours.

Il y a un peu plus de trente ans, j’ai débuté mon jardin sur un terrain vierge et très pauvre versant nord-ouest situé sur un plateau a 400m d’altitude entre Hautes-Pyrénées et Pyrénées-Atlantiques:
Motoculteur pour défoncer le sol, ( très caillouteux, heureusement le motoculteur était costaud, un japonais!!)
Culture a plat, légumes en lignes, que du classique! Quelques années passées a améliorer mon sol avec compostage intensif, puis j’ai découvert Heinz Erven, Gertrud Franck et d’autres et j’ai commencé la culture en légères buttes de un mètre vingt de large avec entre chaque buttes un passage de trente centimètres pour circuler et travailler sans tasser le
sol. J’ai ainsi amélioré nettement les cultures d’hiver ( ail, oignons, fèves , petits pois…) qui souvent pourrissaient par excès d’humidité.
C’était au début des années quatre-vingt. Tout ceci bien sur dans une recherche permanente d’amélioration de mon sol par cultures d’engrais vert, paillage, mûlchs divers et variés.

La rencontre avec des agriculteurs biodynamique et me voilà parti dans l’aventure de la méthode mise au point par Rudolph Steiner. Ont suivi six années a élaborer et appliquer les préparations, expérience très enrichissante avec de très belles rencontres de gens passionnés et très respectueux de la Nature et de la Vie . Trop de contraintes ( brassage
des préparations, jour et heures pour l’application, suivi du calendrier ) ont fait que j’ai abandonné malgré des résultats probants.

En 2006, paraît un article dans la revue du Conservatoire Végétal d’Aquitaine sur « Le Jardin Naturel » de Jean-Marie Lespinasse , j’achète le livre et quelques jours après quatre ados 4m x 1m20 sont mis en place, suivis quelques mois après d’un cinquième de 8mx 1m20.

Enfin en 2010, j’essaye les lasagnes de Patricia Lanza.

Voici mes conclusion sur les avantages et inconvénients de chacune des techniques que j’ai mise en œuvre:

LES LASAGNES

Avantages:

  • Permet de recycler toutes sorte de matières bio-dégradable (cartons, paille, foin, B R F, tontes, fumier, déchets divers et variés)
  • Peut se faire sur tout support ( sol très pauvre, cailloux, et même dalles en béton!) L’intérêt est d’avoir les matériaux disponibles a proximité sinon ça coute en transport et main d’œuvre .

Inconvénients:

  • Il vaut mieux être plusieurs pour la monter car il y a pas mal de travail de manutention.
  • Besoin de beaucoup d’eau pour imprégner la lasagne qui doit être détrempée.
  • La durée de vie est très courte, au bout d’un an une lasagne de trente centimètres d’épaisseur ne fait plus que dix, il faut donc rajouter de la matière.
  • Les résultats sont spectaculaires la première année, surtout avec les légumes feuilles( ceux qui sont friands d’azote) Les pommes de terre aussi ont l’air d’apprécier, au jardin de la Maternelle, on a récolté 18 tubercules sur un seul pied! Mais je suis quand-même sceptique quand a la valeur nutritive des légumes cultivés ainsi. Au vu de la rapidité de croissance et leurs volumes, ils doivent avoir une teneur en nitrates très élevée.

LES ADOS

Avantages:

  • Permet d’avoir une profondeur de terre importante immédiatement surtout quand comme chez moi l’épaisseur n’est que de quelques centimètres avec un sous-sol caillouteux ( et c’est peu dire!!!)
    Facilité d’accès et pas de piétinement du sol.
  • Ressuyage rapide l’hiver et en période de pluie prolongée.
  • Réchauffement plus précoce au printemps.
  • Lutte efficace contre les parasites et les maladies, la diversité des légumes et fleurs, le mélange, le nombre restreint de plants par variété réduisent de façon importante le risque d’attaque parasitaire. Occupation permanente du sol, sitôt un légume récolté un autre prend sa place.
  • En été les allées conservent l’humidité et quand tout est bien composté je remet sur les ados.

Inconvénients:

  • Si le sol se ressuie plus vite il s’assèche aussi rapidement donc besoin d’arrosages fréquent et si on laisse trop dessécher
  • la réhydratation de l’ados est très longue et couteuse en eau.Les allées s’envahissent de plantes indésirables( chez moi: potentille, renoncules, liserons, malgré les semis de trèfle ) j’ai en partie résolu ce problème en mettant mes tontes de gazon divers déchets du BRF et même des copeaux de menuiserie dans les allées (J’ai la chance d’avoir sur place un menuisier d’Art qui ne travaille que le bois Français non traité).
  • Si l’on veut appliquer à la lettre la méthode JM L cela demande pas mal de travail, un suivi quasi journalier, avoir en permanence des plants prêts a repiquer et faire des semis en continu, car c’est toujours en très petite quantité et très dispersé.
  • Le cloisonnement entre les parcelles cultivées est a mon avis néfaste aux échanges, aux flux et a la symbiose qui font un sol vivant.
  • Les limaces et les escargots trouvent refuge dans le moindre interstice entre planches et terre.
  • Durée de vie limité des planches de soutènement.

LES CAISSES

Mêmes avantages et inconvénients que les ados avec dessèchement encore plus important. A réserver a des petits jardins pour cultiver les légumes de bases et les aromatiques.

JARDIN A PLAT ( ou comme chez moi en plates-bandes de 1m20 de large très légèrement bombées avec allée de 30cm)

Le basique, le plus simple en un mot le FONDAMENTAL. Sauf cas exceptionnel ( terrain inondable ou très en pente ) C’est la meilleure façon de jardiner Le jardin n’est pas « figé » au contraire des ados et peut évoluer en permanence
Les flux d’énergie et les « habitants » du sol peuvent circuler sans obstacle. Quant a la pénibilité comparée entre le sol a plat et les ados, je n’y trouve pas grande différence.

Le jardin à plat présente l’avantage de pouvoir cultiver en lignes (pommes de terres, haricots verts, oignons de conserve, maïs avec haricots grimpants etc…) utile quand on veut des quantités importantes pour les conserves.
Le besoin en eau y est beaucoup moins important que les ados ou les caisses.

En conclusion je dirai que toutes ces techniques ont leurs avantages et leurs inconvénients. A chacun de choisir la plus a même de réussir en fonction du climat, du sol de l’exposition de son jardin et de sa sensibilité personnelle.

Personnellement je conserve les trois types de jardin pour continuer mes expériences, mais quand les planches de soutènement seront pourries, je ne les renouvellerai pas et reviendrai au jardin a plat.

Il y a un effet de mode certain, porté par la vague du bio, actuellement les ados sont a la mode, j’y ai moi-même succombé, mais le propre d’une mode est de passer….

Moralité: continuons nos expériences, adaptons-les a nos jardins, et ne croyons surtout pas avoir découvert la solution miracle, elle n’existe pas!

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Le jardin bio de Jacques dans les Hautes Pyrénées

Bonjour, je m’appelle Jacques Subra, j’ai 67 ans et je suis retraité, après une formation de mécanicien, mon parcours professionnel a été assez diversifié.

Mécanicien, conducteur d’engins TP, artisan, quelques séjours a l’étranger, chef d’atelier en construction mécanique et pour finir, serrurier soudeur. Tout ceci m’a permis d’acquérir connaissances et ouverture d’esprit.

Gilles nous a proposé, a moi et d’autres jardiniers amateurs passionnés de participer a sa démarche de vulgarisation du jardinage « SOL VIVANT », ce que j’ai accepté avec plaisir car je pratique moi-même depuis une trentaine d’année en harmonie avec la nature et le respect du vivant.

En 1976 j’ai acquis un terrain de 5000m2 a Séron, commune rurale de 250 habitants dans les Hautes-Pyrénées, pour construire ma maison.

Situé sur un plateau , entre Tarbes et Pau a 380 mètres d’altitude le terrain est sur un versant exposé nord-ouest, le sol argileux-caillouteux n’avait jamais été cultivé. Couvert de fougères, genêts et ronces, la couche de terre végétale n’excédait pas quelques centimètres. Dès le début mon souhait a été de créer un espace de biodiversité avec un jardin cultivé en bio. En 1980 j’ai donc commencé à planter des arbres et arbustes divers, des haies et des fruitiers. Le jardin a commencé à prendre forme avec au début de piètres résultats vu la pauvreté du sol. Je me suis documenté et cherché une méthode de jardinage bio (je suis fils de paysan, ça aide !) Celle qui m’a paru la plus intéressante était la méthode Lemaire-Boucher a base d’algues (lithothamne) et d’extraits végétaux.

De bons résultats, mais obligation d’achat de produits extérieurs, alors que ma démarche était le moins d’intrants possible. Parallèlement j’ai commencé a composter avec tout ce que je pouvais récupérer de matières végétale et fumiers des fermes voisines. L’apport massif de compost a porté ses fruits et le sol s’est progressivement amélioré. En 1986 j’ai fait la connaissance d’agriculteurs biodynamiques, leur démarche m’a plu mais après cinq ans de pratique j’ai abandonné car trop complexe si l’on veut le faire correctement. Au fil des ans et d’ expériences mon jardinage actuel est basé sur le compost, la couverture permanente du sol avec de la paille, du foin, des tontes et divers engrais verts.

Il y a des buttes, des ados et des caisses. Légumes et fleurs sont mélangés et dispersés dans l’ensemble du jardin. Je prend grand soin de l’environnement et du bien-être des auxiliaires avec la présence de nichoirs pour les oiseaux et les insectes, en particulier pour les osmies ou abeilles maçonnes (cf. photo ci dessous : le nichoir à Osmies est au milieu et à gauche, un gros plan sur l’insecte) très utiles pour la pollinisation en période froide. Il est également important d’avoir une biodiversité végétale maximale.

Enfin une mare abrite grenouilles, tritons, salamandres et sert de lieu de pontes aux libellules.

Une serre-tunnel de 6 x 8m me permet certaines récoltes avec un mois d’avance , de faire les semis de printemps et de récolter tomates, piments et aubergines jusqu’en novembre .

En ce début avril, j’ai planté les pommes de terre, oignons ,salades, semé carottes, salade, persil… la serre est occupée par des pommes de terre a récolter fin mai, les tomates hâtives, les plants de tomates a mettre en place vers le 12 mai a l’extérieur et divers semis.

Depuis un an j’expérimente le BRF, les premiers essais n’ont pas été concluants

J’ai apporté le BRF fin février 2010, semé et planté en avril et mai, je n’ai quasiment pas eu de récolte sur ces essais. J’en ai déduit qu’il faut faire les apports beaucoup plus tôt (octobre ou novembre) pour laisser le temps au sol d’assimiler le BRF.

Voici quelques photos du jardin prises le 14 avril 2011:

« Jardin en caisses » : à Gauche ail + laitue feuille de chêne après des épinards d’hiver ( à noter deux batavias de semis spontané), et à droite fèveroles qui seront hachées et laissées sur place pour une plantation de tomates.

Culture sur ados. Échalotes plantées en novembre. Remarquez la différence entre les 4 pieds avec BRF mis en Mars 2010 et les suivants avec BRF mis a la plantation.
culture sur buttes. Bordure de consoude.

Je conclurai en remerciant Gilles pour son initiative, qui je l’espère fera se rencontrer un grand nombre de jardiniers soucieux d’un avenir plus sain pour l’Homme et la Nature

Jacques

http://lagranderecree.asso-web.com/

A Gauche ail + laitue feuille de chêne après des épinards d’hiver. ( à noter deux batavia de semis spontané)

A droite fèveroles qui seront hachées et laissées sur place pour une plantation de tomates.