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Un peu de théorie

Les cinq enseignements que j’aurais aimé recevoir de Charles Darwin pour favoriser les vers de terre dans mon jardin

Que vient faire Charles Darwin dans un blog sur le jardinage ? En effet cet immense savant, sans doute un des plus grands de tous les temps, est surtout connu pour ses travaux sur l’évolution des espèces. Mais ce n’est pas là sa seule contribution à l’avancée des connaissances : Il est aussi le tout premier à s’être intéresser à ces animaux à priori insignifiant que sont les vers de terre ! Il s’y est même intéressé dès les années 1830, même si son ouvrage sur le sujet ne paraît qu’en 1881. Il est donc le tout premier à avoir décrit ces animaux et surtout à avoir compris l’impact exceptionnel qu’ils ont sur le sol et son fonctionnement.

Avant d’entrer dans les enseignements que son travail apporte au jardin, je fais quelques petites précisions sur ces petites bêtes :
Il existe trois principaux de type de vers de terre dans nos jardins :
– Les vers de surface (aussi appelés vers de compost car ils prolifèrent dans les composts) ;
– Les vers endogés qui vivent uniquement sous terre dans des galeries horizontales ;
– Les vers anéciques qui vivent sous terre dans des galeries verticales et qui remontent en surface pour se nourrir.

Ce que je vais expliquer dans cet article concerne surtout les anéciques et, dans une moindre mesure, les endogés qui sont les seuls vers à creuser des galeries et à ingérer la terre. Je ne veux bien sûr pas dire là que les vers de surface sont sans intérêt, au contraire ! Il faut simplement comprendre que leur rôle est celui des recycleurs de la litière de surface, à l’instar de la grande majorité des autres animaux du sol (collemboles, acariens, mille pattes, cloportes, gastéropodes…)

Les cinq enseignements que je vous partage ici concernant ces vers souterrains sont les suivants :
– Ne plus travailler le sol ;
– Mettre à profit leurs galeries pour remplacer le travail du sol, optimiser l’irrigation et favoriser la prospection des racines ;
– Les nourrir en amenant de la cellulose ;
– Ramener au sol les matières vertes produites au jardin ;
– Mettre à profit leurs déjections pour optimiser la fertilisation des cultures.

Premier enseignement : ne plus travailler le sol

Les vers de terre vivent dans la terre, dans des galeries qu’ils ont eux-mêmes creusé en ingérant la terre située devant et en la rejetant derrière eux après avoir prélevée les nutriments qui les intéressent. Lorsqu’on bouleverse le sol, on vient détruire ces galeries et parfois même les vers de terre eux même. Les outils les plus destructeurs sont bien sûr les outils à socs, comme la charrue ou le motoculteur qui tuent les vers qui ont le malheur de se trouver sur leur passage et qui détruisent leur habitat et aussi le garde-manger de ceux d’entre qui remontent en surface pour se nourrir.
Ne plus travailler le sol permet donc tout simplement d’épargner la vie et l’habitat de ces petites bêtes.

 

Le travail intensif du sol a complètement éliminé les vers de terre de ce sol et sa qualité s’en ressent au vu de cette surface minérale durcie et presque imperméable à l’eau.
Le travail intensif du sol a complètement éliminé les vers de terre de ce sol et sa qualité s’en ressent au vu de cette surface minérale durcie et presque imperméable à l’eau.

 

Deuxième enseignement : mettre à profit leurs galeries pour remplacer le travail du sol, optimiser l’irrigation et favoriser la prospection des racines

Bien sûr, remplacer le travail des outils (bêche, motoculteur, grelinette…) n’est pas toujours si simple. Je renvoi pour cela à lecture d’article de mon blog qui traitent ce sujet plus spécifiquement, comme celui-ci ou celui-là. J’insiste ici seulement sur le fait qu’en forant le sol de part en part de leurs galeries, les vers de terre endogés et anéciques l’aèrent bien mieux et beaucoup plus en douceur que n’importe quel outil.
Ce travail du sol est ainsi répartit sur tout le profil du sol et consiste en des galeries de quelques millimètres de diamètre dans lesquels l’eau, l’air et les organismes du sol circulent aisément.
En cas de pluie, même très violente, l’eau s’infiltre très rapidement à travers ce réseau de drainage naturel, évitant ainsi le ruissellement et l’érosion en surface. Une fois que les galeries sont remplies d’eau, celle-ci se diffuse par capillarité à l’ensemble du sol. Les vers de terres nous aident donc à valoriser au mieux l’eau qui tombe du ciel, aussi bien que celle qui tombe de nos arrosoirs. Ils sont une aide précieuse pour optimiser l’irrigation. En plus le sol criblé de galeries s’humectant par le bas (au fur et à mesure que les galeries se remplissent), cela incite les racines à explorer le sol en profondeur.

Ce profil de sol montre l’importance des galeries de vers de terre dans l’aération du sol !
Ces galeries sont également de voies privilégiées pour le développement des racines des plantes qui se frayent ainsi un passage très facilité vers les couches de sol profond et plus humide que la surface.

Racine dans une galerie de ver de terre.
Racine dans une galerie de ver de terre.

Troisième enseignement : nourrir les vers de terre en amenant de la cellulose (foin, feuilles…)

La nourriture préférée des vers de terre se compose de matériaux riches en cellulose, comme de herbes ou des feuilles. Afin de les nourrir efficacement, il faut leur apporter cette nourriture en abondance, cela peut être facilement réalisé avec un apport de foin ou de feuilles mortes. En revanche, de la paille ou du BRF sont beaucoup plus ligneux et donc moins intéressant pour nourrir les vers de terre. Il se peut toutefois que vous observiez plus de vers de terre sur un sol paillé avec ces matériaux que sur un sol nu avoisinant, mais c’est plus dû à un meilleur maintien de l’humidité par ces matériaux qu’à leur capacité à être consommés par les vers.

Un mulch de foin : rien de tel pour nourrir notre élevage souterrain de vers de terre !
Un mulch de foin : rien de tel pour nourrir notre élevage souterrain de vers de terre !

Si ces matériaux naturels venaient à faire défaut chez vous, vous avez également la possibilité d’utiliser des papiers et des cartons (les choisir marron et sans inscription et en retirer les scotchs éventuels). Ces matériaux sont de la cellulose quasiment pure et peuvent donc nous aider à nourrir les vers de terre en plus de nous aider à limiter l’enherbement sans aucun travail du sol.

Quatrième enseignement : ramener au sol les matières vertes produites par le jardin

Bien sûr de telles matières riches en cellulose poussent directement dans le jardin, c’est ainsi que la plupart des résidus de culture, que ce soit au potager ou au jardin sont une nourriture de choix pour nos hôtes préférés ! Ramenez donc au sol toutes les matières végétales que vous ne récoltez pas !
En plus, vous pouvez aussi faire des cultures exprès pour les nourrir : ce sont les couverts végétaux qui, après destruction, ramènent une grande quantité de matières vertes au sol, les vers se délectent de celles-ci. Nourrir efficacement les vers de terre est donc un des multiples effets positifs des couverts.
En ramenant ainsi systématiquement au sol vos résidus de cultures et de couverts végétaux vous d’entretenez tout au long de l’année le garde-manger de nos amis souterrains ! C’est encore plus intéressant pour eux qu’un apport massif de foin une fois par an !

Un couvert végétal fin avril.
Un couvert végétal fin avril.
La végétation qu’il laisse au sol après destruction.
La végétation qu’il laisse au sol après destruction.
Le sol deux semaines plus tard : les dix premiers centimètres sont remplis de turricules de vers de terre…
Le sol deux semaines plus tard : les dix premiers centimètres sont remplis de turricules de vers de terre…

Cinquième enseignement : Mettre à profit leurs déjections pour optimiser la fertilisation des cultures

Les déjections des vers de terre sont un peu particulières, on les appelle turricules et c’est un mélange intime de terre (ils ingèrent de la terre pour creuser leurs galeries) et de matières organiques. Le tout très enrichit en micro-organismes (bactéries, protozoaires…).
Cette richesse en micro-organismes permet de rendre les éléments minéraux dont les plantes ont besoin d’être plus accessible dans les déjections des vers de terre que dans le sol environnant. En conséquence un sol riche en vers de terre permet de réduire la fertilisation des plantes ! Bien sûr il est très difficile de quantifier cet effet, mais il participe au fait que les jardiniers qui travaillent avec un sol vivant ont moins besoin de fertiliser que les autres !

Turricule de vers de terre.
Turricule de vers de terre.
Un ver de terre en train de déféquer : le début de la formation d’un turricule
Un ver de terre en train de déféquer : le début de la formation d’un turricule

En conclusion, ce cher Darwin avait donc vu juste : parmi les milliers d’animaux qu’il a étudiés, il a bien compris que ceux sont particulièrement importants dans le fonctionnement de nos sols et donc extrêmement utiles au cultivateur, qu’il soit céréalier ou jardinier sur quelques mètres carré ! Cela grâce au forage incessant du sol qu’ils réalisent et grâce à la richesse biologique et chimique de leurs déjections. Bien sûr pour bénéficier de tels effet, il faut respecter leur habitat en travaillant le moins possible le sol et les nourrir avec toutes sortes de matières riches en cellulose. Matières que l’on peut apporter ou bien produire sur place !

Je vous souhaite bonne mise en œuvre de ces conseils pour 2015 !

Pour aller plus loin sur les vers de terre :

Des vers de terre et des hommes : Découvrir nos écosystèmes fonctionnant à l’énergie solaire Par Marcel Bouché

Cet article participe à l’événement inter-blogs « Les 5 choses que j’aurais aimé que l’on me dise avant de commencer mon potager » organisé par le blog PotagerDurable.
Pour découvrir ce qu’ont écrit les autres blogueurs, cliquez sur ce lien :
Voir la liste des articles participants.

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actualité

Restitutions de la journée « maraîchage sur sol vivant » du 4 décembre 2012

Le 4 décembre dernier ont eu lieu à Auch (32) la première journée nationale de rencontres et d’échange sur le « maraîchage sur sol vivant » organisée par Terre en Sève, ma société, l’organisme de formation gersois Gaia 32 et François Mulet, paysan maraîcher en semis direct dans l’Eure (27) avec les partenariats du GABB32, d’arbre et paysage 32 et le l’AFAF.

Certains d’entre vous étaient présent ce 4 décembre et pour en faire profiter tout le monde, je vous partage les restitutions de cette journée, disponibles sur le site de Gaia 32: http://gaia32.com/rencontre-nationale-maraichage-sur-sol-vivant-la-restitution/.

Pour ceux qui souhaitent être informés des suites données à ces rencontres, je vous invite à vous inscrire à liste du réseau national naissant mais déjà dynamique « maraîchage sur sol vivant », vous trouverez le formulaire d’inscription ici:
http://www.terre-en-seve.fr/maraichage-sur-sol-vivant/.

Et prime, spécialement pour vous, voici le compte rendu de notre ami Jacques Subra (j’ai inséré une diapo de chaque conférence dans son exposé) :

La matinée à été consacrée à la présentation par des intervenants de ces différentes techniques.

Gilles Domenech nous a parlé des flux de carbone, de l’agradation des sols vivants, du rôle agronomique de la vie des sols, de la structuration des sols grâce a la transformation des matières organiques apportées par les résidus des cultures ou de BRF, ou mieux encore par les couvertures permanentes de cultures a forte production de masse carbonée (appelées couramment engrais vert) Pour exemple, le maïs laisse 18t/ha de matière organique, alors qu’une culture de tomates ne laisse que 0,2t/ha. Il a également abordé la rhizodéposition : sécrétion par les racines de composés organiques favorisant la nutrition des plantes voisines d’où l’avantage qu’il y a de faire des cultures associées.
En conclusion, les trois piliers de l’aggradation sont : Apport de matières organiques, Production de biomasse, Réduction voire suppression du travail du sol.

Bernard Bertrand : Agriculteur, écrivain, créateur des éditions du Terran nous a conté son parcours de paysan du piémont Pyrénéen et son évolution vers une agriculture responsable et respectueuse de l’environnement. Son expérience de jardinage sur friches, sans désherbage et sans arrosage, simplement en maîtrisant la pousse des adventices quand celles-ci concurrencent les légumes, prouve que, dans certaines conditions il est possible de produire des légumes avec un minimum de travail.
Si un jour vous avez l’occasion de passer près de Toulouse, faite un détour par Saingouagnet , Annie-Jeanne Bertrand se fera un plaisir de vous faire visiter son jardin des sortilèges ou sont répertoriées plus de 1000 plantes et légumes pour certains tombés dans l’oubli.

Pierre Besse : AMAP de la Digue (31) Maraîcher près de Toulouse, pratique la couverture permanente du sol avec du BRF et des tontes de gazon récupérés auprès de municipalités et d’entreprises d’espaces verts. J’ai été surpris de voir les quantités de broyât qu’il utilise. Sur certaines cultures (cucurbitacées) il n’hésite pas à mettre 10 cm et plus, d’épaisseur avec des résultats probants.

François Mulet : Jaedin des Peltiers à Breteuil (27) a « bricolé » et détourné de son utilisation d’origine du matériel agricole réformé pour mécaniser le paillage du sol. Dans le domaine du maraîchage en sol vivant, sans labour ni travail du sol en profondeur, tout est à inventer en matière d’outillage. Il est des pionniers comme François partout en France. Le but de cette journée était de les faire se rencontrer pour créer un réseau et mutualiser les compétence, merci aux organisateurs.

Laurent Welsch : AMAP de Latoue (31) Maraîcher atypique, plein d’humour et d’auto-dérision, englobe dans son travail une dimension spirituelle. Son jardin est un joyeux mélange de légumes, fleurs et céréales. Son lieu de travail est aussi source de bonheur et d’épanouissement personnel.
Pratiquant la culture sous couverts végétaux, il détruit ceux-ci par bâchage sous plastique recyclable qu’il laisse en place 10 à15 jours. En serre, tous les résidus de légumes restent en place sans broyage préalable, il utilise des bâches perforées qui lui permettent de planter directement les cultures suivantes sans retirer celles-ci.

Après un délicieux repas bio végétarien, l’après midi était consacré à divers ateliers, en participation libre selon les thèmes choisis et possibilité pour les participants de circuler entre les ateliers. Organisés sur le modèle des forum ouvert ou chacun peut s’exprimer, présenter ses propres expériences ou proposer des idées, cette apparente joyeuse pagaille fait émerger des idées qui sont ensuite collectionnées, triées par thèmes et synthétisées pour servir de base à un travail commun.

Le succès de cette journée est la preuve qu’un mouvement se dessine, porteur d’espoir dans une nouvelle pratique d’une agriculture plus respectueuse de l’environnement. Sans dogmes et à priori, oubliant les querelles de chapelles, nous devons, ensemble, trouver la voie qui conduira à la régénération des sols, priorité absolu pour assurer l’avenir des générations futures. Pour cela, Mesdames et Messieurs les organisateurs, nous vous remercions.

Fait à Séron le 5 Décembre 2012
Jacques SUBRA

Je vous laisse sur cette belle conclusion ! A bientôt sur ce nouveau réseau !


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Lecture d'ouvrage

Jardinons Sol Vivant dans Biocontact !

Ce mois-ci le magazine biocontact (n°229, novembre 2012) publie un article que j’ai écrit à leur demande et intitulé Sol vivant et zéro labour ! Alors si vous avez possibilité de vous le procurer, je vous invite à le lire et à me laisser vos commentaires ici !
Ce magazine est gratuit et diffusé dans la plupart des magasins bio de France !
Sinon, vous pouvez en télécharger l’article ici (avec l’aimable autorisation de la revue) :
https://jardinonssolvivant.fr/WordPress/wp-content/uploads/2012/11/BC229_DOMENECH.pdf
ou bien le fichier avec seulement le texte (version plus facilement imprimable) :
https://jardinonssolvivant.fr/WordPress/wp-content/uploads/2012/11/F-Gilles-Domenech-Zéro-labour.pdf

Juste une petite précision: le dossier de ce numéro est consacré à la biodynamie mais mon article n’en fait pas partie, je connais très mal les travaux de Steiner et n’ai pas de connaissances particulières en biodynamie et anthroposophie !


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Un peu de théorie

Rôle agronomique n°3 : la nutrition des végétaux

Je vous dois cet article depuis le mois de juin, mais suite à mon retour du Vietnam qui fut assez mouvementé, j’ai laissé de côté cette tâche. Je corrige enfin cette négligence avec ce texte sur le troisième rôle agronomique de la vie des sols : la fourniture de nutriments aux végétaux, article qui fait suite aux trois premiers postés sur le sujet: selon vous, quels sont les rôles agronomiques de la vie des sols ? rôle agronomique n°1 : la transformation des matières organiques et rôle agronomique n°2 : la structuration des sols.
Voici un thème qui touche directement la question de la fertilisation : l’agronomie du XXème siècle a été bâtie sur le mythe de la fertilisation chimique basée essentiellement sur trois éléments : l’azote (N), le phosphore (P) et le potassium (K), le fameux trio NPK qui résonne désormais dans le langage agronomique comme la sainte trinité dans celui de la religion chrétienne.
En effet ces éléments sont très importants pour les plantes : l’azote est un constituant des protéines, de l’ADN…, le phosphore entre dans la composition de l’ATP et de l’ADP et de certaines protéines (les fameuse lécithines), participe à la mise à fruit… et le potassium enfin régule l’absorption de l’eau du sol par les racines, active certaines enzymes…
Non, ce que je mets ici en question, ce n’est pas l’importance de ces éléments, mais la manière de les amener aux végétaux. Travailler avec la vie permet d’entrevoir des pistes pour améliorer le prélèvement de ces éléments par les plantes uniquement grâce à la vie du sol.

Fixation biologique de l’azote atmosphérique

Déjà évoqué dans l’article « l’azote dans tous ses états », la principale entrée de l’azote dans le monde vivant est due à des bactéries qui se nourrissent de l’azote de l’air en le transformant en ions ammonium (NH4+) utilisable plus ou moins directement par ces mêmes bactéries ou par les plantes avec lesquelles elles vivent en symbiose.
Ces bactéries vivent selon plusieurs modes de fonctionnement :
–    Certaines, comme les Azotobacter ou les Clostridium (cyanobactérie typique des rizières) se nourrissent des matières organiques du sol, elles participent à augmenter la teneur en azote total du sol, azote qui deviendra accessible tôt ou tard pour une plante ;
–    D’autres vivent au voisinage immédiat des racines, voire à l’intérieur des végétaux et se nourrissent directement de produits issus de la photosynthèse, c’est ce qu’on appelle la fixation associative, l’azote qu’elles fixent est disponible pour les végétaux après la mort de la bactérie ;
–    Certaines enfin, et c’est la voie la plus efficace de transfert d’azote depuis l’atmosphère vers la biosphère, vivent en symbiose avec des végétaux au sein de nodules qui se forment sur les racines. C’est le cas par exemple des bactéries filamenteuses (actinobactéries) du genre Frankia qui vivent en symbiose avec des végétaux ligneux tels que les aulnes, les argousiers, les filaos… Et c’est surtout le cas des rhizobium qui forment une symbiose extrêmement importante au niveau planétaire : la symbiose légumineuses-rhizobium.

Mycorhizes

J’ai déjà parlé de cette symbiose entre végétaux et champignons dans un article qui leur est consacré. Les champignons mycorhiziens à arbuscule (MA), qui vivent en symbiose avec l’immense majorité des végétaux cultivés, sont d’une aide très précieuse pour alimenter les végétaux en nutriments peu solubles et donc difficile d’accès pour ces dernières. Il s’agit notamment du phosphore et du zinc (élément qui entre dans la composition d’enzymes et d’hormones de croissance et qui aide à la synthèse de la chlorophylle).
D’autres champignons, les champignons ectomycorhiziens, qui vivent en symbiose avec des espèces d’arbres tels que les chênes, les pins, les hêtres, les bouleaux…, ont également une action importante sur la nutrition en azote de leurs arbres hôtes notamment en allant chercher cet élément directement dans la matière organique du sol.

Activité de la pédofaune
La pédofaune joue un rôle clé dans la fragmentation et  la décomposition des matières organiques fraîches (voir rôle agronomique n°1). A l’instar de tout les autres animaux de la planète, ceux de la pédofaune concentrent l’azote issus de leur nourriture dans leurs tissus. Leurs cadavres et leurs déjections reviennent donc à une transformation en fumure animale des matières organiques d’origine végétale qui forment la majorité des matières organiques fraiches qui arrivent au sol.
L’action de micro-organismes sur ces cadavres et excréments libère de azote assimilable par les végétaux.

Libération d’azote et autres nutriment dans la rhizosphère
Afin de voir les élément minéraux essentiel à son métabolisme disponible à proximité immédiate de leurs racines (la zone du sol justement appelée rhizosphère), les plantes ont recours à un processus ingénieux : elle font de l’élevage de micro-organismes ! Pour ce faire, elles libèrent directement dans le sol des composés organiques qui nourrissent ces derniers, ce qu’on appelle la rhizodéposition. A première vue, c’est de l’énergie gâchée, mais en y regardant de plus près, il s’avère que les micro-organismes nourris par ces composés sont en réalité utilisés par la plante pour se nourrir.
Dans les années 80, une scientifique américaine, Mariane Clarholm, a mis en évidence que du blé cultivé sans engrais mais avec des bactéries et des amibes prédatrices de bactéries assimilait trois à quatre fois plus d’azote qu’un blé qui poussait avec les seules bactéries.
Voici l’explication de ce phénomène : la plante libère dans le sol via la rhizodéposition des composés riches en carbone et pauvre en azote, ces composés sont immédiatement consommés par les bactéries qui, pour équilibrer leur alimentation, doivent aller chercher l’azote dans le sol environnant, essentiellement sous des formes organiques non assimilables telles quelles par les végétaux. Ces bactéries sont ensuite la proie d’amibes. L’azote qui composait la bactérie est utilisé pour un tiers par l’amibe, un autre tiers rejoint le stock de matière organique du sol et le dernier tiers et rejeté sous forme ammoniacale à proximité immédiate des racines. Cet ammonium est alors absorbé par la plante soit tel quel, soit après nitrification.

schéma de l’aide à la nutrition azotée des plantes liée à l’activité des bactéries et amibes de la rhizosphère. Schéma issu de Gobat et al. 2010, le Sol Vivant.

L’activité bactérienne de la rhizosphère permet également la mise à disposition d’autres éléments, en particulier le phosphore et le fer, mobilisés grâce à l’activité de bactéries qui vont chercher ces éléments soit dans les minéraux, soit dans la matière organique.

La vie du sol : un engrais naturel ?
Peut-on dire pour autant que la vie du sol représente un engrais naturel ? La réponse est à la fois oui et non.
En effet, lorsque des éléments sont amenés dans le sol par l’activité notamment bactérienne, comme dans le cas de fixation biologique de diazote ou de la libération de nutriments depuis la matière minérale, ces apports sont en effet assimilables à des engrais car l’activité biologique fait entrer dans le système sol/plante des éléments qui n’en faisait pas partie.
En revanche, lorsqu’il s’agit de libération de nutriments depuis la matière organique du sol (cas des prélèvements mycorhiziens, ou de la mise en solution de l’azote par la chaîne alimentaire rhizodépôt-bactérie-amibe ou encore du phosphore contenu dans les matières organiques), il s’agit de nutriments qui sont déjà contenus dans le système sol/plante car ils ont déjà transité par les végétaux ou les organismes du sol avant d’être intégrés à la MO et remis en solution par l’activité bactérienne.

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Rôle agronomique n°2 : la structuration des sols

L’activité incessante de la pédofaune, qu’il s’agisse des détritivores évoqués dans l’article précédent ou de leurs nombreux prédateurs (insectes, araignées, acariens, « mille pattes » de l’ordre des chilopodes, petits mammifères…) a un impact fondamental sur l’organisation du sol. La grande majorité de ces organismes vivant en surface, celle ci se retrouve fortement aérée par le brassage permanent effectué notamment par les petits animaux (vers, collemboles, acariens, insectes, « mille pattes »…). d’autres animaux circulent entre la surface et les profondeurs du sol, ils sont donc responsable de création de tout un réseau de galerie qui aère le sol sur toute sa profondeur et facilite l’infiltration des eaux de pluie, il s’agit surtout des vers de terre, des fourmis, des termites (surtout en milieu tropical), et des mammifères terricoles.

Observez la structure de ce sol forestier : la rondeur de ses agrégats, surtout dans la partie supérieure (la plus sombre) indique leur origine biologique.
Vu depuis la surface, un sol vivant présente de très nombreux pores en surface qui assurent une bonne infiltration de l’eau de pluie ou d’irrigation.

Les champignons ont également un impact majeur sur la structure du sol, en effet leur mycélium forme un réseau dense de filaments qui emprisonne des particules de terre, favorisant et stabilisant ainsi une structure aérée. De plus, ils sécrètent souvent des composés collant ont un rôle majeur dans la stabilisation de la structure du sol. C’est notamment le cas des champignons mycorhiziens, qui vivent symbiose avec les végétaux (lire l’article qui leur est consacré) et qui sécrètent une molécule appelée glomaline, reconnue comme responsable en grande partie de la stabilité de la structure des sols.

agrégat de terre « emprisonné » et stabilisé par le mycélium blanc bien visible sur la photo

Une structure aérée et stable couplée à tout un réseau de galerie est une caractéristique essentielle d’un sol fertile. En effet, l’aération de surface et les galeries facilitent l’infiltration de l’eau et donc l’alimentation hydrique des cultures, ceci a pour conséquences, non seulement de réduire la nécessité d’irriguer, mais aussi de diminuer le ruissellement de surface et donc la sensibilité du sol à l’érosion ! De plus la stabilité de la structure en surface évite la formation de croûte de battance sous l’effet des pluies violentes et de l’irrigation, ce qui, là encore, est favorable à la réduction du ruissellement. L’aération du sol facilite également la circulation de l’air et donc de l’oxygène, ce qui est favorable à la bonne santé des racines de végétaux, racine dont le développement est aussi plus facile dans un sol aéré !

Une belle structure « forestière » au potager, c’est possible! La preuve!

L’agriculture moderne a cherché à remplacer le travail de ses organismes par le travail de l’outil, mais les résultats sont souvent contraire aux attentes, car les tracteurs et les labours profonds compactent les sols en profondeur et l’aèrent à excès en surface, ce qui provoque une perte de matière de matière organique, une forte évaporation de l’eau, la mort de nombreux organismes du sol et une structure de moins en moins stable, donc de plus en plus sensible à l’érosion (hydrique et éolienne), à la battance et de moins en moins capable d’infiltrer l’eau et de porter des cultures en bonne santé. Le travail structurant des organismes du sol est irremplaçable !

Sol dégradé par un travail du sol inadapté : la partie inférieure (claire et compacte) est une semelle de labour, alors que l’horizon supérieur est structuré uniquement mécaniquement et présente des agrégats anguleux et instables
L’impact des gouttes de pluies sur un sol à la structure instable créé une croûte superficielle dite de battance. L’eau pénètre mal à travers cette croûte et tend à ruisseler voire à provoquer de l’érosion. Un sol structuré biologiquement est moins sensible à ce type de problème qu’un sol structuré mécaniquement et pauvre en activité biologique.
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Rôle agronomique n°1 : La transformation des matières organiques

Les végétaux injectent dans le sol toutes sortes de matière organiques par l’intermédiaire de nombreux processus : mort des parties aériennes (feuilles, tiges, branches…), mort des racines, exsudats racinaires… Ces matières organiques sont alors consommés par différents organismes. Voyons cela plus en détail en nous intéressant à tous ces composés du plus facile à consommer jusqu’aux plus difficiles :

– Les composés les plus facilement consommables par la vie des sols sont sans conteste les exsudats racinaires qui sont essentiellement des sucres que la plante libère dans la rhizosphère (le sol qui est au voisinage immédiat des racines vivantes). C’est ainsi que les exsudats racinaires et la mort pluriannuelle des racines les plus fines font surtout vivre des populations de bactéries, mais aussi de champignons, protozoaires, nématodes

– Les tissus tendres, comme les feuilles, les tiges tendres, ou encore les racines fines si elles sont également consommées par des bactéries, nourrissent aussi certains champignons et des petits animaux spécialisés, comme les collemboles, certains insectes, ou encore les vers de terre.

Collembole © Ph. Lebeaux http://www.lafaunedusol.com
Collembole © Ph. Lebeaux http://www.lafaunedusol.com

– Quant aux tissus ligneux, les plus durs, ils nécessitent l’intervention d’animaux aux pièces buccales suffisamment puissantes tels que certains acariens, des petits crustacés (cloportes), certains « mille pattes » (diplopodes) ou encore les larves de certains insectes, comme les termites. Tous ces animaux facilitent la colonisation des matières organiques par des champignons spécialisés (pourritures blanches, pourritures brunes et pourritures molles).

Un diplopode s'affairant sur du bois en décomposition. © Ph. Lebeaux http://www.lafaunedusol.com
Un diplopode s’affairant sur du bois en décomposition. © Ph. Lebeaux http://www.lafaunedusol.com
Les champignons de pourriture brune (ou cubique) consomment la cellulose contenue dans le bois qu'ils transforment en de petits cubes marrons et cassants

Les animaux (pédofaune et animaux de « surface ») fournissent également des apports significatifs de matière organique au sol, bien qu’en bien moins grande quantité que les végétaux, du fait de leurs déjections et de leurs cadavres. Ces composés sont alors consommées par des bactéries surtout, mais aussi des champignons, des insectes, des vers…

Tous ces organismes, appelés « détritivores » ou « saprotrophes » sont responsables de la transformation des résidus de culture, des feuilles tombées au sol, des fumiers… Leur présence assure donc la transformation de ces amendements, ce qui produit deux processus opposés :

  • un qui détruit ces composés organiques pour les transformer en éléments simples (nutriments, eau, gaz carbonique…) qui est appelé minéralisation, surtout dues à l’activité des bactéries ;
  • un autre qui les complexifie pour générer les humus qui nécessite en particulier l’action de champignons sur les tissus ligneux

Ces deux processus conduisent respectivement à la libération de nutriments dans le milieu environnant, et donc à la nutrition minérale des plantes, et à la structuration du sol, ce qui lie directement la transformation des matières organiques aux deux autres grands rôles agronomiques.

Dans le prochain article, je vous parlerai de la structuration du sol par nos amis !

.Les photos de la faune du sol présentées dans cet article proviennent du site de Philippe Lebeaux : www.lafaunedusol.com, dont je vous recommande vivement la visite !

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Lecture d'ouvrage

« Collaborez avec les bactéries et autres micro-organismes du sol » de J. Lowenfield et W. Lewis


En ce mois de janvier, j’ai envie de proposer une nouvelle forme d’article sur ce blog, en l’occurrence des lectures d’ouvrage et pour commencer le bal, je vous propose un très bon livre paru aux éditions du Rouergue en 2008 : « Collaborer avec les bactéries et autres microorganismes » par Jeff Lowenfield et Wayne Lewis et traduit de l’anglais par Jean René Dastugues. Le sous titre nous met d’ailleurs bien dans l’ambiance de ce livre passionnant : « Guide du réseau alimentaire du sol à destination des jardiniers ». Oh bien sûr, je ne suis pas à 100% d’accord avec les auteurs, loin de là, mais leur approche de la biologie des sols et leur manière de l’appliquer au jardinage m’apparaît très pertinente sur beaucoup de points. En plus de cela, je trouve le livre bien écrit et agréable à lire malgré le peu d’illustration et l’absence de second niveau de lecture.

Le contenu de l’ouvrage

Sa structure est formée d’une première partie consacrée à la description du sol, essentiellement sous l’angle de la biologie et d’une seconde à la description de pratiques de jardinage censées respecter et tirer partie de cette vie.

  • Première partie : La science de base

Cette première moitié de l’ouvrage est un véritable traité de pédologie, et plus particulièrement de pédobiologie, à destination d’un large public de jardinier pas forcément spécialiste en la matière. Pour autant, même des professionnels ont de quoi y trouver des informations utiles et des connaissances nouvelles en la matière.

Les auteurs entament l’ouvrage en jetant les bases de leur réflexion : les réseaux alimentaires du sol rassemblent des milliards d’organismes dans la moindre cuillère à café  de terre, en particuliers des bactéries et des champignons, mais aussi pléthore d’organismes unicellulaires, comme les algues et surtout les protozoaires et quelques animaux de plus grande taille, dont certains visibles à l’œil nu. Tous ces organismes interagissent et sont tous totalement dépendant de l’action des végétaux qui nourrissent ce petit monde via des exsudats racinaires au niveau de la rhizosphère, cette mince pellicule qui entoure les racines vivantes et qui est extrêmement riche en vie microbienne. Et cette vie microbienne en retour a divers effets positifs directement ou indirectement pour la plante : amélioration de la structure du sol, libération de nutriments, maîtrise des pathogènes, gestion de l’azote. Ce dernier point retient particulièrement l’attention des auteurs  qui mettent en parallèle la forme d’azote majoritaire (nitrates versus ammonium) avec les microbes dominants du système (bactéries vs champignons).

Forts de cette introduction, ils consacrent tout un chapitre à la description physico chimique des sols incluant les mécanismes de la pédogenèse, la texture, la structure…

S’en suivent une soixantaine de pages passionnantes consacrées à la description des différents habitants de nos sols en passant successivement en revue les bactéries, les champignons, les algues, les moisissures visqueuses (myxomycètes), les protozoaires, les nématodes, les arthropodes, les vers de terre, les gastéropodes, et les vertébrés. Impossible ici de résumé ces pages si denses en information. Je puis juste vous dire qu’elles justifient à elles seule la lecture de l’ouvrage, même si, comme c’est mon cas, vous avez déjà de bonnes bases en biologie des sols !

  • Seconde partie : Appliquer la science du réseau alimentaire du sol à l’entretien du jardin

Les auteurs basent leur approche sur la bipolarité évoquée en introduction : Bactéries/champignons et nitrates/ammonium. Dans la nature les écosystèmes pionnier, dominés par les herbacées portent des végétaux qui préfèrent les sols à dominante bactérienne et où l’azote se trouve majoritairement sous forme de nitrates. A l’inverses les écosystèmes très matures, de type forêt primaire portent des végétaux qui préfèrent les sols à dominante fongique où l’azote se trouve majoritairement sous forme ammoniacale. Ceci appliqué au jardin indique par exemple que les annuelles et les légumes préfèrent un ratio champignons/Bactéries (C/B) inférieur à 1, les arbres fruitiers un ratio de l’ordre de 10 à 50, alors que les conifères recherchent un ratio allant de 50 à 1000 suivant les espèces !

Une fois que vous avez fait connaissance avec les réseaux alimentaires de votre sol, il faut mettre en œuvre les techniques qui permettent de jardiner avec ce réseau et non contre lui en le détruisant à par le travail du sol, les engrais chimiques ou les pesticides. Pour cela les auteurs proposent trois outils : le compost, le mulch et les jus de compost.

Le compost, dont ils détaillent les processus de fabrication est vanté pour la quantité de micro-organismes qu’il contient et préconisé justement pour ensemencer le sol en ces organismes.

Le mulch est prescrit non seulement pour limiter l’évaporation et la pousse des herbes ou réguler la température du sol, mais aussi et surtout pout nourrir et abriter la vie du sol. Du coup, le choix de tel ou tel paillis influence le développement de tel ou tel organisme donc permet d’orienter vers des populations à dominante bactériennes ou fongiques suivant le type de culture pratiqué. C’est ainsi que les paillis « vert » (tontes de gazon par exemple) sont plutôt « bactériens » alors que les paillis « brun » (BRF, feuilles mortes…) sont plutôt « fongiques ». L’humidité du paillis entre aussi en ligne compte, puisque plus le paillis est humide plus est « bactérien ».

Les jus de compost sont en quelque sorte des concentrés d’organismes du compost et peuvent être utilisés aussi bien en pulvérisation sur les feuilles qu’en arrosage. L’objectif est ici d’amener les microorganismes bénéfiques le plus rapidement possible là où ils sont utiles. Ces jus sont élaborés à partir de compost ou de lombricompost mis à infuser dans une eau constamment brassés pendant plusieurs jours pour rester en aérobiose. Le jus est ensuite à appliquer dans les 3 jours qui suivent sont élaboration. Le non composteur que je suis a bien noté la petite phrase discrète qui dit que le compost peut être remplacé par des turricules de vers de terre.

Les derniers chapitres du livres sont ensuite des focalisations sur des applications des ces trois outils à la pelouse, dans un premier temps, puis aux vivaces, arbres et arbustes et enfin aux légumes et plantes annuelles.

Mon point de vue sur l’ouvrage

Tout d’abord au niveau des pratiques, j’apprécie beaucoup l’état d’esprit du travail de ces auteurs et dans lequel je me retrouve totalement. En effet, on est ici totalement dans le jardinage sol vivant avec un désir de compréhension des mécanismes biologiques à l’œuvre dans le sol et la mise en œuvre de techniques qui se basent sur la vie du sol pour cultiver des végétaux. En plus leur approche de ce type de jardinage est basée sur un formidable exposé sur la biologie des sols. Toutefois, au niveau des techniques proposées, même ce qu’ils proposent est intéressant je trouve l’exposé incomplet, la thématique couverts végétaux / engrais verts notamment est la grande absente de cet ouvrage.

Le point focal du livre est la bipolarité bactéries/champignons. Que faut-il en penser ? Je reconnais qu’elle m’apporte plus de questions que de réponses, ce qui est en soi très positif ! En effet, dans mon expérience personnelle du potager, je remarque que les techniques qui ont permis de basculer vers un potager productif sont des techniques de paillages cellulosiques qui ont probablement été favorables aux bactéries et ont donc été plus favorable aux légumes annuels que ne l’était le seul BRF. Alors qu’à quelques mètres de là, ce même BRF faisait merveille sur des arbres fruitiers. Toutefois, de nombreuses expériences montrent un apport très positif du BRF sur les légumes, observation difficiles à accorder au cadre théorique proposé dans l’ouvrage.

Toujours par rapport à cette bipolarité et les deux autres qui y sont rattachées : nitrates/ammonium et plantes annuelles/arbres, il est vraisemblable que le modèle soit très simplifié par rapport à ce qu’il est dans la nature où les limites me semblent beaucoup plus floues que ce qui est décrit ici. Sujet fort intéressant que je dois m’efforcer de creuser dans les semaines et les mois qui viennent !

En conlusion, je trouve que c’est un livre qui, malgré les limites probables de son approche, est un ouvrage de référence pour le jardinier « Sol Vivant ». En effet, la qualité de ses exposés sur la vie du sol et la proposition d’un modèle pour domestiquer les réseaux alimentaires du sol, enrichissent grandement nos réflexions sur ces sujets ! Je trouve que c’est un ouvrage à lire absolument !

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En bonus : l’annexe 1 du livre

En guise de résumé de la seconde partie et de guide pour mieux comprendre la démarche des auteurs, voici l’annexe où sont listés les 20 principes « du jardinage avec le réseau alimentaire du sol » :

1. Certaines plantes préfèrent les sols dominés par les champignons, d’autres préfères ceux dominés par les bactéries.

2. La plupart des légumes, plantes annuelles et plantes grasses préfèrent avoir leur azote sous forme de nitrates et se portent mieux dans les sols à dominante bactérienne.

3. La plupart des arbres, arbustes, et plantes vivaces préfèrent avoir leur azote sous forme ammoniacale et se portent mieux dans les sols à dominante fongique.

4. Le compost peut être employé pour inoculer les microorganismes bénéfiques à la vie des sols de votre jardin et introduire, entretenir ou modifier le réseau alimentaire du sol.

5. Répandre du compost avec son réseau alimentaire du sol à la surface du sol va inoculer à ce dernier le même réseau alimentaire.

6. Les matériaux organiques bruns ou fanés soutiennent les champignons ; les matériaux organiques frais et verts soutiennent les bactéries.

7. Le paillis répandu en surface a tendance à être favorable aux champignons ; le paillis incorporé superficiellement a tendance à être favorable aux bactéries.

8. Si vous mouillez et broyez complètement le paillis, cela accélère la colonisation par les bactéries.

9. Les paillis plus grossiers et secs sont favorables à l’activité fongique.

10. Les sucres aident les bactéries à se multiplier et grandir ; les algues, les acides fulviques et humiques et la poussière de phosphate aident les champignons à pousser.

11. En choisissant votre compost au départ et les nutriments que vous allez y ajouter, vous pouvez faire des jus soit fongiques, soit bactériens, ou bien équilibrés.

12. Les jus de compost sont très sensibles à la présence de chlore et de conservateurs dans l’eau de brassage et dans les ingrédients.

13. L’utilisation industriels tue tout ou partie des microorganismes du sol.

14. N’utilisez pas d’additifs ayant de fort taux de NPK.

15. Après une vaporisation ou un arrosage du sol avec des produits chimiques, appliquez toujours du jus de compost

16. La plupart des conifères et des arbres à bois durs forment des symbioses avec des champignons EcM.

17. La plupart des légumes, des plantes annuelles, des plantes grasses, des arbustes, des arbres à bois tendre et des plantes vivaces forment des mycorhizes avec des champignons MA.

18. Le fait de retourner le sol et de déranger de manière excessive détruit ou endommage gravement le réseau alimentaire du sol.

19. Mélangez toujours des champignons MA avec les graines des plantes annuelles et des légumes au moment de les planter ou appliquez-en sur les racines au moment du repiquage.

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Jardiner Sol Vivant : Qu’es aquo ?

Je pense qu’il est important de clarifier mon approche du jardinage. Je ne cherche pas à coller à telle ou telle école, ni à en créer une nouvelle. Je souhaite simplement vous proposer de découvrir ensemble comment mettre la vie du sol au centre de nos approche. Deux point techniques me semblent toutefois particulièrement importants pour être vraiment cohérent : le travail du sol et l’usage de certains pesticides.

Le travail du sol :

J’ai conscience qu’un non travail du sol absolu est une illusion en jardinage, il reste indispensable, ne serait-ce que pour réaliser des semis ou des plantations, ou encore pour récolter des légumes racines. Il faut donc faire la part des choses :

Je propose en effet de plus du tout travailler le sol avec des outils à socs : bonne nouvelle, vous pourrez gagner un peu d’argent en revendant votre motoculteur ! Et si vous n’en avez point, cette dépense est inutile. Évitez également les outils manuels de retournement du sol, comme la bêche.

Les outils à dents ont toutefois encore leur place, ne serait-ce que pour enfouir les semis à la volée ou incorporer du BRF au sol : les crocs à fumier restent très utiles, ainsi que le râteau pour des semis de petites graines. Mais il est clair que le travail reste extrêmement superficiel (3 ou 4 cm grand maximum !)

Que dire de la grelinette, cette outil si en vogue dans le jardinage bio actuel ? Je reconnais que je suis dans un sol très argileux où elle n’est pas bien adaptée, ce qui influence mon point de vue. Mais tout de même pour avoir utilisé cet outil, je trouve qu’il travaille le sol trop profondément et l’investissement (plus de 100€ tout de même !) ne me paraît pas justifié. En effet lorsqu’on sait qu’un vers de terre qui a la malchance de se balader proche de la surface (une quinzaine de centimètre) lorsque vous passez la grelinette n’a aucune chance de retrouver sa galerie et doit donc la reconstruire entièrement, vous comprenez que la perturbation pour la vie du sol est quand même intense, même s’il n’y a pas retournement…

Insecticides et Hélicides

Je me doute que la plupart d’entre vous sont des « bio » et que ce qui suit vous apparaîtra pour beaucoup comme une évidence. Mais il comme est tout fait possible d’avoir des pratiques très respectueuses sans pour autant être bio à 100%, je fais quelques précisions sur les pesticides : de tous les pesticides, les plus dangereux sont sans conteste les insecticides (y compris ceux qui furent longtemps autorisés en bio comme le pyrèthre ou la roténone !) qui tuent les insectes « ravageurs » mais aussi tous les autres, ainsi que les vers de terres et autres jardiniers de l’ombre, pour reprendre l’expression de Blaise Leclerc. Il est donc vital de sortir ces produits du potager sans quoi les chaînes alimentaires indispensables à un équilibre biologique ne pourront jamais se remettre en place. Il en va de même pour les anti-limaces (Hélicides), excepté l’orthophosphate de fer (commercialisé sous le nom de Ferramol), qui font des sacrés dégâts dans l’ensemble des chaînes de prédation de limaces !

Voilà, donc en conclusion tout jardinier qui travaille son sol le moins possible et qui n’applique ni insecticide, ni hélicide de synthèse, peut prétendre jardiner « sol vivant », même s’il n’est pas complètement bio ! Comme quoi, jardiner « Sol Vivant » va faire du vide dans de nombreuses cabanes de jardin !

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Un peu de théorie

Travailler avec la vie du sol

Que signifie Jardiner « Sol vivant » ? En fait je vous en fait la confidence, c’est une expression que j’ai inventée. J’aurai pu appeler ce blog jardin « sans travail du sol » mais ça me plaisait pas de définir par la négative un thème aussi passionnant.

Pourquoi donc vouloir supprimer le travail du sol ? C’est quand même bien connu qu’il est IMPOSSIBLE de cultiver un jardin sans bêcher, passer le motoculteur, biner… Qu’est ce que je vais donc vous dire ? Que c’est affirmation séculaire est fausse ? Eh bien oui, c’est ce que je vous affirme. Je vous l’accorde cela demande une certaine technicité et pas mal d’essai, pour ne pas dire d’échec, avant de trouver un système qui fonctionne sur chaque sol, chaque culture, mais c’est possible ! Non seulement c’est possible, mais en plus cela permet de mieux gérer la fertilisation, l’irrigation, la santé des plantes, la qualité du sol…

Pour mieux comprendre cela, imaginez que 90% de la vie est dans les 10 premiers centimètres du sol ! Il apparaît alors clair que tout travail, même peu profond la perturbe profondément. Or qui mieux que les vers de terre travaillent le sol en creusant tout un réseau de galeries qui structurent et aèrent jour après jour, nuit après nuit la terre que nous cultivons ? Qui, mieux que les champignons mycorhiziens aident les plantes à se nourrir en utilisant le plus efficacement possible les ressources en eau et nutriments qui lui sont difficiles d’accès ? Qui, mieux que les animaux du sol peuvent recycler les matières organiques pour créer une fumure idéale pour nourrir nos cultures ? Qui mieux que les légumineuses et les bactéries qu’elles abritent dans leur racines sait fixer l’azote de l’air pour l’amener dans le sol ?

Vous l’aurez compris, je propose de remplacer le travail de l’outil par celui des organismes du sol. Des articles à venir vous feront découvrir plus en détail ce monde vivant, fascinant et complexe mais aussi des pratiques de jardinages adaptées, des expériences de praticiens, des critiques d’ouvrages spécialisés, des videos, des interviews…

Que vous soyez ou non familier de telles pratiques, je vous invite à me laisser un commentaire ci dessous pour me partager votre expérience, me livrer vos doutes sur ce que j’écris, ou encore à me poser une question à laquelle je répondrai dans un prochain article…

A très bientôt

Gilles