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Enregistrement de la conférence du 14 mai « fertilisation et amendement organique au printemps »

Voilà, ça y est, j’ai enfin fini le montage et la mise en ligne de ma conférence de mardi intitulée « fertilisation et amendement organique au printemps », je vous invite à visionner le replay ici :

Concernant les références citées dans l’article :

– Le rapport des suédois sur l’utilisation de l’urine comme fertilisant : http://www.ecosanres.org/pdf_files/EcoRanRes_Urine_Guide_FRENCH_111026.pdf

– les articles de ce blog évoqués à propos du compost, du risque de pertes de nitrates à l’automne, ou encore celui sur la faim d’azote en début de printemps.

– et, comme plusieurs personnes me l’ont demandé, voici le mini diaporama de la conférence à télécharger, au format pdf, sans les animations ou au format diaporama PowerPoint, avec les animations.

 

 

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Replay de la conférence du 27 mars 2019 « la mise en place des cultures en début de printemps »

Voici le replay de la conférence de mercredi soir pour ceux qui n’ont pas pu se connecter !

Il y a été question de mise en place des culture au printemps et plus particulièrement de destruction de prairie, de gestion des mulch, de réchauffement du sol et de gestions des couverts végétaux en cette saison. Et puis, bien sûr, j’ai répondu aux nombreuses questions des auditeurs.

Pour visionner la conférence sur ma chaîne YouTube, c’est ici :

A nouveau, nous avons parlé de fertilisation (d’ailleurs, vu le nombre de question sur le sujet, je pense que je vais consacrer une prochaine vidéo à ce thème) et en particulier d’urine, du coup, je vous remets le lien vers le rapport du Stockholm Envirronment Institute sur le sujet : http://www.ecosanres.org/pdf_files/EcoRanRes_Urine_Guide_FRENCH_111026.pdf

Je vous ai également parlé d’un programme d’accompagnement personnalisé sur le jardinage sur sol vivant, j’en parle un peu plus en détails dans l’article suivant.

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Jardinons

Les sols argileux : corrigeons certaines idées reçues !

Le 6 février dernier, Elisabeth Vérame de l’Observatoire des Sol Vivants et moi même étions invité de Patrick Mioulane sur RMC. Je vous partage ce petit moment radiophonique ici.

Voici le lien si vous souhaitez l’écouter : http://rmc.bfmtv.com/mediaplayer/audio/rmc-0602-votre-jardin-7h-8h-301815.html

Cela me fait très plaisir d’être ainsi invité sur un grand média national. Toutefois, j’avoue que je suis un peu resté sur ma fin, car j’ai eu l’impression de devoir faire des réponses « twitter » en 140 caractères avec impossibilité de développer quoi que ce soit. Bon j’exagère un peu car j’ai un peu développer avec la question du premier auditeur.

Et surtout j’ai été très frustré de ne pas avoir la parole lorsque Patrick Mioulane a établi une « ordonnance » pour la culture des sols argileux (voir l’émission entre les minutage 18′ et 19’50 »).  Mais je me dis en même temps que s’il a affirmé tout cela, c’est ce que ce sont des croyances répandues dans le monde du jardinage. Je profite donc de la tribune que je me suis créé à travers  ce blog pour y répondre, même si j’ai déjà écrit récemment au sujet de ce sols, lors de la sortie du livre de Nicolas Larzillière.

Voici (en italique) les prescriptions que Patrick Mioulane propose à l’auditrice et ce que j’en pense (en graphie normale)

Si le sol est marécageux, il faut drainer. Oui, en effet, d’ailleurs les fameuses buttes permanentes sont une façon de réaliser cela, mais il n’y a aucun rapport entre marécage et sol argileux, on peut tout à fait avoir un sol sableux et marécageux.

– Avantages : garde bien les éléments nutritifs. Tout à fait vrai !

– Apports organiques pour aérer la terre et conserver les éléments. Je suis d’accord avec cela, cela dit une réflexion sur les matières à apporter est nécessaires. Personnellement ma préférence va aux apports de foin ou autre matière fraîche riche en cellulose et susceptible de faire le bonheur des vers de terre. Quant au fait que les matières organiques aident à garder les éléments nutritifs, là encore, c’est vrai, mais dans un sol argileux, ils sont de toute façon bien retenus, cette propriété est donc surtout intéressante en terre sableuse.

– Les sols argileux sont généralement acides donc chaulage tous les 2/3 ans. Là, je sais pas d’où ça sort. Au contraire, les terres qui donnent des sols argileux sont des roches de type marne, molasse, calcaire… qui sont toutes des roches calcaires ! Bien sûr, il existe des argiles acides, je pense notamment aux argiles dites « de décarbonatation » issues à l’origine de roches calcaires et dans lesquelles le calcaire a été entièrement dissous et évacué en profondeur. Mais ce n’est pas la majorité des cas, très loin de là. En général, les sols acides se développent sur des alluvions sableuses, des granits, des gneiss… qui donnent des sols plus ou moins sableux, et en aucun cas des sols argileux ! Cette affirmation est donc fausse.

– Apports de sable grossier. Bon là, il faut reprendre le triangle des textures :

triangle2textures

 

Que voit-on sur ce schéma :

  • Tout d’abord l’énorme zone hachurée qui prend à peu près tout la moitié supérieure du triangle et qui représente les textures considérées comme argileuses, donc collantes, lourdes… Notons que cela correspond aux terres contenant grosso-modo plus de 30% d’argiles.
  • A l’opposé les textures sableuses n’occupent qu’un petit triangle bleu en bas à gauche… En mélange avec des limon, il faut au moins 70% de sable pour avoir une texture sableuse (ou plus exactement sablo-limoneuse) et il en mélange avec des argiles, c’est plus de 85% qu’il faut pour avoir une telle texture !

Qu’est ce que cela signifie ?

Eh bien tout simplement que l’argile influe beaucoup plus la texture d’un sol que le sable. Donc en amenant du sable dans un sol très lourd, il faudrait en amener des quantités énormes pour avoir un effet sensible.

Prenons un exemple : Nous avons un sol de 50 cm de profondeur qui a une texture correspondant au point rouge sur le triangle des texture On part donc d’une terre argileuse qui a 40% d’argiles, 30% de limon et 30% de sables. Quel quantité de sable faudrait-il apporter pour l’amener au point orange de texture dite équilibrée ? Ici, 50 l de sable par m² suffiront, soit 5 m3 pour un potager de 100m², bon ça fait déjà une sacré quantité, tout cela pour avoir finalement une texture quand même encore très proche des textures argileuses. Et en plus, il faudra briefer les vers de terre pour qu’ils ne nous amènent pas le moindre grain de sable en dessous de 50 cm, sinon gare ! et je n’ai aps parlé du chantier pour enfouir tout ce sable…

Bref, c’est un chantier pharaonique pour pas grand chose à l’arrivée, donc on évite, surtout si on veut cultiver un sol vivant !

– Fertilisation au phosphate naturel. Là encore, cela n’est pas propre aux terres argileuses. D’ailleurs les terres les plus pauvres en phosphore sont le plus souvent sableuses, comme les sables des Landes par exemple. Et certaines roches donnant des sols argileux sont parfois très riches en phosphores, comme les basaltes. Ceci est donc à voir au cas par cas et n’est pas si intéressant au final car un sol vivant et organique est tout à fait capable d’amener le phosphore aux plantes selon leurs besoin notamment via les mycorhizes.

– Travail profond. Bon, vous connaissez ma position sur ce thème, je vous fait pas un dessin… en plus, je rappelle que les terre argileuses sont les plus aptes à accueillir de fortes populations de vers anéciques qui travaillent le sol pour nous et bien mieux que nos outils. Notre action devrait donc se borner à leur faciliter la vie en préservant leur milieu de vie et en les nourrissant avec des résidus riches en cellulose !

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Un peu de théorie

Les cinq enseignements que j’aurais aimé recevoir de Charles Darwin pour favoriser les vers de terre dans mon jardin

Que vient faire Charles Darwin dans un blog sur le jardinage ? En effet cet immense savant, sans doute un des plus grands de tous les temps, est surtout connu pour ses travaux sur l’évolution des espèces. Mais ce n’est pas là sa seule contribution à l’avancée des connaissances : Il est aussi le tout premier à s’être intéresser à ces animaux à priori insignifiant que sont les vers de terre ! Il s’y est même intéressé dès les années 1830, même si son ouvrage sur le sujet ne paraît qu’en 1881. Il est donc le tout premier à avoir décrit ces animaux et surtout à avoir compris l’impact exceptionnel qu’ils ont sur le sol et son fonctionnement.

Avant d’entrer dans les enseignements que son travail apporte au jardin, je fais quelques petites précisions sur ces petites bêtes :
Il existe trois principaux de type de vers de terre dans nos jardins :
– Les vers de surface (aussi appelés vers de compost car ils prolifèrent dans les composts) ;
– Les vers endogés qui vivent uniquement sous terre dans des galeries horizontales ;
– Les vers anéciques qui vivent sous terre dans des galeries verticales et qui remontent en surface pour se nourrir.

Ce que je vais expliquer dans cet article concerne surtout les anéciques et, dans une moindre mesure, les endogés qui sont les seuls vers à creuser des galeries et à ingérer la terre. Je ne veux bien sûr pas dire là que les vers de surface sont sans intérêt, au contraire ! Il faut simplement comprendre que leur rôle est celui des recycleurs de la litière de surface, à l’instar de la grande majorité des autres animaux du sol (collemboles, acariens, mille pattes, cloportes, gastéropodes…)

Les cinq enseignements que je vous partage ici concernant ces vers souterrains sont les suivants :
– Ne plus travailler le sol ;
– Mettre à profit leurs galeries pour remplacer le travail du sol, optimiser l’irrigation et favoriser la prospection des racines ;
– Les nourrir en amenant de la cellulose ;
– Ramener au sol les matières vertes produites au jardin ;
– Mettre à profit leurs déjections pour optimiser la fertilisation des cultures.

Premier enseignement : ne plus travailler le sol

Les vers de terre vivent dans la terre, dans des galeries qu’ils ont eux-mêmes creusé en ingérant la terre située devant et en la rejetant derrière eux après avoir prélevée les nutriments qui les intéressent. Lorsqu’on bouleverse le sol, on vient détruire ces galeries et parfois même les vers de terre eux même. Les outils les plus destructeurs sont bien sûr les outils à socs, comme la charrue ou le motoculteur qui tuent les vers qui ont le malheur de se trouver sur leur passage et qui détruisent leur habitat et aussi le garde-manger de ceux d’entre qui remontent en surface pour se nourrir.
Ne plus travailler le sol permet donc tout simplement d’épargner la vie et l’habitat de ces petites bêtes.

 

Le travail intensif du sol a complètement éliminé les vers de terre de ce sol et sa qualité s’en ressent au vu de cette surface minérale durcie et presque imperméable à l’eau.
Le travail intensif du sol a complètement éliminé les vers de terre de ce sol et sa qualité s’en ressent au vu de cette surface minérale durcie et presque imperméable à l’eau.

 

Deuxième enseignement : mettre à profit leurs galeries pour remplacer le travail du sol, optimiser l’irrigation et favoriser la prospection des racines

Bien sûr, remplacer le travail des outils (bêche, motoculteur, grelinette…) n’est pas toujours si simple. Je renvoi pour cela à lecture d’article de mon blog qui traitent ce sujet plus spécifiquement, comme celui-ci ou celui-là. J’insiste ici seulement sur le fait qu’en forant le sol de part en part de leurs galeries, les vers de terre endogés et anéciques l’aèrent bien mieux et beaucoup plus en douceur que n’importe quel outil.
Ce travail du sol est ainsi répartit sur tout le profil du sol et consiste en des galeries de quelques millimètres de diamètre dans lesquels l’eau, l’air et les organismes du sol circulent aisément.
En cas de pluie, même très violente, l’eau s’infiltre très rapidement à travers ce réseau de drainage naturel, évitant ainsi le ruissellement et l’érosion en surface. Une fois que les galeries sont remplies d’eau, celle-ci se diffuse par capillarité à l’ensemble du sol. Les vers de terres nous aident donc à valoriser au mieux l’eau qui tombe du ciel, aussi bien que celle qui tombe de nos arrosoirs. Ils sont une aide précieuse pour optimiser l’irrigation. En plus le sol criblé de galeries s’humectant par le bas (au fur et à mesure que les galeries se remplissent), cela incite les racines à explorer le sol en profondeur.

Ce profil de sol montre l’importance des galeries de vers de terre dans l’aération du sol !
Ces galeries sont également de voies privilégiées pour le développement des racines des plantes qui se frayent ainsi un passage très facilité vers les couches de sol profond et plus humide que la surface.

Racine dans une galerie de ver de terre.
Racine dans une galerie de ver de terre.

Troisième enseignement : nourrir les vers de terre en amenant de la cellulose (foin, feuilles…)

La nourriture préférée des vers de terre se compose de matériaux riches en cellulose, comme de herbes ou des feuilles. Afin de les nourrir efficacement, il faut leur apporter cette nourriture en abondance, cela peut être facilement réalisé avec un apport de foin ou de feuilles mortes. En revanche, de la paille ou du BRF sont beaucoup plus ligneux et donc moins intéressant pour nourrir les vers de terre. Il se peut toutefois que vous observiez plus de vers de terre sur un sol paillé avec ces matériaux que sur un sol nu avoisinant, mais c’est plus dû à un meilleur maintien de l’humidité par ces matériaux qu’à leur capacité à être consommés par les vers.

Un mulch de foin : rien de tel pour nourrir notre élevage souterrain de vers de terre !
Un mulch de foin : rien de tel pour nourrir notre élevage souterrain de vers de terre !

Si ces matériaux naturels venaient à faire défaut chez vous, vous avez également la possibilité d’utiliser des papiers et des cartons (les choisir marron et sans inscription et en retirer les scotchs éventuels). Ces matériaux sont de la cellulose quasiment pure et peuvent donc nous aider à nourrir les vers de terre en plus de nous aider à limiter l’enherbement sans aucun travail du sol.

Quatrième enseignement : ramener au sol les matières vertes produites par le jardin

Bien sûr de telles matières riches en cellulose poussent directement dans le jardin, c’est ainsi que la plupart des résidus de culture, que ce soit au potager ou au jardin sont une nourriture de choix pour nos hôtes préférés ! Ramenez donc au sol toutes les matières végétales que vous ne récoltez pas !
En plus, vous pouvez aussi faire des cultures exprès pour les nourrir : ce sont les couverts végétaux qui, après destruction, ramènent une grande quantité de matières vertes au sol, les vers se délectent de celles-ci. Nourrir efficacement les vers de terre est donc un des multiples effets positifs des couverts.
En ramenant ainsi systématiquement au sol vos résidus de cultures et de couverts végétaux vous d’entretenez tout au long de l’année le garde-manger de nos amis souterrains ! C’est encore plus intéressant pour eux qu’un apport massif de foin une fois par an !

Un couvert végétal fin avril.
Un couvert végétal fin avril.
La végétation qu’il laisse au sol après destruction.
La végétation qu’il laisse au sol après destruction.
Le sol deux semaines plus tard : les dix premiers centimètres sont remplis de turricules de vers de terre…
Le sol deux semaines plus tard : les dix premiers centimètres sont remplis de turricules de vers de terre…

Cinquième enseignement : Mettre à profit leurs déjections pour optimiser la fertilisation des cultures

Les déjections des vers de terre sont un peu particulières, on les appelle turricules et c’est un mélange intime de terre (ils ingèrent de la terre pour creuser leurs galeries) et de matières organiques. Le tout très enrichit en micro-organismes (bactéries, protozoaires…).
Cette richesse en micro-organismes permet de rendre les éléments minéraux dont les plantes ont besoin d’être plus accessible dans les déjections des vers de terre que dans le sol environnant. En conséquence un sol riche en vers de terre permet de réduire la fertilisation des plantes ! Bien sûr il est très difficile de quantifier cet effet, mais il participe au fait que les jardiniers qui travaillent avec un sol vivant ont moins besoin de fertiliser que les autres !

Turricule de vers de terre.
Turricule de vers de terre.
Un ver de terre en train de déféquer : le début de la formation d’un turricule
Un ver de terre en train de déféquer : le début de la formation d’un turricule

En conclusion, ce cher Darwin avait donc vu juste : parmi les milliers d’animaux qu’il a étudiés, il a bien compris que ceux sont particulièrement importants dans le fonctionnement de nos sols et donc extrêmement utiles au cultivateur, qu’il soit céréalier ou jardinier sur quelques mètres carré ! Cela grâce au forage incessant du sol qu’ils réalisent et grâce à la richesse biologique et chimique de leurs déjections. Bien sûr pour bénéficier de tels effet, il faut respecter leur habitat en travaillant le moins possible le sol et les nourrir avec toutes sortes de matières riches en cellulose. Matières que l’on peut apporter ou bien produire sur place !

Je vous souhaite bonne mise en œuvre de ces conseils pour 2015 !

Pour aller plus loin sur les vers de terre :

Des vers de terre et des hommes : Découvrir nos écosystèmes fonctionnant à l’énergie solaire Par Marcel Bouché

Cet article participe à l’événement inter-blogs « Les 5 choses que j’aurais aimé que l’on me dise avant de commencer mon potager » organisé par le blog PotagerDurable.
Pour découvrir ce qu’ont écrit les autres blogueurs, cliquez sur ce lien :
Voir la liste des articles participants.

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Un peu de théorie

Rôle agronomique n°3 : la nutrition des végétaux

Je vous dois cet article depuis le mois de juin, mais suite à mon retour du Vietnam qui fut assez mouvementé, j’ai laissé de côté cette tâche. Je corrige enfin cette négligence avec ce texte sur le troisième rôle agronomique de la vie des sols : la fourniture de nutriments aux végétaux, article qui fait suite aux trois premiers postés sur le sujet: selon vous, quels sont les rôles agronomiques de la vie des sols ? rôle agronomique n°1 : la transformation des matières organiques et rôle agronomique n°2 : la structuration des sols.
Voici un thème qui touche directement la question de la fertilisation : l’agronomie du XXème siècle a été bâtie sur le mythe de la fertilisation chimique basée essentiellement sur trois éléments : l’azote (N), le phosphore (P) et le potassium (K), le fameux trio NPK qui résonne désormais dans le langage agronomique comme la sainte trinité dans celui de la religion chrétienne.
En effet ces éléments sont très importants pour les plantes : l’azote est un constituant des protéines, de l’ADN…, le phosphore entre dans la composition de l’ATP et de l’ADP et de certaines protéines (les fameuse lécithines), participe à la mise à fruit… et le potassium enfin régule l’absorption de l’eau du sol par les racines, active certaines enzymes…
Non, ce que je mets ici en question, ce n’est pas l’importance de ces éléments, mais la manière de les amener aux végétaux. Travailler avec la vie permet d’entrevoir des pistes pour améliorer le prélèvement de ces éléments par les plantes uniquement grâce à la vie du sol.

Fixation biologique de l’azote atmosphérique

Déjà évoqué dans l’article « l’azote dans tous ses états », la principale entrée de l’azote dans le monde vivant est due à des bactéries qui se nourrissent de l’azote de l’air en le transformant en ions ammonium (NH4+) utilisable plus ou moins directement par ces mêmes bactéries ou par les plantes avec lesquelles elles vivent en symbiose.
Ces bactéries vivent selon plusieurs modes de fonctionnement :
–    Certaines, comme les Azotobacter ou les Clostridium (cyanobactérie typique des rizières) se nourrissent des matières organiques du sol, elles participent à augmenter la teneur en azote total du sol, azote qui deviendra accessible tôt ou tard pour une plante ;
–    D’autres vivent au voisinage immédiat des racines, voire à l’intérieur des végétaux et se nourrissent directement de produits issus de la photosynthèse, c’est ce qu’on appelle la fixation associative, l’azote qu’elles fixent est disponible pour les végétaux après la mort de la bactérie ;
–    Certaines enfin, et c’est la voie la plus efficace de transfert d’azote depuis l’atmosphère vers la biosphère, vivent en symbiose avec des végétaux au sein de nodules qui se forment sur les racines. C’est le cas par exemple des bactéries filamenteuses (actinobactéries) du genre Frankia qui vivent en symbiose avec des végétaux ligneux tels que les aulnes, les argousiers, les filaos… Et c’est surtout le cas des rhizobium qui forment une symbiose extrêmement importante au niveau planétaire : la symbiose légumineuses-rhizobium.

Mycorhizes

J’ai déjà parlé de cette symbiose entre végétaux et champignons dans un article qui leur est consacré. Les champignons mycorhiziens à arbuscule (MA), qui vivent en symbiose avec l’immense majorité des végétaux cultivés, sont d’une aide très précieuse pour alimenter les végétaux en nutriments peu solubles et donc difficile d’accès pour ces dernières. Il s’agit notamment du phosphore et du zinc (élément qui entre dans la composition d’enzymes et d’hormones de croissance et qui aide à la synthèse de la chlorophylle).
D’autres champignons, les champignons ectomycorhiziens, qui vivent en symbiose avec des espèces d’arbres tels que les chênes, les pins, les hêtres, les bouleaux…, ont également une action importante sur la nutrition en azote de leurs arbres hôtes notamment en allant chercher cet élément directement dans la matière organique du sol.

Activité de la pédofaune
La pédofaune joue un rôle clé dans la fragmentation et  la décomposition des matières organiques fraîches (voir rôle agronomique n°1). A l’instar de tout les autres animaux de la planète, ceux de la pédofaune concentrent l’azote issus de leur nourriture dans leurs tissus. Leurs cadavres et leurs déjections reviennent donc à une transformation en fumure animale des matières organiques d’origine végétale qui forment la majorité des matières organiques fraiches qui arrivent au sol.
L’action de micro-organismes sur ces cadavres et excréments libère de azote assimilable par les végétaux.

Libération d’azote et autres nutriment dans la rhizosphère
Afin de voir les élément minéraux essentiel à son métabolisme disponible à proximité immédiate de leurs racines (la zone du sol justement appelée rhizosphère), les plantes ont recours à un processus ingénieux : elle font de l’élevage de micro-organismes ! Pour ce faire, elles libèrent directement dans le sol des composés organiques qui nourrissent ces derniers, ce qu’on appelle la rhizodéposition. A première vue, c’est de l’énergie gâchée, mais en y regardant de plus près, il s’avère que les micro-organismes nourris par ces composés sont en réalité utilisés par la plante pour se nourrir.
Dans les années 80, une scientifique américaine, Mariane Clarholm, a mis en évidence que du blé cultivé sans engrais mais avec des bactéries et des amibes prédatrices de bactéries assimilait trois à quatre fois plus d’azote qu’un blé qui poussait avec les seules bactéries.
Voici l’explication de ce phénomène : la plante libère dans le sol via la rhizodéposition des composés riches en carbone et pauvre en azote, ces composés sont immédiatement consommés par les bactéries qui, pour équilibrer leur alimentation, doivent aller chercher l’azote dans le sol environnant, essentiellement sous des formes organiques non assimilables telles quelles par les végétaux. Ces bactéries sont ensuite la proie d’amibes. L’azote qui composait la bactérie est utilisé pour un tiers par l’amibe, un autre tiers rejoint le stock de matière organique du sol et le dernier tiers et rejeté sous forme ammoniacale à proximité immédiate des racines. Cet ammonium est alors absorbé par la plante soit tel quel, soit après nitrification.

schéma de l’aide à la nutrition azotée des plantes liée à l’activité des bactéries et amibes de la rhizosphère. Schéma issu de Gobat et al. 2010, le Sol Vivant.

L’activité bactérienne de la rhizosphère permet également la mise à disposition d’autres éléments, en particulier le phosphore et le fer, mobilisés grâce à l’activité de bactéries qui vont chercher ces éléments soit dans les minéraux, soit dans la matière organique.

La vie du sol : un engrais naturel ?
Peut-on dire pour autant que la vie du sol représente un engrais naturel ? La réponse est à la fois oui et non.
En effet, lorsque des éléments sont amenés dans le sol par l’activité notamment bactérienne, comme dans le cas de fixation biologique de diazote ou de la libération de nutriments depuis la matière minérale, ces apports sont en effet assimilables à des engrais car l’activité biologique fait entrer dans le système sol/plante des éléments qui n’en faisait pas partie.
En revanche, lorsqu’il s’agit de libération de nutriments depuis la matière organique du sol (cas des prélèvements mycorhiziens, ou de la mise en solution de l’azote par la chaîne alimentaire rhizodépôt-bactérie-amibe ou encore du phosphore contenu dans les matières organiques), il s’agit de nutriments qui sont déjà contenus dans le système sol/plante car ils ont déjà transité par les végétaux ou les organismes du sol avant d’être intégrés à la MO et remis en solution par l’activité bactérienne.

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Un peu de théorie

Les flux d’énergie au jardin : une nouvelle approche de la fertilisation

L’énergie au jardin… Quel est donc cet étrange concept ? Vous avez tous entendu parler de la fertilisation sous ses différentes formes, de la nécessité d’apporter au sol des éléments nutritifs, de la matière organique… Mais de l’énergie, c’est beaucoup moins évident !

En fait une approche énergétique du jardinage ou de l’agriculture est tout bonnement une autre approche de la fertilisation. Dans cette approche, les plantes sont perçues comme un capteur solaire qui transforme l’énergie lumineuse du soleil en énergie chimique, c’est à dire l’énergie qui lie  entre eux les atomes de carbone, hydrogène, oxygène, azote et bien d’autre dans toutes les molécules qui les composent : sucres, protéines, cellulose, lignine, polyphénols…. Et les matières organiques du sol sont simplement le mode de stockage de cette énergie dans le sol. Qu’est ce que cela apporte au niveau pratique ? C’est ce que je vais vous expliquer un peu plus loin, détaillons d’abord un peu plus les flux d’énergie au jardin.

Cette énergie : d’où vient-elle, comment se transforme-t-elle ?

Votre jardin, comme toute surface de terre recouverte de végétation est un véritable capteur solaire ! Je vous disais juste au dessus que les végétaux, grâce à la photosynthèse, captent l’énergie solaire et la transforment en énergie chimique. Ensuite cette énergie est transmise à tous les organismes qui se nourrissent directement de tissus végétaux vivant ou en décomposition. Cette transmission suit des voies aussi différentes que la consommation d’exsudat racinaires par des champignons, bactéries et animaux du sol, la chute des feuilles, la mort des racines fines, le broutage par les herbivores, les symbioses racinaire (mycorhizes et bactériorhizes), le parasitisme des plantes par des champignons, insectes, nématodes…

Cette énergie est ensuite transmise aux prédateurs de ces organismes et ainsi de suite. Mais bien sûr à chaque étape une grande partie de l’énergie est perdue sous forme de chaleur du fait du métabolisme des êtres vivants par lesquels elle transite. C’est ainsi que les quelques microgrammes de la puce qui parasitent le lion ont nécessité beaucoup plus de photosynthèse que ceux du cloporte qui se nourrit directement de végétaux en décomposition !

Voici un schéma (très) simplifié des flux d’énergie dans un écosystème naturel (cliquer sur l’image pour l’agrandir) :

Cela amène à deux conclusions directement pratiques pour le jardinier : l’utilisation en préférence de matières organiques d’origine végétales et la couverture permanente des sols.

Les matières organiques d’origine végétales :

Lorsque vous apportez au sol du fumier de vache, le carbone qu’il contient a d’abord été fixé par une plante, puis été mangé par la vache et enfin seulement rejeté sous forme de bouse. Une grande partie du carbone, donc de l’énergie solaire fixée par la plante est partie sous forme de chaleur dans le métabolisme de la vache. Et je ne parle même pas de ce qui est éventuellement perdu par compostage, souvent nécessaire dans ce type de situation.

A l’inverse un couvert végétal détruit directement après avoir produit plusieurs kilogrammes de matière sèche au m², fait profiter directement de toute sa biomasse au sol. C’est ainsi qu’il aura fallu beaucoup plus de végétaux pour fertiliser votre sol avec du fumier qu’avec le couvert végétal ! Cela vient contredire le mythe de la complémentarité agriculture-élevage encore prépondérant en agriculture bio. En effet, une approche énergétique indique que la fertilisation la plus efficace passe directement par les végétaux et non par les tubes digestifs des animaux !

Cela ne signifie pas que vous ne devez pas utiliser d’excrément animaux pour fertiliser votre jardin, il est évident que si vous avez des animaux, il serait vraiment dommage de gaspiller la formidable ressource que constitue leurs excréments. Mais si vous n’en avez pas ou pas assez pour fertiliser votre parcelle, il est inutile de battre la campagne pour aller chercher du fumier, il y a beaucoup mieux à faire !

L’année dernière, j’avais vu dans le film de Coline Serreau « Solutions locales pour un désordre global » (film qui contient par ailleurs de très bonnes idées) un passage sur la fertilisation du riz dans le sud de l’Inde à partir d’un mélange de divers ingrédients, dont du lait de vache… Après ce qui précède, je pense que vous aurez compris que si utiliser des sous produit d’élevage est peu efficace d’un point de vue énergétique, utiliser un produit comme le lait est un véritable non sens ! Je regrette qu’une cette pratique soit proposée comme une solution, cela nuit à la crédibilité du film, c’est dommage.

A l’opposé si vous amenez au sol du BRF, vous injectez directement dans le sol l’énergie solaire fixée par l’arbre sous forme de cellulose, de lignine, de polyphénols… Un reproche souvent fait à ce type de pratique est la grande quantité de matière première nécessaire pour avoir un effet probant. L’approche énergétique que je propose ici nous donne un élément de solution : pour diminuer la nécessité d’apporter du BRF, il faut améliorer la fixation d’énergie au sein même du jardin, ce qui est très facile à réaliser en couvrant en permanence le sol avec des plantes vivantes !

La couverture permanente des sols :

L’air de rien, cette approche énergétique change complètement le regard porté aux matières organiques du sol. C’est du carbone, certes, mais c’est aussi et surtout de l’énergie solaire stocké dans le sol ! Et les plantes, quelles qu’elle soient, sont comme des panneaux solaire. Vu comme cela, que dire d’un sol nu au début du printemps ? Sinon que cela équivaut à des panneaux solaire recouverts d’une bâche opaque. Pendant des mois comme avril et mai au cours desquels les journées sont longues et souvent ensoleillées, comme cette année, quel gâchis ! Or en traversant nos riantes régions de France et de Navarre, que de sols encore à nu en cette fin avril 2011, tant dans les jardins que dans les champs… Qui dit sol nu, dit déficit d’énergie solaire fixée par les plantes, donc déficit de matière organique crée in situ et donc de matière organiques apportée au sol… Du coup, il faut en amener par un autre moyen (fumier, BRF, paille…).

Vous l’aurez compris, je trouve primordial de laisser le potager toujours couvert et de préférence avec des plantes vivantes ! C’est pourquoi je conserve mes couverts végétaux au moins jusque fin avril, voire début mai et pourquoi je trouve indispensable de consacrer une bonne partie du potager aux cultures d’hiver et si possible d’enchaîner tout de suite derrière avec une culture d’été !

Voici pour cette brève approche énergétique du jardinage qui a pour but de proposer une compréhension de la fertilisation qui au lieu d’être basée sur la mise à disposition de nutriments (par des apports chimique ou organique) est basé sur la quantité de carbone atmosphérique et donc d’énergie solaire fixée par la végétation et ramenée directement au sol ! Que vous soyez ou non déjà familier de type d’approche, je vous invite à laisser ci-dessous votre commentaire ou vos questions.