Catégories
Lecture d'ouvrage

« Mon Jardin Paradis » de Gilles Leblais

Je n’avais pas encore refais de chronique sur la lecture d’un ouvrage depuis celle de cet hiver sur « collaborez avec les bactéries et autres micro-organismes du sol » de Lowenfield et Lewis. Alors je corrige un peu cette lacune en vous présentant un très beau livre sortit cette année : « Mon Jardin Paradis » de Gilles Leblais, paru aux éditions Terre vivante.

Ce qui apparaît en premier à la lecture de ce livre c’est la beauté des textes et des photos. En effet, l’auteur, photographe naturaliste et observateur sensible de la nature n’a de cesse d’exprimer son amour des animaux et des milieux naturels qui l’entoure, que ce soit à travers l’objectif de son appareil photo ou à travers sa plume d’écrivain poète. En plus, non content de nous révéler un beau livre, il nous propose un contenu passionnant que je vous invite à découvrir brièvement ici.

Il nous amène d’abord dans les différents milieux que Gilles Leblais constitue dans ses jardin afin d’attirer la faune sauvage pour le plus grand bonheur du naturaliste qu’il est. C’est ainsi qu’il nous fait visiter successivement ses haies et bosquets, ses vieux bois, sa mare, les vieux murs et le cabanon du jardin, la pelouse fleurie et enfin son compost et son potager. Pour chacun de ses milieux, il nous explique les animaux qu’il attire, leur rôle dans l’écosystème de son jardin et des conseils pour créer et entretenir ces milieux.

De tous ces milieux les premiers que nous visitons avec lui sont ses formation arborées (haies et bosquets) composées de préférence d ‘essences locales et qui représentent à la fois un habitat et un garde manger pour de nombreux animaux tels que des oiseaux, des mammifères, des insectes… Le choix des essences est bien entendu primordial, de même que la plantation qui doit être soignée. L’auteur nous propose de nombreuses indications à ces propos (si vous souhaitez approfondir encore plus le sujet, vous pouvez vous référer au livre de Bernard Gambier  » Haies champêtres : La nature au jardin «  aux éditions De Vecchi).

Au sein même de ces formations arborées, un milieu est tellement important qu’il mérite un chapitre à lui tout seul, il s’agit des vieux bois, des bois morts et des branchages, vous savez, ceux qu’on brûle dans la plupart des jardins parce qu’il paraît que ça fait sale… Pour le jardinier « sol vivant », il est bien évident que le bois mort sous toutes ses formes a sa place dans le jardin puisque les arbres creux sont un habitat qui attire les pics, les chouettes… que les tas de branches sont un abri pour de nombreux mammifères (hérisson, musaraignes…) et insectes…

Ces deux premiers milieux de vie ont l’avantage de se former tout seuls avec la présence des arbres, il n’en est pas de même avec la mare qui est pourtant un habitat d’une grande importance dans un jardin vivant puisqu’il abrite toute sorte d’animaux dont de nombreux auxiliaires de culture (crapauds, grenouilles, tritons, libellules, couleuvres…) qui consomment les ravageurs de votre jardin. Les oiseaux apprécient aussi particulièrement la présence d’eau qui leur permet de désaltérer et de se baigner. En plus il s’agit d’un élément particulièrement esthétique du jardin à condition que les plantes qui l’habillent soient choisies et implantées avec soin. Là encore l’auteur vous accompagne dans cette création (il a d’ailleurs également écrit l’année dernière un livre spécifiquement dédié à ce thème : « j’aménage ma mare naturelle », également aux éditions Terre Vivante).

Que dire des vieux murs et du cabanon de jardin ? Sinon qu’il s’agit encore de milieux particulièrement propice à certains animaux. Les vieux murs et les tas de pierre attirent toutes sortes d’animaux qui apprécient les milieux secs, comme certaines araignées, lézards et de nombreux oiseaux et mammifères. L’hermine par exemple apprécie les murets comme poste d’observation pour guetter ses proies. Quant au cabanon, il voit s’inviter oiseaux qui y nichent comme les hirondelles, les troglodytes, ou les rouges-gorges. Les mammifères (hérissons, musaraignes, martres, et même renard) apprécient également ce refuge et y élisent facilement domicile !

La pelouse en prairie fleurie, nous en avons bien sûr déjà parlé sur ce blog (voir article sur la gestion différenciée) et bien sûr, il s’agit là d’un point commun entre Gilles Leblais, moi et la plupart d’entre vous ! Il nous apprend ici que les hautes herbes sont le refuge d’araignées remarquables (argiopes, épeires, pisaures). Contrairement à mon approche dans laquelle je me contente de gérer ce qui pousse, l’auteur nous propose ici également d’ensemencer la pelouse-prairie avec des espèces de fleurs champêtres qui nous semblent manquer.

A propos du potager, l’auteur nous amène directement visiter son tas de compost en nous indiquant comment le réaliser. Un des aspects qu’il aime dans le compost est sa capacité à attirer toute une vie microbienne bien sûr, mais aussi animale, jusqu’à des crapauds et des couleuvres, ces dernières venant y pondre leurs œufs. Dans le potager proprement dit, où il fait grand usage des extraits de plantes (macérations et infusion), il cultive avec les légumes tout un mélange de fleurs aux qualités tant ornementales qu’utilitaire en raison de leur action répulsive sur certains ravageurs.

La suite de l’ouvrage vous amène plus en détail à la découvertes des hôtes de son jardin et de possibles aménagements pour les attirer. Les oiseaux tout d‘abord, Gilles Leblais étant ornithologue depuis plus de trente ans, il est bien normal qu’ils soient les premiers à être mis en avant ! Les oiseaux ont deux grand types d’alimentation principaux : insectivores, comme les pics, les mésanges, les roitelets, les merles et les grives ou granivores et frugivores, comme les pinsons, les verdiers ou les chardonnerets. Les granivores et frugivores de l’hiver sont souvent aussi insectivores à la belle saison.

Toute sorte de « bêtes à poil », occupent son jardin, il s’agit du monde des mammifères : musaraignes, hérissons, mulots, écureuil, hermine, fouine, martre, blaireau, renard et même chevreuil, sanglier, lapins et lièvre qui sont pourtant souvent fort mal considérés par les jardiniers. En revanche, d’après l’auteur, chien et chats n’ont pas leur place dans son jardin vivant en raison de la prédation excessive qu’ils effectuent sur certains mammifères, oiseaux, reptiles et papillons.

Les reptiles dans toute leur diversité sont également les bienvenus : les lézards bien sûr (lézard des murailles, lézard vert, orvet…) mais aussi les serpents. Parmi ceux-ci les différentes couleuvres de nos régions (couleuvre à collier, couleuvre d’esculape, coronelle…) sont parfois observées dans son jardin, ainsi que, mais de façon exceptionnelle, des vipères (il a observé une seule fois une vipère aspic en de très nombreuses années de jardinage).

Il nous fait ensuite visiter le monde fascinant des insectes : les papillons, qu’il surnomme joliment les chorégraphes de l’azur, les abeilles sociales ou solitaires (comme les osmies chères à Jacques 😉 ) , les bourdon, les syrphes, mais aussi les mal-aimés guêpes et frelons, qui sont pourtant les bienvenus dans son jardin.

Vient alors ce qu’il nomme le petit peuple de l’herbe, il s’agit là de toute une cohorte d’insectes divers et variés (coléoptères, fourmis, criquets, grillons, sauterelles, mantes religieuses…), d’araignées et aussi de notre chère pédofaune qui m’est bien plus familière !

La nuit, enfin, son jardin devient le domaine de chauves souris et des rapaces nocturnes, y compris les fascinants hibou grand duc et chouette effraie (la dame blanche).

Pour tous ces animaux, l’auteur nous propose de nombreux plan pour leur confectionner des nichoirs, des abris… avis aux bricoleurs !

Voilà donc pour la succincte présentation de ce livre qui donne du baume au cœur tant il est empli de l’amour du vivant et tant il nous offre d’idée pour prendre soin de la nature au quotidien, dans son jardin ! Une belle leçon d’humanité au final !


Gilles Leblais 2011, mon jardin paradis. Ed. Terre Vivante: lien d’achat

Catégories
Jardiniers-reporters

Le jardin bio de Jacques dans les Hautes Pyrénées

Bonjour, je m’appelle Jacques Subra, j’ai 67 ans et je suis retraité, après une formation de mécanicien, mon parcours professionnel a été assez diversifié.

Mécanicien, conducteur d’engins TP, artisan, quelques séjours a l’étranger, chef d’atelier en construction mécanique et pour finir, serrurier soudeur. Tout ceci m’a permis d’acquérir connaissances et ouverture d’esprit.

Gilles nous a proposé, a moi et d’autres jardiniers amateurs passionnés de participer a sa démarche de vulgarisation du jardinage « SOL VIVANT », ce que j’ai accepté avec plaisir car je pratique moi-même depuis une trentaine d’année en harmonie avec la nature et le respect du vivant.

En 1976 j’ai acquis un terrain de 5000m2 a Séron, commune rurale de 250 habitants dans les Hautes-Pyrénées, pour construire ma maison.

Situé sur un plateau , entre Tarbes et Pau a 380 mètres d’altitude le terrain est sur un versant exposé nord-ouest, le sol argileux-caillouteux n’avait jamais été cultivé. Couvert de fougères, genêts et ronces, la couche de terre végétale n’excédait pas quelques centimètres. Dès le début mon souhait a été de créer un espace de biodiversité avec un jardin cultivé en bio. En 1980 j’ai donc commencé à planter des arbres et arbustes divers, des haies et des fruitiers. Le jardin a commencé à prendre forme avec au début de piètres résultats vu la pauvreté du sol. Je me suis documenté et cherché une méthode de jardinage bio (je suis fils de paysan, ça aide !) Celle qui m’a paru la plus intéressante était la méthode Lemaire-Boucher a base d’algues (lithothamne) et d’extraits végétaux.

De bons résultats, mais obligation d’achat de produits extérieurs, alors que ma démarche était le moins d’intrants possible. Parallèlement j’ai commencé a composter avec tout ce que je pouvais récupérer de matières végétale et fumiers des fermes voisines. L’apport massif de compost a porté ses fruits et le sol s’est progressivement amélioré. En 1986 j’ai fait la connaissance d’agriculteurs biodynamiques, leur démarche m’a plu mais après cinq ans de pratique j’ai abandonné car trop complexe si l’on veut le faire correctement. Au fil des ans et d’ expériences mon jardinage actuel est basé sur le compost, la couverture permanente du sol avec de la paille, du foin, des tontes et divers engrais verts.

Il y a des buttes, des ados et des caisses. Légumes et fleurs sont mélangés et dispersés dans l’ensemble du jardin. Je prend grand soin de l’environnement et du bien-être des auxiliaires avec la présence de nichoirs pour les oiseaux et les insectes, en particulier pour les osmies ou abeilles maçonnes (cf. photo ci dessous : le nichoir à Osmies est au milieu et à gauche, un gros plan sur l’insecte) très utiles pour la pollinisation en période froide. Il est également important d’avoir une biodiversité végétale maximale.

Enfin une mare abrite grenouilles, tritons, salamandres et sert de lieu de pontes aux libellules.

Une serre-tunnel de 6 x 8m me permet certaines récoltes avec un mois d’avance , de faire les semis de printemps et de récolter tomates, piments et aubergines jusqu’en novembre .

En ce début avril, j’ai planté les pommes de terre, oignons ,salades, semé carottes, salade, persil… la serre est occupée par des pommes de terre a récolter fin mai, les tomates hâtives, les plants de tomates a mettre en place vers le 12 mai a l’extérieur et divers semis.

Depuis un an j’expérimente le BRF, les premiers essais n’ont pas été concluants

J’ai apporté le BRF fin février 2010, semé et planté en avril et mai, je n’ai quasiment pas eu de récolte sur ces essais. J’en ai déduit qu’il faut faire les apports beaucoup plus tôt (octobre ou novembre) pour laisser le temps au sol d’assimiler le BRF.

Voici quelques photos du jardin prises le 14 avril 2011:

« Jardin en caisses » : à Gauche ail + laitue feuille de chêne après des épinards d’hiver ( à noter deux batavias de semis spontané), et à droite fèveroles qui seront hachées et laissées sur place pour une plantation de tomates.

Culture sur ados. Échalotes plantées en novembre. Remarquez la différence entre les 4 pieds avec BRF mis en Mars 2010 et les suivants avec BRF mis a la plantation.
culture sur buttes. Bordure de consoude.

Je conclurai en remerciant Gilles pour son initiative, qui je l’espère fera se rencontrer un grand nombre de jardiniers soucieux d’un avenir plus sain pour l’Homme et la Nature

Jacques

http://lagranderecree.asso-web.com/

A Gauche ail + laitue feuille de chêne après des épinards d’hiver. ( à noter deux batavia de semis spontané)

A droite fèveroles qui seront hachées et laissées sur place pour une plantation de tomates.

Catégories
Jardinons

Le Jardinage Sol Vivant : Quelles Techniques ?

J’ai définit dans mon article précédent ce qui me paraît incompatible avec le jardinage « sol vivant », il est donc grand temps de vous parler des pratiques qui vont dans le sens de la formation d’un sol roche en humus, en bactéries, champignons et animaux divers et variés qui s’occupent de fertiliser, aérer, brasser, structurer… votre sol tant chéri ! La liste que je propose ici est certainement incomplète, mais ce sont les pratiques qui me semblent à ce jour les plus pertinentes : Les couverts végétaux, les paillages, les Bois Raméaux Fragmenté, les extraits végétaux, la création d’un environnement favorable.

Les couverts végétaux

Ne jamais laisser un sol nu, voici un mot d’ordre capital dans le jardinage « sol vivant » ! Alors le meilleur moyen c’est d’intercaler entre deux cultures un bon couvert végétal (alias engrais vert dans certains cas ou CIPAN pour Culture Intermédiaire Piège à Nitrates dans d’autres). En effet, aucun paillage n’est aussi efficace la présence d’une couverture végétale vivante ! La biomasse produite in situ, l’azote fixé par les Rhizobium des légumineuses, la structuration du sol, la libération de sucres et autres composés carbonés par les racines sont des alliés indispensables des organismes du sol !

Floraison de la vesce dans un couvert de type « biomax » composé de multiples espèces (avoine, fèverole, fénugrec, moutarde, radis fourrager…)

Les paillages

 

Là encore indispensables pour économiser les arrosages, mais aussi pour apporter de la matière organique au sol et de la nourriture à nos chères bactéries, champignons et animaux souterrains, les paillages sont très nombreux. Je ne cite ici que ceux qui peuvent être produit dans le jardin ou fabriqués à partir de déchets faciles d’accès : foin, feuilles mortes, cartons d’emballage, tontes de gazon, déchets de cuisines… Bien entendu les rayons des jardineries allongent largement cette liste !

Les Bois Raméaux fragmentés

Ben oui, quand même, à la base c’est là ma spécialité, fallait bien que j’en parle tôt ou tard ! Il s’agit tout simplement de branches broyés à utiliser comme paillage, mais aussi comme amendement pour améliorer le sol et nourrir des chaînes alimentaires très spécifiques (champignon spécialisés et leurs prédateurs). On enrichit ainsi la biodiversité du sol et complète les apports des couverts végétaux vivants et des paillages.

Jeunes fèves sous paillage de BRF
Le « purin » d’orties… Un jeu d’enfant !

Les extraits végétaux

Bien sûr les insectes et les maladies sont quand même là, il faut bien faire quelque chose, les extraits végétaux qui agissent plus sur la physiologie de la plante que sur les parasites et ravageurs me semblent être le meilleur

moyen, alors vive les« purins d’Orties et Compagnies » ! Et un pied de nez au passage à l’industrie agro-pharmaceutique qui décidément ne sert… à rien !

L’environnement

S’il est incontournable de chérir votre sol, vos efforts seront encore mieux récompensés si l’environnement est favorable aux auxiliaires de culture et à la mise en place d’un micro-climat favorable, cela passe par la présence d’arbres et arbustes champêtres (isolés ou sous formes de haies ou de bosquets), de mares, de rocailles…

Chez Jacques Hébert, pépiniériste et pionnier des BRF au Québec, l’amélioration de l’environnement avec mares et haies a autant d’importance que la gestion du sol !

Si vous restez sur votre faim, je vous rassure tout de suite, tous ces thèmes feront l’objet d’articles à venir, il y a tant et tant à écrire sur eux ! Par contre certains se disent déjà (si, si je vous entends penser très fort) : « Mais quel étourdit, il a oublié les composts ! ». Et bien non, je les ai pas oublié, je n’ai rien contre leur usage, mais si je n’en ai pas parlé ici c’est qu’il n’y aucune raison d’en faire une clé de voûte de notre système… A suivre !