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Un peu de théorie

Les cinq enseignements que j’aurais aimé recevoir de Charles Darwin pour favoriser les vers de terre dans mon jardin

Que vient faire Charles Darwin dans un blog sur le jardinage ? En effet cet immense savant, sans doute un des plus grands de tous les temps, est surtout connu pour ses travaux sur l’évolution des espèces. Mais ce n’est pas là sa seule contribution à l’avancée des connaissances : Il est aussi le tout premier à s’être intéresser à ces animaux à priori insignifiant que sont les vers de terre ! Il s’y est même intéressé dès les années 1830, même si son ouvrage sur le sujet ne paraît qu’en 1881. Il est donc le tout premier à avoir décrit ces animaux et surtout à avoir compris l’impact exceptionnel qu’ils ont sur le sol et son fonctionnement.

Avant d’entrer dans les enseignements que son travail apporte au jardin, je fais quelques petites précisions sur ces petites bêtes :
Il existe trois principaux de type de vers de terre dans nos jardins :
– Les vers de surface (aussi appelés vers de compost car ils prolifèrent dans les composts) ;
– Les vers endogés qui vivent uniquement sous terre dans des galeries horizontales ;
– Les vers anéciques qui vivent sous terre dans des galeries verticales et qui remontent en surface pour se nourrir.

Ce que je vais expliquer dans cet article concerne surtout les anéciques et, dans une moindre mesure, les endogés qui sont les seuls vers à creuser des galeries et à ingérer la terre. Je ne veux bien sûr pas dire là que les vers de surface sont sans intérêt, au contraire ! Il faut simplement comprendre que leur rôle est celui des recycleurs de la litière de surface, à l’instar de la grande majorité des autres animaux du sol (collemboles, acariens, mille pattes, cloportes, gastéropodes…)

Les cinq enseignements que je vous partage ici concernant ces vers souterrains sont les suivants :
– Ne plus travailler le sol ;
– Mettre à profit leurs galeries pour remplacer le travail du sol, optimiser l’irrigation et favoriser la prospection des racines ;
– Les nourrir en amenant de la cellulose ;
– Ramener au sol les matières vertes produites au jardin ;
– Mettre à profit leurs déjections pour optimiser la fertilisation des cultures.

Premier enseignement : ne plus travailler le sol

Les vers de terre vivent dans la terre, dans des galeries qu’ils ont eux-mêmes creusé en ingérant la terre située devant et en la rejetant derrière eux après avoir prélevée les nutriments qui les intéressent. Lorsqu’on bouleverse le sol, on vient détruire ces galeries et parfois même les vers de terre eux même. Les outils les plus destructeurs sont bien sûr les outils à socs, comme la charrue ou le motoculteur qui tuent les vers qui ont le malheur de se trouver sur leur passage et qui détruisent leur habitat et aussi le garde-manger de ceux d’entre qui remontent en surface pour se nourrir.
Ne plus travailler le sol permet donc tout simplement d’épargner la vie et l’habitat de ces petites bêtes.

 

Le travail intensif du sol a complètement éliminé les vers de terre de ce sol et sa qualité s’en ressent au vu de cette surface minérale durcie et presque imperméable à l’eau.
Le travail intensif du sol a complètement éliminé les vers de terre de ce sol et sa qualité s’en ressent au vu de cette surface minérale durcie et presque imperméable à l’eau.

 

Deuxième enseignement : mettre à profit leurs galeries pour remplacer le travail du sol, optimiser l’irrigation et favoriser la prospection des racines

Bien sûr, remplacer le travail des outils (bêche, motoculteur, grelinette…) n’est pas toujours si simple. Je renvoi pour cela à lecture d’article de mon blog qui traitent ce sujet plus spécifiquement, comme celui-ci ou celui-là. J’insiste ici seulement sur le fait qu’en forant le sol de part en part de leurs galeries, les vers de terre endogés et anéciques l’aèrent bien mieux et beaucoup plus en douceur que n’importe quel outil.
Ce travail du sol est ainsi répartit sur tout le profil du sol et consiste en des galeries de quelques millimètres de diamètre dans lesquels l’eau, l’air et les organismes du sol circulent aisément.
En cas de pluie, même très violente, l’eau s’infiltre très rapidement à travers ce réseau de drainage naturel, évitant ainsi le ruissellement et l’érosion en surface. Une fois que les galeries sont remplies d’eau, celle-ci se diffuse par capillarité à l’ensemble du sol. Les vers de terres nous aident donc à valoriser au mieux l’eau qui tombe du ciel, aussi bien que celle qui tombe de nos arrosoirs. Ils sont une aide précieuse pour optimiser l’irrigation. En plus le sol criblé de galeries s’humectant par le bas (au fur et à mesure que les galeries se remplissent), cela incite les racines à explorer le sol en profondeur.

Ce profil de sol montre l’importance des galeries de vers de terre dans l’aération du sol !
Ces galeries sont également de voies privilégiées pour le développement des racines des plantes qui se frayent ainsi un passage très facilité vers les couches de sol profond et plus humide que la surface.

Racine dans une galerie de ver de terre.
Racine dans une galerie de ver de terre.

Troisième enseignement : nourrir les vers de terre en amenant de la cellulose (foin, feuilles…)

La nourriture préférée des vers de terre se compose de matériaux riches en cellulose, comme de herbes ou des feuilles. Afin de les nourrir efficacement, il faut leur apporter cette nourriture en abondance, cela peut être facilement réalisé avec un apport de foin ou de feuilles mortes. En revanche, de la paille ou du BRF sont beaucoup plus ligneux et donc moins intéressant pour nourrir les vers de terre. Il se peut toutefois que vous observiez plus de vers de terre sur un sol paillé avec ces matériaux que sur un sol nu avoisinant, mais c’est plus dû à un meilleur maintien de l’humidité par ces matériaux qu’à leur capacité à être consommés par les vers.

Un mulch de foin : rien de tel pour nourrir notre élevage souterrain de vers de terre !
Un mulch de foin : rien de tel pour nourrir notre élevage souterrain de vers de terre !

Si ces matériaux naturels venaient à faire défaut chez vous, vous avez également la possibilité d’utiliser des papiers et des cartons (les choisir marron et sans inscription et en retirer les scotchs éventuels). Ces matériaux sont de la cellulose quasiment pure et peuvent donc nous aider à nourrir les vers de terre en plus de nous aider à limiter l’enherbement sans aucun travail du sol.

Quatrième enseignement : ramener au sol les matières vertes produites par le jardin

Bien sûr de telles matières riches en cellulose poussent directement dans le jardin, c’est ainsi que la plupart des résidus de culture, que ce soit au potager ou au jardin sont une nourriture de choix pour nos hôtes préférés ! Ramenez donc au sol toutes les matières végétales que vous ne récoltez pas !
En plus, vous pouvez aussi faire des cultures exprès pour les nourrir : ce sont les couverts végétaux qui, après destruction, ramènent une grande quantité de matières vertes au sol, les vers se délectent de celles-ci. Nourrir efficacement les vers de terre est donc un des multiples effets positifs des couverts.
En ramenant ainsi systématiquement au sol vos résidus de cultures et de couverts végétaux vous d’entretenez tout au long de l’année le garde-manger de nos amis souterrains ! C’est encore plus intéressant pour eux qu’un apport massif de foin une fois par an !

Un couvert végétal fin avril.
Un couvert végétal fin avril.
La végétation qu’il laisse au sol après destruction.
La végétation qu’il laisse au sol après destruction.
Le sol deux semaines plus tard : les dix premiers centimètres sont remplis de turricules de vers de terre…
Le sol deux semaines plus tard : les dix premiers centimètres sont remplis de turricules de vers de terre…

Cinquième enseignement : Mettre à profit leurs déjections pour optimiser la fertilisation des cultures

Les déjections des vers de terre sont un peu particulières, on les appelle turricules et c’est un mélange intime de terre (ils ingèrent de la terre pour creuser leurs galeries) et de matières organiques. Le tout très enrichit en micro-organismes (bactéries, protozoaires…).
Cette richesse en micro-organismes permet de rendre les éléments minéraux dont les plantes ont besoin d’être plus accessible dans les déjections des vers de terre que dans le sol environnant. En conséquence un sol riche en vers de terre permet de réduire la fertilisation des plantes ! Bien sûr il est très difficile de quantifier cet effet, mais il participe au fait que les jardiniers qui travaillent avec un sol vivant ont moins besoin de fertiliser que les autres !

Turricule de vers de terre.
Turricule de vers de terre.
Un ver de terre en train de déféquer : le début de la formation d’un turricule
Un ver de terre en train de déféquer : le début de la formation d’un turricule

En conclusion, ce cher Darwin avait donc vu juste : parmi les milliers d’animaux qu’il a étudiés, il a bien compris que ceux sont particulièrement importants dans le fonctionnement de nos sols et donc extrêmement utiles au cultivateur, qu’il soit céréalier ou jardinier sur quelques mètres carré ! Cela grâce au forage incessant du sol qu’ils réalisent et grâce à la richesse biologique et chimique de leurs déjections. Bien sûr pour bénéficier de tels effet, il faut respecter leur habitat en travaillant le moins possible le sol et les nourrir avec toutes sortes de matières riches en cellulose. Matières que l’on peut apporter ou bien produire sur place !

Je vous souhaite bonne mise en œuvre de ces conseils pour 2015 !

Pour aller plus loin sur les vers de terre :

Des vers de terre et des hommes : Découvrir nos écosystèmes fonctionnant à l’énergie solaire Par Marcel Bouché

Cet article participe à l’événement inter-blogs « Les 5 choses que j’aurais aimé que l’on me dise avant de commencer mon potager » organisé par le blog PotagerDurable.
Pour découvrir ce qu’ont écrit les autres blogueurs, cliquez sur ce lien :
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Lecture d'ouvrage Un peu de théorie

Les insectes au jardin, un livre d’Eric Grissell

Au début de l’été il a été question d’insectes sur ce blog, notamment de guêpes et de cigales. Je vous propose d’aller un peu plus loin sur ce thème en vous présentant cet ouvrage de l’entomologiste américain d’Eric Grisell :  » Les insectes au jardin : En quête d’un jardin écologique  » Traduit et publié par les éditions du Rouergue en 2009 (édition originale « Insects and garden, In pursuit of a garden ecology », timber Press 2001).Cet ouvrage est en plus illustré par les magnifiques photos d’insectes de Carll Goodpasture.

Voici pour vous mettre en appétit la quatrième de couverture qui résume très bien l’esprit de l’ouvrage :

 » Un jardin en bonne santé est un espace où les populations d’insectes s’équilibrent. C’est l’une des leçons de ce livre passionnant qui nous fait découvrir la faune secrète de nos jardins. Pour bien des jardiniers, un bon insecte est un insecte mort. C’est oublier que, pollinisateurs, nettoyeurs, recycleurs, les insectes sont non seulement les auxiliaires du jardinier, mais les garants de la vie : sans eux, nous n’existerions plus. Persister à les chasser revient à entamer une guerre à la fois irréfléchie, impossible à remporter et absolument inutile. Dans ce livre accessible à tous et richement illustré, Eric Grissell nous fait découvrir les espèces qui peuplent nos jardins, ce qu’elles y font et comment les encourager à s’y établir durablement. On y apprend mille choses curieuses et fascinantes sur le monde des insectes. Or, les connaître, c’est apprendre à les apprécier comme une part irréductible de ces jardins que nous aimons et souhaitons protéger. En se fondant à la fois sur des données scientifiques et une longue expérience de jardinier, Eric Grissell nous invite à profondément modifier notre rapport aux insectes. Ce faisant, il dessine les contours d’une véritable écologie du jardin. »

Ce livre comporte trois partie qui peuvent être perçues comme trois livres plus ou moins indépendant, ce que je vous recommande vivement de faire car l’information contenue ici est très dense. Il me semble tout à fait possible de commencer par la partie que vous voulez.

La première partie nous fait découvrir les bases de l’entomologie : qu’est qu’un insecte ? Comment se développe-t-il ? comment sont-ils classifiés ?

La deuxième partie nous fait entrer dans le monde fascinant et extrêmement complexe des interactions entre ces insectes et entre les insectes et les plantes.

Et la troisième partie jette les bases, pratiques, théorique et surtout psychologiques d’un jardinage qui invite tous les insectes chez vous (pas seulement les papillons et les abeilles !).

Voilà un outil qui vous aidera certainement à mieux comprendre le monde des insectes et vous sentir plus à l’aise avec leur présence dans votre jardin, quelle que soit l’insecte en question !

Bonne lecture !

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Un peu de théorie

Les guêpes : mal-aimées mais précieuses auxiliaires de culture, par Antoine Rivière

Suite au dernier article de Christophe Gatineau sur la piéride du chou, et aux commentaires qu’il a suscité, j’ai contacté, sur le conseil de Bertrand Carlier, Antoine du blog guêpes et frelon. il nous fait ici une petite présentation du monde des guêpes, nos amies mal aimées :

On nous dit souvent que l’abeille c’est la gentille, l’image de Maya faisant son miel alors que la guêpe n’apporte que des ennuis… et si les guêpes étaient plus intéressantes qu’elles n’y paraissent ? Si nous prenions le temps ici, tout de suite, de rassembler quelques informations sur leur utilité en culture ? Au pays des guêpes, il y a les solitaires menant leur petite vie et les sociales construisant de vastes colonies. Toutes ont un rôle à jouer au sein de la biodiversité…

Les guêpes solitaires

L’intérêt des guêpes solitaires est déjà bien connu et les premiers manuscrits montrant leur utilisation datent de 1900. A l’époque, les larves de guêpes identifiées comme utiles étaient collectées dans les champs puis déposées dans les cultures. Plusieurs micro-espèces (genres Aphidius et Aphenilus) désormais élevées in-vitro s’attaquent avec une grande spécificité aux pucerons permettant une activité de destruction millimétrée. Leur utilisation dans l’horticulture s’est perfectionnée à partir des années 50 et ne cesse de progresser avec les enjeux environnementaux actuels.

Pucerons parasité par une guêpe de la famille des Aphelininae (couleur cuivrée) et puceron sains de couleur verte.
Pucerons parasité par une guêpe de la famille des Aphelininae (couleur cuivrée) et pucerons sains de couleur verte.

Mais de nombreux autres représentants de guêpes parasitoïdes (familles des Braconidae, Ichneumonidae…) se sont spécialisés dans le parasitisme des chenilles de papillons divers, tenthrèdes et coléoptères phytophages.

 

Les trichogrammes sont des guêpes parasitoïdes utilisées en lutte biologique contre la pyrale du maïs.
Les trichogrammes sont des guêpes parasitoïdes utilisées en lutte biologique contre la pyrale du maïs.

Ces guêpes solitaires ont chacune une action limitée mais la diversité des espèces dans un écosystème donné permet de maintenir efficacement les populations de parasites à des seuils acceptables. Le recul actuel de leurs populations est provoqué par l’utilisation intensive (ou même locale !) de pesticides et la disparition des zones de jachère (herbes hautes, haies sauvages…) Ainsi afin de favoriser leur présence au jardin il est important de maintenir des zones préservées et d’abolir l’utilisation de produits chimiques auxquels ces insectes sont très sensibles.

Les guêpes sociales

Les guêpes sociales ont un rôle moins connu mais beaucoup plus efficace dans leur zone d’intervention. En revanche, elles souffrent de leur mauvaise réputation souvent injustifiée d’autant plus que toutes les espèces ne sont pas « égales » en termes d’agressivité. L’homme reste de loin le principal facteur de destruction des nids et des populations.

– Les polistes

Guêpe de la famille des Polistes
Guêpe de la famille des Polistes

L’une des familles les plus représentées et les plus utiles au jardin est celle des polistes. Ces guêpes sont reconnaissables à leur silhouette très  allongée se terminant par 2 longues pattes arrière souvent visibles lors du vol. Elles construisent de petits nids sans enveloppe dépassant rarement 10cm de diamètre pour 30 à 50 individus actifs (mais souvent moins !). Les polistes sont de redoutables prédateurs dont l’alimentation des larves est essentiellement constituée de petites chenilles capturées par les adultes (pouvant représenter 80% des captures). Contrairement à la guêpe solitaire qui n’est que de passage dans un périmètre et reste isolée rendant son action limitée, la guêpe sociale installe son nid pour une saison et doit nourrir sa progéniture dans ce secteur. Elle chassera donc en continu, générations d’ouvrières après génération d’ouvrières éliminant beaucoup plus efficacement les parasites d’où l’intérêt de ne pas détruire son nid. Les polistes peuvent également chasser les grosses espèces de pucerons, les mouches et moustiques ainsi que les araignées mais leur proies restent de petite taille. Ces guêpes ont également un rôle dans la pollinisation de certaines espèces végétales comme le fenouil et de nombreuses ombellifères.

Nid de guêpes de la famille des polistes
Nid de guêpes de la famille des polistes

Pour favoriser le développement des polistes au jardin :

Conserver des recoins exposés en pleins soleil, abrités du vent et de l’humidité (dessous de tôle, de zinguerie, de tuile). Il est également possible de construire des nichoirs adaptés (On peut en faire avec de simples boîtes métalliques). Laisser à l’extérieur et au soleil quelques planches de contreplaqué grisées par le temps fournira le matériel nécessaire à la construction du nid ce qui, à défaut d’abriter un nid, pourra aider les colonies alentours. Au cœur de l’été, un point d’eau (une bassine suffit !) est souvent très apprécié par les polistes qui ont d’énormes besoins en eau pour réguler la température de leur nid contrairement aux autres espèces.

– Les guêpes communes (genre Vespula)

Guêpes du genre Vespula
Guêpes du genre Vespula

*

Ces guêpes sont les plus connues : celles qui construisent souvent des nids souterrains très populeux (plusieurs centaines d’individus). Plus grande population équivalent à plus grand rayon d’action, ces guêpes participent très activement à la contention des populations de parasites. Elles s’attaquent sans spécificité à toutes sortes d’insectes phytophage parfois plus gros qu’elles : grosses chenilles, sauterelles et criquets… En Août, un nid mature peut atteindre près de 10 entrées/sorties chaque seconde rapportant ainsi plusieurs dizaines de grammes d’insectes par jour pour alimenter le couvain (voir LIEN 4). Ces guêpes participent également à l’élimination des charognes et limitent ainsi le risque de contamination microbiologique aidant au passage le travail d’autres insectes nécrophages.

Pour favoriser le développement des guêpes communes au jardin :

Maintenir les fossés et talus herbeux. Favoriser la présence de conifères à aiguilles qui représentent une importante source de nourriture pour les hyménoptères sociaux. Ne pas détruire les nids alentours car leur principal prédateur reste l’homme !

– Le frelon européen (Vespa crabro)

Frelon européen
Frelon européen

Qui dit plus grosse espèce dit plus grosses proies et en plus grande quantité (estimée jusqu’à 200g/jour pour une colonie mature). Voici le chasseur par excellence qui peut dans certain écosystème être un super-prédateur (haut de la pyramide alimentaire). Le grand public est souvent effrayé par ce gros insecte inoffensif mais la cohabitation est très souvent moins compliquée que celles des guêpes (voir la cohabitation avec cette espèce dans mon grenier ou dans une salle de bain). Comparé aux guêpes, le frelon est un peu moins intéressant pour les cultures car il consomme essentiellement des mouches et taons mais il régule également à son tour les populations de guêpes ! Son régime alimentaire compte néanmoins une part non négligeable de phytophages (chenilles et sauterelles essentiellement) et xylophages (peu exploités par les autres espèces). Les mâles participent activement à la pollinisation du lierre en septembre et de quelques autres espèces végétales. Ainsi selon la taille de population liée à l’espèce voire même à la taille de l’espèce elle-même, le champ d’action sera plus ou moins étendu et les proies capturées seront différentes. D’où l’intérêt évident de conserver un équilibre entre les différentes espèces et de ne pas les détruire au risque de voir les populations de parasites exploser…

Pour favoriser le développement du frelon européen au jardin :

Conserver les souches et arbres creux, principaux sites de nidification de ce frelon. Les vieux greniers sont également très souvent utilisés et la hauteur des nids dans ces endroits évite tous problèmes. Des nichoirs à frelons peuvent être utilisés avec certaines règles. Laisser les fruits pourris au sol sous les arbres.

Découvertes récentes

Une publication scientifique récente (Cavalieri, 2013) montre que nous n’avons pas encore tout découvert sur leur rôle ! La levure de boulangerie Saccharomyces cerevisiae est utilisée pour la fermentation alcoolique par l’homme depuis 9000 ans. Dans la nature elle participe à la fermentation des fruits divers et indirectement à la fertilisation des sols. Cependant malgré la grande connaissance de ce micro-organisme, il n’a jamais été démontré l’existence d’un cycle permettant sa dissémination en dehors de l’environnement humain ni comment il pouvait survivre durant l’hiver en l’absence de sucres nécessaires à son développement (raisin). Cette étude montre le rôle des guêpes sociales (le frelon européen Vespa crabro et les guêpes Polistes) se nourrissant sur le raisin, habitat naturel de cette levure, en tant que vecteur de dissémination, d’évolution des populations et réservoir naturel permettant sa survie durant toutes les saisons. Il est expérimentalement montré dans ce travail que les guêpes fondatrices (reines) peuvent abriter la levure dans leur système digestif lors du repos hivernal puis les transmettre à la génération suivante. Des études génétiques sur des guêpes de différentes régions ont permis de montrer que la diversité des levures isolées reflète la variabilité géographique des souches isolées à partir de raisin, vins ou pain dans les régions données.

 

Par Antoine RIVIERE

Biologiste, Animateur et Webmaster de la communauté « Guêpes et Frelons » sur Internet

http://guepes_frelons.e-monsite.com/  &  http://guepes-frelons.forumgratuit.org  

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Il ne faut pas pousser mémé dans les orties ! par Christophe Gatineau

Suite à un commentaire original et interpellant à l’article « les plantes malades des pesticides » , j’ai voulu en savoir plus sur son approche. Il nous livre aujourd’hui son article qui pose des questions qui me semblent très pertinentes. L’objectif ici n’est ni d’encenser ni de déconseiller le purin d’ortie, mais de lancer un débat pertinent sur des bases scientifiques aussi solides que possible. Je laisse la parole à Christophe, bonne lecture !

 

L’arrêté du 18 avril 2011 autorisant la mise sur le marché du purin d’ortie devait mettre un terme à la guerre de l’ortie qui durait depuis plusieurs années mais curieusement tous ont été insatisfaits, les pro et les anti.

Conséquence d’une décision politique au détriment de toutes considérations scientifiques, cet arrêté autorise la tromperie du consommateur en légalisant le purin d’ortie comme un anti-mildiou et un acaricide, un mensonge dénoncé par les amis de l’ortie, dénoncé par les pro et les anti.

Une fois encore, le consommateur est pris en otage et le purin d’ortie risque d’en payer la note dans un avenir proche.

En effet, le problème n’est pas le jardinier qui fabrique et utilise son purin d’ortie, le problème est qu’en s’appuyant sur la Loi, on fasse croire aux consommateurs que le purin d’ortie possède certaines propriétés reconnues comme fausses et abusives.

1| l’ortie vue par la loi : peu préoccupante !

2| les prix de l’ortie : très préoccupants.

3| état des lieux de la recherche.

4| conclusion.

1| L’ortie vue par la Loi : peu préoccupante !

L’arrêté du 18 avril 2011 « autorisant la mise sur le marché du purin d’ortie en tant que préparation naturelle peu préoccupante à usage phytopharmaceutique », reconnaît au purin d’ortie certaines vertus tout en le qualifiant de peu préoccupant.

Peu préoccupant = peu inquiétant ou peu toxique.

En effet, si l’État reconnaît que certaines matières actives sont peu inquiétantes, un qualificatif peu scientifique, c’est que d’autres doivent alors être considérées comme préoccupantes et inquiétantes : autrement pourquoi le préciser !

En outre, cet arrêté est inquiétant car il fixe les préconisations du purin d’ortie sans les motiver. Extrait de l’arrêté du 18 avril 2011 :

1. Usage fongicide : notamment contre le mildiou.
2. Usage insecticide : principalement contre les pucerons, les acariens.
3. Activateur ou régulateur de croissance des végétaux.

Comment Madame BRIAND,la directrice générale de l’alimentation, signataire de cet arrêté, a-t-elle pu arrêter officiellement les conditions d’emploi du purin d’ortie en l’absence de faits scientifiques, réels, vérifiés et reproductibles mais mieux, en totale contradiction avec tous les spécialistes de l’ortie qui dénoncent que l’usage du purin d’ortie  comme insecticide ou fongicide est une préconisation d’usage abusive ?

J’ai écrit à ce sujet aux autorités compétentes comme la DGAL et à l’auteure de cet arrêté mais je n’ai reçu aucune réponse écrite. Par contre, j’ai reçu quelques appels téléphoniques pour m’expliquer que peu préoccupant, voulait dire très peu préoccupant = qui ne sert à rien.

Sur les motivations de cet arrêté : c’est une décision politique. Si pour l’administration, le purin d’ortie ne sert à rien, c’est d’autant plus préoccupant qu’elle veuille faire croire aux consommateurs qu’il pourrait servir à quelque chose.

2| Les prix de l’ortie : très préoccupants.

Si l’Or-tie ne concurrence pas encore les cours de l’or, elle talonne sans équivoque ceux du poivre et des épices avec ce record relevé chez Delbart Limoges le 01 mars 2013 : 70 € le kg.

Les premiers bénéficiaires de cet arrêté ont été la grande distribution avec l’apparition de l’ortie sur leurs étals et la flambée des prix en prime. Du purin d’ortie reste du purin d’ortie mais suivant son étiquetage (éliciteur, insecticide, fongicide, engrais,…) son prix en magasin varie avec une grande amplitude de 3,75 €/L à 17,81 €/L suivant l’emballage.

3| État des lieux de la recherche.

Si quelques essais de laboratoires ont mis en évidence certaines réponses du végétal soumis au purin d’ortie, tous les essais réalisés en plein champs ont été dans l’incapacité de les valider.

Le GRAB (groupement de recherche en agriculture biologique) reconnaît avoir arrêté ses essais sur le purin d’ortie depuis 2004 faute de résultats. Depuis, ils ont recentré leurs travaux sur les décoctions et les tisanes d’orties. Même son de cloche du coté de l’ITAB où le responsable de la mission extraits naturelles confesse que les recherches sont concentrées uniquement sur les tisanes et les décoctions car les résultats encouragent l’exploration de cette voie contrairement au purin d’ortie.

Les bénéfices du purin d’ortie résultent aujourd’hui de quelques observations échafaudées en théories scientifiques comme celle de Terre vivante sur les vaccins végétaux !

4| Conclusion

La guerre de l’ortie a largement profité à faire de l’ortie un symbole fort, une figure de proue de l’indignation et du droit à refuser une société où l’économie a pris le pouvoir sur tout.

Il est probable que le purin d’ortie possède certaines qualités qui pourraient trouver une application dans l’agriculture, mais elles restent encore aujourd’hui, à découvrir ou à confirmer.

Un des principaux activistes de la cause de l’ortie, Dominique Jeannot, ancien président de l’association des amis de l’ortie : « le purin d’ortie n’est pas un produit miraculeux. Le seul miracle viendra de notre capacité à changer radicalement notre manière de cultiver et de vivre. L’objectif de notre association n’est pas de remplacer un pesticide chimique par un pesticide naturel mais de travailler pour redonner au cultivateur de l’autonomie et de l’indépendance ».

Alors, pourquoi l’administration n’a-t-elle pas tout simplement autorisé la commercialisation du purin d’ortie sans y encadrer sa fabrication et ses préconisations d’emploi ? Pourquoi faire simple quand on peut faire compliqué ?

Quand elle soutient avoir pris cet arrêté du 18 avril 2011 uniquement sur une décision politique et au détriment de toutes considérations scientifiques parce que « si l’ortie ne fait pas de bien, elle ne fait pas de mal à l’environnement  … » ; le politique, n’a-il pas poussé un peu fort, mémé dans les orties ?

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Purin d'ortie en cours d'élaboration
Purin d’ortie en cours d’élaboration.
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Regard critique sur l’électroculture par Christophe Gatineau

Note de Gilles : Christophe Gatineau a été technicien en protection des cultures, et est désormais cultivateur et chercheur, il a 52 ans et vit actuellement en Limousin. Son travail est centré sur l’eau, les croyances et l’étude du comportement social et individuel des végétaux domestiques et sauvages. Sa position : » l‘agriculture conventionnelle nourrit provisoirement les populations tandis que l’agriculture biologique est dans l’incapacité de les nourrir durablement. » Il développe un projet intitulé Cultiver-autrement et un : «  petit traité d’agriculture à l’usage du cultivateur novice, confirmé ou expert « . Cet ouvrage sera mis en ligne en 2014 et ouvert à la controverse pendant quelques années avant d’être publié. Il nous propose ici son point de vue sur l’électroculture dont il est régulièrement, pour ne pas dire plus en plus souvent, question dans les discussions concernant le jardinage naturel. Je lui laisse la parole :

Relayé par certains médias écrits, Internet foisonne de méthodes toutes plus exceptionnelles les unes que les autres pour améliorer la santé des plantes. Au royaume de l’agrobioécologie, toutes sont présentées comme des panacées. Pour l’une d’elles, l’électroculture, ses promoteurs s’appuient sur une thèse pour en justifier tout le bien fondé. On remarque immédiatement en lisant cette thèse que le fossé est grand entre ce qui est écrit et ce que l’on fait dire aux écrits. Le livre publié en 2010 chez Les Éditions Trédaniel / Le courrier du livre, Electroculture et Energies libres, illustre bien ce fossé.

A l’Université de Limoges, une thèse sur « électroculture et plantes médicinales » a été soutenue le 28 mai 1984 pour l’obtention du diplôme d’État de docteur en pharmacie. L’auteure, Martine QUEYREL, précise d’emblée que l’électroculture est une méthode de culture dont les théories ne sont encore qu’une hypothèse », et que ces principes exploitent tant le champ magnétique terrestre que le rayonnement cosmique, les courants de conduction atmosphériques et les courants telluriques. J’ajoute que ces derniers courants, type réseau Hartmann, sont aussi hypothétiques, rajoutant une hypothèse à l’hypothèse (*). « Nous avons observé que des plantes cultivées dans une atmosphère privée d’électricité présentent un développement moindre par rapport à des plantes cultivées dans des conditions normales » A trois reprises, l’expérience a été réalisée avec une cage de Faraday et chaque fois l’observation a été faite d’un ralentissement de la croissance des plantes.

Même si ces expériences mettent en évidence un effet significatif de la cage de Faraday sur la croissance des plantes, il est nécessaire de ne pas s’emballer car toutes ces essais ont été réalisés sur un très petit nombre de plantes. Par ailleurs, on ignore si c’est l’absence de courants ou de champs électriques qui a entravé la germination ou bien si c’est la cage elle-même qui a été le perturbateur.

Résultats

– Sur les semis, l’écart de graines germées est de 30 % supérieur par rapport aux témoins. La hauteur des jeunes plants 21 jours après le semis est en moyenne de 8 cm pour les semis issus des graines témoins et de 13 cm pour celles issues des graines électrocultivées, soit un gain d’un peu plus de 60 %. « Il semblerait donc à travers nos différentes expériences que l’électroculture agirait au niveau de la plante entière ; action qui semblerait se traduire par une précocité, par une plus grande vigueur et par un allongement du cycle du végétal » écrit le docteur. « La composition chimique des différentes plantes, en ce qui concerne les principes actifs,… montre une différence très nette en faveur des plantes électrocultivées. » Elle précise aussi que les plantes électrocultivées présentent une meilleure résistance aux gelées et elle ajoute : « un fait particulier et retrouvé de façon constante a été observé quelle que soit la culture considérée : la présence d’une plus grande quantité de vers de terre dans le terrain électrocultivé ».

implantation dispositif electroculture

Si l’auteure rapporte cette précision qui est par ailleurs hors du sujet de sa thèse, c’est que ce fait a été suffisamment marquant pour l’interpeller. Toutefois on doit prendre en compte que la technique électricole qui consiste à enfouir un grillage dans le sol, formait aussi un enclos sécurisant pour les vers de terre, leur offrant une protection contre leurs prédateurs naturelles. De ce fait, on peut considérer qu’ils aient pu y trouver refuge. A mon avis, cette observation témoigne que l’électroculture a un impact important sur l’activité biologique du sol. Mieux, si le terrain est tout, alors il n’est pas opposable que tout le bénéfice de l’électroculture aille à la vie dans le sol.

Dans cette hypothèse où le vivant serait le seul bénéficiaire – ce qui reste à prouver -, on peut sans s’aventurer émettre que le récepteur « électrique » soit l’eau : L’eau, la médiatrice, « l’intercesseur » entre l’inerte et le vivant. Alors, le bénéfice pour la plante ne serait qu’une conséquence, que la partie immergée de l’iceberg. Cependant, il ne faut pas tirer des conclusions hâtives de ce qui fonde qu’une hypothèse et un sentiment : « nos expériences ne sont pas suffisamment importantes en nombre pour pouvoir être plus explicites car cette précocité qu’apporte l’électroculture, n’est pas identique pour toutes les plantes… »

En conclusion,

1 – Sur internet, certaines personnes se gaussent de faire des récoltes extra-ordinaires grâce à l’électroculture. J’ai pris contact avec l’une d’elles pour la filmer pendant la récolte mais elle a catégoriquement refusé mon offre.

2 – L’étude de Madame QUEYREL a clairement démontré que l’électroculture est une voie qui devrait être explorée plus en avant ; avant d’en énoncer une éventuelle théorie. Cependant, toute technique visant à améliorer la productivité et la santé des plantes doit mettre en balance ses profits et ses déficits. En l’espèce, l’importance de l’appareillage électrique nécessaire à l’obtention de résultats satisfaisants font que la balance penche très défavorablement en faveur de l’électroculture. Néanmoins, ajoutés à toutes les observations éparses et individuelles, ses résultats sur la germination justifieraient à mon avis pleinement l’ouverture d’un programme de recherche sérieux et indépendant ; cette technique pouvant apporter à moindre coût, un grand bénéfice à l’horticulture et au maraîchage.

ANNEXES

1, d’un échange de courriels en date du 4 mai 2013, Madame Queyrel écrit : « rien à redire, ni à ajouter : j’ai les mêmes points d’interrogations et peut-être encore plus que vous ».

2, le réseau Hartmann est une théorie dont l’existence n’a jamais été pu être démontrée. A mon avis sans aucun fondement, elle a été montée de fil en aiguille par le oui-dire à partir d’une hypothèse émise par le docteur Hartmann dans les années 1935.

3, l’électroculture naît avec la découverte de l’électricité mais prend réellement son élan à partir de la fin du 19ème siècle pour culminer quelques dizaines d’années avant de sombrer en désuétude. Cet article est téléchargeable en version pdf à cette adresse : http://rue67b.files.wordpress.com/2013/06/electroculture-5juin13.pdf Si vous avez des expériences, témoignages, points de vue concernant l’électroculture, laissez nous un commentaire ! C’est à vous !

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Un peu de théorie

Nourrir le sol pour nourrir la plante, est-ce vraiment juste ?

Je lis régulièrement, dans des articles consacrés au jardinage biologique, l’affirmation suivante qui semble érigée en vérité incontournable : « il faut nourrir le sol pour qu’il nourrisse à son tour la plante ».

Bon je comprends bien que ce que sous entends cette affirmation, c’est que contrairement à ce qui se passe dans un jardin « conventionnel » où les plantes sont directement nourries avec des nutriments apportés sous forme d’engrais solubles, ici on apporte des amendements organiques (compost, fumier, BRF…) qui, en effet, nourrissent le sol et permettent ainsi aux plantes de mieux pousser.

Mais est-ce pour autant le sol qui nourrit la plante ?

Oui, cela est vrai à quelques % (2 à 3% en général), soit la proportion de constituants de la matière sèche (MS) des végétaux qui ont été prélevés dans le sol et qui correspond aux très nombreux nutriments fournis par l’altération des minéraux, parmi ceux-ci on trouve en tête (les chiffres sont issus de « Le sol vivant » de Gobat et al. 2010) :

  •  le phosphore – 0,1 à 0,5% de la MS
  • le soufre – 0,05 à 0,5% de la MS
  • le potassium – 0,5 à 5% de la MS, restitué au sol après floraison
  • le calcium – 0,05 à 0,5% de la MS
  • le magnésium – 0,01 à 0,1% de la MS
  • le fer – 0,005 à 0,1% de la MS
  • le manganèse – 0,002 à 0,02% de la MS

Le reste, soit 97% à 98% de la MS provient directement ou indirectement de l’atmosphère, il s’agit du carbone (issu du Gaz carbonique), de l’oxygène et de l’hydrogène (issus de la vapeur d’eau) et de l’azote (issu du diazote et fixé par des bactéries dans les écosystèmes). Ce dernier, bien que d’origine atmosphérique n’est accessible à la plante que sous des formes minérales dans le sol (nitrates et ammonium, voir mon article sur l’azote dans tous ses états). Du coup, on pourrait le rajouter parmi les éléments que le sol amène à la plante, vu que les tissus végétaux en contiennent environ 5%, on peut dire que l’affirmation de départ est finalement vraie entre 7 et 9%, ce qui reste faible.

Que devient ensuite toute cette biomasse végétale créée à partir de l’air ?

Elle revient au sol, tout simplement. Donc modifie ses propriétés du fait de la décomposition de cette matière organique par les organismes du sol. Ce retour de matière organique se fait par les trois flux énergétiques que j’ai décrits dans l’article consacré à ce thème.

Du coup qui nourrit qui ? le sol amène à la plante 7 à 9% de sa biomasse et la plante restitue au sol 100% de cette biomasse dont plus de 90% provient directement de l’atmosphère. Donc finalement c’est bien la plante qui nourrit et même fabrique le sol ! c’est pourquoi la restitution des résidus de cultures, des herbes sarclées et des couverts végétaux est un outil agronomique d’importance majeure et à mon sens incontournable.

D’ailleurs que se passe-t-il dans la nature : au départ d’une surface minérale, on voit apparaître une végétation au départ très rase et fournissant peu de biomasse (parfois même uniquement des lichens, voire des cyanobactéries) cette biomasse en se décomposant crée peu à peu un terre végétale, prémices d’un sol qui se développe au fil des années, des décennies, des siècles en laissant venir des plantes de plus en plus développées : herbacées annuelles puis vivaces, puis ligneux jusqu’aux grand arbres si le climat le permet. L’article « construction d’un sol sur une dune littorale du Morbilhan » donne un exemple de ce type de dynamique.

Donc finalement, ce sont bien les plantes qui fabriquent le sol, donc d’accord pour nourrir le sol pour qu’il puisse à son tour nourrir les plantes, mais alors cultivons des plantes pour le nourrir 😉 !

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Un peu de théorie

La faim d’azote du début de printemps

Je vous propose un nouvel article sur l’azote, j’ai déjà traité ce thème à l’automne, en vous expliquant les risques de fuites de nitrates à cette époque et les amendements à apporter alors.

Je vous propose aujourd’hui de regarder plus en détail ce qui se passe en ce moment dans nos sols.

A vrai dire, c’est exactement le contraire de ce qui se produit à l’automne : les sols restent froids au sortir de l’hiver et ce d’autant plus qu’ils sont humides, du coup, malgré l’humidité du sol, on a peu de minéralisation de la matière organiques et donc peu de libération de nitrates, ce qui fait que cet élément est peu disponible pour les plantes. Si vous avez en ce début de printemps dans votre potager des légumineuses comme des fèves, des pois… ou des plantes peu gourmandes, comme des laitues, des oignons… ce phénomène n’est pas trop gênant. Par contre pour des cultures plus gourmandes, cela peut poser quelques soucis.

Comment piloter l’azote au début du printemps ?

Cela peut se faire de plusieurs manières :

La première est d’apporter de l’azote minéral directement, par exemple en fertilisant vos plantes avec de l’urine diluée, c’est gratuit et ça marche aussi bien que l’azote chimique du commerce !

La seconde est de travailler le sol, c’est un peu contraire à l’éthique que je propose ici, mais pourquoi pas ? En effet, le travail du sol, en amenant de l’oxygène dans le sol, va favoriser l’oxydation des matières organiques et donc la libération de nitrates. C’est ce qui se passe lorsque vous montez des buttes en cette saison et explique pourquoi cette technique permet d’avoir des résultats spectaculaire dès la première année. Mais attention, vous fertilisez en détruisant par sur-oxydation le capital organique de votre sol, il faudra donc pensez à le reconstituer par des apports carbonés en conséquence ! Et si vous décidez de passer le motoculteur pour aérer votre sol, soyez très vigilants aux conditions d’intervention ! Si vous le passez sur un sol bien ressuyé, ça ira, par contre si le sol est humide, gare aux semelles de travail et aux dégâts sur les lombrics ! Suivant les années les conditions sont très variables, ici, en Ardèche, elles ont été bonnes pendant tout le mois de mars et le début avril en 2012, cette année, ce n’est même pas la peine d’y penser…

Il vous reste aussi la possibilité de faire avec les cycles naturels tels qu’ils sont, c’est-à-dire éviter les implantations de début de printemps, qui sont les plus délicates à réaliser et favoriser le plus possible des végétaux implantées à l’automne (cultures ou couverts végétaux) : il frappant de remarquer que ces dernières, non seulement ne souffrent pas de faim d’azote, mais en plus poussent de manière spectaculaire dès les températures augmentent et les jours deviennent plus longs que les nuits. Ces plantes ont passé tout l’hiver à développer tranquillement leur enracinement, à présent, elles sont prêtes pour ériger leurs parties aériennes. De plus, elles consomment une partie de l’eau du sol, ce qui facilite son réchauffement tout en le protégeant du rayonnement solaire et des précipitations.

Que dire du cas où vous avez suivi mes conseils de fin janvier dispensés dans l’article  « commencez un potager sur une parcelles enherbée grâce à un simple mulch » ? Il est clair que là, votre sol reste humide, qu’il est isolé du réchauffement dû au soleil, donc que la libération de nitrates est quasiment nulle. C’est une réalité, c’est pour cela que je propose en général d’attendre fin avril-début mai, voire plus tard, pour mettre en culture : le sol finit quand même par se réchauffer et permet la mise en place des cultures d’été. Si vous souhaitiez toutefois absolument tester des cultures dès à présent, vous pouvez toujours écarter le paillage jusqu’à voir le sol et y déposer les semences mélangées avec un terreau ou un compost de couleur sombre. La couleur sombre permet de mieux absorber le rayonnement solaire et donc de stimuler localement le réchauffement du sol, la libération de l’azote nécessaire aux plantes suivra très rapidement.

Donc pour résumer : soit vous attendez un peu plus que les voisins, soit vous semez dans du terreau ou du compost, soit vous semez à l’automne

Et vous, quelles sont vos expériences de début de printemps ? Travaillez-vous le sol ? Mettez-vous les cultures en place plutôt à l’automne ? Au printemps ?

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Un peu de théorie

Mildious et autres Oomycètes : sont-ils des champignons ?

La sortie la semaine dernière du livre Anti Mildiou de Nicolas du blog potager durable (et qui sévit régulièrement sur ce blog sur le pseudo d’Asparagus) m’amène à écrire un article sur les Oomycètes, ces curieux micro-organismes qui ressemblent à s’y méprendre à des champignons et qui nous causent tant d’ennui au potager.

Faisons connaissance avec les Oomycètes

Pour répondre à la question du titre : eh bien non, malgré les apparences ! Le groupe des Oomycètes est même très éloigné, évolutivement parlant, de celui des Eumycètes (les champignons au sens strict). Cela a de quoi surprendre, car il y a en effet de nombreux point communs entre Oomycètes et Eumycètes : ils ont tous ces structures filamenteuse (hyphes) comme celles qui forment le mycélium des champignons, ils se reproduisent tous en libérant des spores dans l’environnement et sont tous des consommateurs de matières organiques. On trouve aussi dans les deux groupes divers mode de nutrition : certains se nourrissent de matières organiques en décomposition, d’autres sont des parasites de végétaux, d’animaux ou d’autres organismes. Et pourtant, évolutivement parlant, ils sont extrêmement éloignés. Un petit détail nous le montre : la paroi cellulaire des Oomycètes est composée de cellulose, à l’instar des végétaux. Les Oomycètes sont en fait en quelque sorte des algues qui ont perdu leurs capacités photosynthétiques au cours de l’évolution, c’est que confirme la classification phylogénétique (celle basée sur l’ADN et s’intéresse aux filiations des différentes espèces entre elles, voir schéma ci-dessous).

Arbre phylogénétique des Eucaryotes dit non raciné car on ne sais pas où sur cet arbre se situe l'ancêtre commun à tous ces organisme.Il apparaît ici très clairement que les champignons (Eumycètes) et les Oomycète sont ausi différents entre eux que nous ne le sommes des végétaux et des paramécie !Issu de Selosse, M.A. : Les Végétaux Insolite - Pour la Science, dossier n°77, octobre-novembre 2012
Arbre phylogénétique des Eucaryotes dit non raciné car on ne sais pas où sur cet arbre se situe l’ancêtre commun à tous ces organisme.
Il apparaît ici très clairement que les champignons (Eumycètes) et les Oomycètes sont aussi différents entre eux que nous ne le sommes des végétaux et des paramécies !
Issu de Selosse, M.A. : Les Végétaux Insolite – Pour la Science, dossier n°77, octobre-novembre 2012
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D’ailleurs leurs proches cousins que sont les algues brunes et les diatomées sont bien des algues. Les premières sont bien connues et faciles à trouver sur de nombreux littoraux sous des formes telles que fucus, laminaires, wakamé… et les secondes sont d’étranges algues microscopiques au squelette siliceux, on en dénombre aujourd’hui plus de 100000 espèces qui représentent 20 à 25% de la production photosynthétique des océans, elles sont aussi très présentes dans les eaux continentales.

Algues brunes sur le littoral breton
Algues brunes sur le littoral breton
petit échantillon de la diversité des formes chez les diatomées, ces algues étranges au squelette siliceux.

Mais revenons à nos Oomycètes : à l’instar de leurs cousins que nous venons d’évoquer, ils vivent exclusivement dans l’eau, ceux qui vivent dans le sol sont donc dans l’eau du sol et ceux qui parasitent dans les plantes sont amenés le plus  souvent par les éclaboussures dues à la pluie ou à l’irrigation.

Parmi ces organismes, les plus connus sont ceux qui parasitent des végétaux, ce d’autant plus que ces parasites sont souvent redoutables, il s’agit par exemple des différents mildious causés chacun par plusieurs espèces d’Oomycètes : celui de la vigne est dû à Plasmopara viticola, celui de la pomme de terre et de la tomate à Phytophthora infestans, celui du rosier à Peronospora sparsa… La terrible maladie de l’encre qui décime les châtaigner dans de nombreuses régions de France est également dû à des Oomycètes, Phytophthora cambivora et Phytophthora cinnamomi, qui, comme leur nom de genre l’indique sont de proches cousins du mildiou des Solanacées. La « fonte des semis » qui peut ravager en quelques jours tous vos semis ou encore le pourrissement des gazons sont également dues à des Oomycètes, ceux-ci du genre Pythium.

fructifications du mildiou de la vigne.
fructifications du mildiou de la vigne.

Le mildiou de la tomate

Revenons plus particulièrement sur le mildiou de la tomate qui est celui est au cœur du livre de Nicolas. Il s’agit donc de l’espèce phytophtora infestans qui est également celle qui parasite les autres Solanacées et notamment les pommes de terre. Si aujourd’hui nous le percevons comme un parasite qui nous embête pour déguster les tomates de nos potager, cet Oomycète a causé par le passé des millions de morts, notamment en étant à l’origine de la grande famine européenne des années 1840 qui détruisit plus de 80% des cultures de pommes de terre en Irlande et dans les Highlands écossais et causa rien qu’en Irlande 1 million de morts ! Cela fait un peu froid dans le dos et n’est finalement pas si loin de nous…

Mais heureusement, grâce au travail de Nicolas, vous serez capable d’éviter de telles tragédies à vos proches ! Tout au moins sur les cultures de tomates.

Cet Oomycète se développe à partir de spore mobile (zoospores) à la surface les feuilles de son hôte qu’il pénètre en s’introduisant dans les stomates. Il se nourrit alors des tissus végétaux, pouvant entraîner parfois en seulement quelques jours la mort de la plante hôte et y produit des spores « immobiles » (oospores) qui passent l’hiver suivant dans les tissus végétaux morts. Ces oospores germent au printemps dans le sol pour donner les zoospores qui atteignent les feuilles grâce aux éclaboussures dues à la pluie et à l’arrosage.

Une des préconisations souvent proposées pour lutter contre le mildiou est d’arracher les pieds infectés et de les brûler pour limiter la propagation de l’agent pathogène. C’est vrai que ce que je viens d’expliquer invite franchement à faire cela, même si c’est assez contradictoire avec les pratiques que j’invite à adopter dans ce blog, notamment la restitution des résidus de culture. Cela dit dans mon expérience, je n’ai jamais remarqué d’infestation supérieure dans les planches où avaient été rassemblés les résidus de l’été précédent, et en plus on peut légitimement se demander dans quelle mesure cette préconisation est utile car pour qu’elle soit efficace, encore faudrait-il que la bestiole n’aie pas eu le temps libérer ses spores avant l’arrachage des plants. Quand on sait que dans de bonnes conditions une dizaine de jours lui suffit, on peut sérieusement en douter. Est-ce que ça vaut le coup de priver la vie du sol du carbone fixé par la tomate ? A vous de choisir, personnellement, je prends le risque de tout laisser au sol.

Et bien sûr, je vous invite à découvrir le livre de Nicolas :  Anti-mildiou, faites pousser des tomates sans maladies

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Un peu de théorie

Quelles essences pour faire du BRF ?

Une question qui m’est très souvent posée est de savoir si telle ou telle essence est utilisable sous forme de BRF pour amender le potager. IL est vrai qu’on peut lire de par le net toutes sortes de recommandations qui interdisent tour à tour les résineux, les chênes, les châtaigner, les peupliers, les noyers, les mimosas…

Je souhaite tout d’abord être clair sur un point : s’il semble évident que toutes les espèces d’arbres ne sont pas égale en tant que BRF, on ne sait rien ou presque au sujet desquelles sont les meilleures et desquelles sont à éviter !

De nombreuses hypothèses circulent, en voici quelques unes :

Préférer les espèces « climaciques » :

C’est là une des hypothèses favorites du Pr Lemieux. Les espèces dites « climaciques » sont celle qui s’installe à la fin de la succession écologique et une fois ce stade atteint, la composition spécifique n’évolue plus ou peu. Ce concept demeure toutefois très théorique et il n’est pas toujours si évident de dire si un écosystème donné représente ou non un « climax ».

Dans la pratique, on assimile souvent espèces climaciques à espèces forestières à bois dur telles que le chêne, le châtaignier, le hêtre… Toutefois de nombreuses espèces à bois dur ont également un caractère pionnier : frênes, merisiers, aulnes, robinier… Ce qui ne facilite pas notre affaire….

Pour étayer cette hypothèse, Gilles Lemieux s’appuie sur des études telles que celle sur la régénération forestière effectuée dans les année 80 et celle sur la culture du seigle en Ukraine. Dans ces études, effectivement, les essences « climaciques » donnaient en effet souvent de bons résultats, toutefois, il difficile d’extrapoler des résultats en régénération forestière au potager ou en agriculture ! Quant à l’étude sur le seigle est effectuée sur seulement une année, de plus comment être sûr que ces résultats sont extrapolables pour d’autres cultures, d’autres sols et d’autres climats ?

Dans le cas de cette étude ukrainienne, on remarque également qu’une des meilleures essences est le robinier, or cette essence, si elle à bois dur n’en est pas moins une espèce pionnière !

En conclusion cette hypothèse me paraît très délicate à utiliser, à la fois parce qu’elle manque de clarté quant aux essences concernée et parce qu’elle n’a jamais été démontrée dans la pratique !

Robinier faux-acacia (Robinia pseudo-acacia)

Éviter les bois riches en tanins :

Et voilà qu’une autre hypothèse arrive, exactement contraire à la précédente : éviter les bois riches en tanins (chênes, châtaigniers…) ! Or ceux-ci sont généralement des espèces climaciques… De quoi y perdre son latin !!!

L’hypothèse ici est que les tanins contenus dans le bois inhibent le développement des végétaux… Il est vrai que certains effets dépressifs des BRF peuvent être attribués à des blocages liés aux tanins, mais là encore rien ne valide cette hypothèse. De plus certains utilisateurs de BRF utilisent avec bonheur de telles essences… Je connais même un producteur de BRF (Terre d’Arbre en Indre et Loire) qui fabrique majoritairement des BRF de châtaignier !

chataignier (Castanea sativa)

Éviter les noyers :

Le noyer contient en effet une substance toxique : la juglone. Toxique, oui mais pour qui ? Pour nous ? Pour les vers de terre ? Les bactéries ? Les plantes ? Intéressons à ces dernières. L’agroforesterie sous les noyers, cela se fait depuis 2000 ans et l’impact sur les cultures est même plutôt positif ! (voir par exemple le site agroforesterie.fr et le livre Agroforesterie : Des arbres et des cultures (1DVD)
de Dupraz et Liagre).

Toutrefois la sensibilité à la juglone semble variable suivant les plantes, le site de l’OMAFRA (Canada) propose une liste de plantes tolérantes et sensibles à ce composé. Cette approche est-elle valable pour un simple apport de BRF ? Pour combien de temps après l’apport ? Là je n’en sais rien et je sais aussi que certains utilisateurs de BRF utilisent le noyer avec succès, alors qu’en est-il réellement ? Affaire à suivre…

noyer commun (Juglans cinerea)

Éviter les saules, peupliers, aulnes, troënes, mimosas… :

Dans même lancée on voit fleurir toutes sortes de restrictions sur diverses essences de feuillus, là encore basées sur la présence de tel ou tel composé chimique ou motivé par un échec lié à une de ces essences. Calmons nous, on n’en sais rien et ce n’est pas parce qu’une essence a donné un mauvais résultat quelque part que ce sera pareil chez vous !

Éviter les résineux :

C’est sans doute là l’affirmation la plus répandue et la moins sujette à débat. Elle tire son origine de l’observation par le Pr. Lemieux que les humus sous forêt de résineux sont de qualité biologique inférieure à ceux des forêts de feuillus. Il s’appuie pour cela sur des observation faites au Québec, bien sûr, mais aussi en milieu tropical concluant que cet effet ne dépend pas du climat. De plus, il est vrai les essais en régénération forestière avaient donné de moins bon résultats (dans l’ensemble) avec les résineux. Pour expliquer cela il avance la différence entre la lignine des feuillus et celle des résineux et la teneur élevé chez ces derniers en composés allélopathique (c’est à dire qui inhibe la germination des autres plantes, comme les terpènes, les polyphénols et les alcaloïdes).

Soit, mais d’autres observations tendent à relativiser cela, en voici une liste non exhaustive :

  • Certains résineux sont les pionniers de nombreuses successions écologiques et préparent donc le terrain pour les espèces de stade écologique plus mature. Exemples : les garrigues de cade ou les bois de pin d’Alep en milieu méditerranéen, les pinèdes sylvestres en zone plus tempérée et en climat montagnard… Ces écosystèmes pionniers précèdent par exemple la chênaie blanche en milieu méditerranéen, la chênaie-hêtraie ou la chênaie-charmaie en milieu tempéré ou encore la hêtraie-sapinière, voire la sapinière en milieu montagnard. Leur impact sur l’écosystème apparaît donc tout à fait positif : création d’un sol à partir d’un substrat minéral qui favorise l’installation de nouvelles espèces plus exigeantes.
  • L’humus sous certaines formation résineuses est semblable à celui trouvé sous des peuplement feuillus voisin. C’est le cas par exemple des humus de type mull sous pin d’Alep en région méditerranéenne. En milieu plus froid, il est vrai les aiguilles mettent du temps à se décomposer et créent des accumulations en surface, c’est vrai, mais les litières de hêtres mettent aussi du temps. Les humus de type moder que l’on trouve dans un cas comme dans l’autre sont-ils si différents l’un de l’autre ? De plus le facteur lumière a lui aussi un impact très important, or un potager, normalement, est plus lumineux qu’un peuplement dense d’épicéa… La formation d’humus acides sous les résineux est souvent due à la conjugaison d’un sol acide à l’origine, d’un climat froid et/ou d’un sol hydromorphe et de l’accumulation d’une litière acidifiante (notez bien qu’il s’agit surtout d’aiguilles, car les BRF de résineux ne sont pas acidifiants, comme le montrent tous les résultats expérimentaux y compris ceux du Pr. Lemieux).
  • Et bien sûr, il y a des fadas qui en mettent dans le potager sans constater d’effet dépressif plus intense qu’avec des feuillus…
Sapinière dans le massif du Rif au Maroc

En conclusion, j’émets des réserves sur la plupart de ces restrictions, et j’aimerai bien en effet en savoir plus sur l’impact réel des substances montrées du doigt (selon les cas la juglone, les terpènes, les tanins…) ou celle de la différence entre lignine de feuillus et lignine de résineux !

En attendant d’en savoir plus, mon invitation est, dans la mesure du possible de mélanger les essences disponibles, ce qui rejoint finalement un conseil maintes fois formulé par le Pr. Lemieux et son équipe.

Et bien sûr si vous avez des expériences à nous partager au sujet des BRF de résineux, de chênes, de châtaigniers, de noyers et autres espèces régulièrement déconseillées, je vous invite à les partager dans les commentaires ci-dessous !


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Un peu de théorie

Les trois piliers de l’aggradation d’un sol

Petit avant-propos

Cet article fait l’objet d’un événement inter-jardiniers organisé par Yannick du blog Au potager bio. Il souhaite réaliser un e-book sur les différentes méthodes d’enrichir la terre pendant l’hiver. Tout le monde peut y participer, que vous soyez amateur, professionnel, possédant un blog ou non. Vous trouverez tous les renseignements directement sur le site page événement inter-jardiniers.

J’ai bien sûr répondu avec joie à cette invitation de Yannick. Le seul petit soucis que j’ai eu est que ce sujet a été largement évoqué dans mon article du Biocontact de ce mois-ci. Cela dit, cet article me permet d’insister sur les trois piliers de la gestion de la fertilité du sol d’une autre manière que dans l’article en question et de plus focaliser sur les applications au jardin de ces principes. J’y ai aussi inséré des liens qui permettrons aux nouveaux venus (particulièrement nombreux ce mois-ci, Biocontact oblige) d’être guidés dans la découverte de ce blog. Bonne lecture !

Enrichir son sol… Très intéressant bien sûr ! Mais qu’est ce qu’un sol riche exactement, que doit-il contenir? Cette question pourrait nous amener très loin dans des considérations sur les propriétés physiques et chimiques du sol (porosité, densité apparente, azote, Eh, pH, matières organiques, CEC, phosphore, oligo-éléments…). Je ne vais pas entrer ici dans de telles considérations théoriques. Je vous propose simplement d’aborder le sol comme un ensemble de matières minérales, de matières organiques et d’êtres vivants.

le sol est un ensemble de matières minérales, de matières organiques et d’êtres vivants.

Mon approche propose de prendre les matières minérale comme elles sont sans chercher à agir dessus par des chaulages, apports de sable, argiles… mais par contre à agir fortement sur les matières organiques et les êtres vivants, afin de favoriser ce que le Pr Lemieux avait appelé l’aggradation des sols (contraire de dégradation). Les trois piliers de mon approche sont la suppression du travail du sol, l’amendement organique et la production de biomasse, voyons cela de plus près :

Supprimer le travail du sol

Avant de penser à l’enrichir, il faudrait peut être penser à ne pas l’appauvrir !

Comment appauvrit-on un sol ? Simplement en introduisant des pratiques qui génèrent la perte de matière organique par minéralisation excessive ou par érosion avec pour conséquence par exemple la perte de l’azote du sol par lixiviation des nitrates.

Ces pratiques destructrices sont essentiellement liées au travail du sol donc le premier point à bien comprendre avant de penser à enrichir est de réduire le travail du sol et si possible le supprimer, surtout à des périodes où la MO est fortement minéralisée, comme à l’automne.

Amener des amendements organiques

A présent que cela est posé, intéressons nous enfin à comment l’enrichir. La première solution, celle à laquelle la plupart des jardiniers pensent en premier est l’amendement, en l’occurence l’amendement organique avec des produits tels que fumiers, composts, BRF…

En ce qui me concerne, j’ai une nette préférence pour les amendement d’origine végétale, faciles à trouver dans la plupart des jardins, et utilisés frais, sans compostage préalable. Pour mieux comprendre ce point de vue, je vous invite à (re)découvrir mes articles sur le compost ou les flux d’énergie au jardin. Il peut s’agir aussi bien d’amendement d’origine herbacés, tels que le foin ou la paille, ou ligneux, tel que le BRF, ou encore les feuilles qui se détachent de mes BREF.

Ces amendements sont simplement déposés sur le sol, en paillis. Les organismes du sol s’en nourrissent et le mélangent à la terre sans que je n’ai rien d’autre à faire que de déposer tout ça en surface.

Amender le sol n’est pas indispensable, mais c’est une aide qui permet d’accélérer fortement l’enrichissement du sol d’un jardin !

Produire de la biomasse

Enfin, le troisième et dernier pilier est la production de biomasse au sein même du jardin. Cela peut certes paraître paradoxal, puisqu’il est bien connu que cultiver des plantes appauvrit le sol ! Or cette affirmation est fausse, ce n’est pas la culture des végétaux qui appauvrit le sol, mais leur récolte ! Si l’on parvient à faire produire à une parcelle beaucoup plus de matière végétale qu’on en récolte, on peut la fertiliser uniquement avec les plantes qui y poussent !

Comment cela ?

Tout simplement en restituant directement au sol toutes les parties non récoltées des plantes cultivées, comme ça, directement sur le sol, même si elles sont malades (ce qui est très souvent le cas pour les cultures en fin de saison). Pour améliorer le retour de matière organique au sol, je vous invite à choisir des plantes qui produisent le plus possible de biomasse afin d’apporter le plus possible de matières organiques au sol !

Toutefois, certaines cultures, par nature, restituent très de peu de matières organiques au sol: il s’agit des légumes racines (carottes, pommes de terre, betteraves…) et des légumes feuilles (épinard, poireaux, salades…). Il n’est donc pas possible de compter seulement sur les apports de cultures pour enrichir le sol, le recours à une autre méthode est donc indispensable…

Cette autre méthode, tout aussi importante, est de mettre en place des couverts végétaux (alias engrais verts) dès qu’une planche se libère et qu’on ne la recultive pas tout de suite ! Ces couverts permettent non seulement de produire de la matière organique en fixant du carbone issus du CO2 atmosphérique et de l’énergie solaire, mais aussi de fixer de l’azote issus de l’air (si le couvert contient des légumineuses), d’attirer des pollinisateur grâces aux fleurs, de concurrencer l’enherbement…

En plus un autre avantage de fertiliser avec les plantes que l’on fait pousser sur place est qu’elle participent à structurer le sol grâce à l’action mécanique de leurs racines et de l’enrichir grâce à la rhizodéposition. D’ailleurs à ce sujet le récent et excellent livre de Guylaine Goulfier « La révolution au Potager » est un des rares, voire le seul livre grand public sur le jardinage à mettre en avant l’importance de ce phénomène. Je me permet de vous le recommander.

Donc au final, c’est plutôt simple d’enrichir un sol : il suffit de ne pas le travailler, de l’amender et de le cultiver en permanence que ce soit avec des cultures destinées à être récoltées ou des couverts végétaux cultivés uniquement dans des buts d’améliorer la fertilité du sol !

Et vous comment enrichissez vous votre sol ?
Retrouvez l’ensemble de ce carnaval d’article ici : http://au-potager-bio.com/resume-de-levenement-enrichir-sa-terre/